Donc, très chouette troisième tome, qui oriente le récit à fond sur l’aspect politique / racisme / critique sociale, délaissant un peu la dimension complot des origines.
Darby est désormais en fuite, aux côtés du jeune Billy (qui prend de plus en plus de place dans l’intrigue) et de Paolita, qui s’attache à lui. Ils trouvent refuge dans un appartement loué par une vieille dame qui, sans le dire, semble lassée de la politique du pays.
Politique qui va rattraper les personnages, justement parce que le nouveau président est bien décidé à imposer ses lois ségrégationnistes, sous couvert d’unité nationale, et à faire l’exemple par une exécution médiatisée.
Il se passe plein de choses dans ce tome, c’est bourré d’action, mais Brunschwig prend le temps de caractériser quelques personnages, dont Mila, l’autre « photonique ». Le scénariste s’ingénie aussi à décaler son héros, toujours occupé à autre chose et donc jamais là où il serait le plus utile. Une sorte de héros réticent, en somme. Billy, au contraire, est dans le feu de l’action et ses pouvoirs sont bien démontrés.
Grosso modo, j’aime beaucoup. C’est une belle conclusion à ce triptyque, mais j’établirais peut-être deux petits reproches. D’une part, les « méchants » me semblent un peu d’une seule pièce, le président notamment, qui n’a pas ses petits moments à lui pour le montrer moins monolithique qu’il ne paraît. Faut de place, sans doute. Et ensuite, le vieux fan de Photonik que je suis a attendu longtemps la réunion du héros, du gamin et du toubib, formule des trois âges de l’homme qui a déjà présidé à Blek le Roc (avec Roddy et Occultis) ou à Zembla (avec Yéyé et Rasmus), sorte de figure figée d’une certaine bédé popu où
Luminary puise une partie de son inspiration. Or, la réunion de ces trois figures ne dure qu’une courte séquence et ne se matérialise que dans une case. Zut, déception.
Hélas, ce tome 3 conclut le premier diptyque… qui sera aussi le dernier et le seul. De l’aveu même du scénariste, les ventes sont très décevantes, suffisamment mauvaises pour que l’éditeur jette l’éponge sans même réfléchir à un autre format, une autre périodicité, etc. Selon Brunschwig (qui s’en ouvre notamment sur BD Gest), le projet cherchait à injecter des éléments du genre super-héroïque dans la bande dessinée franco-belge, et se serait peut-être heurté au problème classique (déjà rencontré par la collection « Comics Fabrik » chez Delcourt, pour ne citer qu’un exemple récent), à savoir que les lecteurs franco-belges n’ont peut-être pas été séduits par ces codes qu’ils ne connaissent pas, que les lecteurs de
comics ne sont pas allés chercher ce produit qui pourrait pourtant les séduire (on sait déjà qu’en dehors de Marvel et DC, les super-héros, même américains, sont durs à vendre), bref, qu’à viser deux publics, ils ont tiré au milieu sans en toucher aucun. Le scénariste prolonge la réflexion en estimant (avec moult points d’interrogation) que le produit est peut-être difficile à défendre pour les libraires et difficile à commenter pour les journalistes, pour les raisons évoquées ci-dessus. Bref, une fois de plus, faire du super-héros en franco-belge, c’est casse-gueule, même avec un scénariste
bankable et un dessinateur connu. Au moins l’éditeur aura-t-il suivi le projet jusqu’au bout de son premier cycle : et de fait, la fin est une fin ouverte, laissant entrevoir des déclinaisons possibles, mais permettant d’offrir aux personnages un destin à peu près satisfaisant aux lecteurs qui ont suivi l’aventure.
Et l’aventure, si elle vous tente, vous savez ce qu’il vous reste à faire quand vous passerez chez votre libraire.
Jim