LUMINARY t.1-3 (Luc Brunschwig / Stéphane Perger)

Hé bien, Brunschwig n’y va pas par quatre chemins dans ce deuxième volume. Bien décidé à faire le portrait de l’Amérique des années 1970 dans ce qu’elle a de pire (règne du complexe militaro-industriel, fantasme du super-soldat, caste politique accrochée au pouvoir, manipulation des médias, abandon des classes pauvres, peur de l’autre…), il plonge les différents personnages dans des situations difficiles, éprouvantes autant pour les héros que pour les lecteurs.

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L’enfant noir qui parle aux animaux et qui s’est enfui d’un cirque dans le premier tome découvre que donner des ordres au règne animal et accomplir des exploits héroïques, c’est deux choses différentes. Le jeune bossu aux pouvoirs de lumière trouve refuge auprès d’une droguée, occasion pour les auteurs d’explorer le monde des camés et des prostituées, sans concession. L’autre victime des expériences gouvernementales, quant à elle, est manipulée par la sphère politique. Et l’ombre du docteur plane sur le récit, ce vieux savant dont, en fan de la série qui inspire les auteurs, on attend l’arrivée avec impatience.

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La narration, découpée en épisode dont les amorces sont autant de flash-backs éclairant les parcours des personnages, principaux et secondaires, est un véritable rouleau compresseur. Les effets cognent fort, peut-être trop, c’est plus spectaculaire que Le Pouvoir des Innocents, par exemple, qui joue sur des ressorts voisins. C’est plus grandiloquent, plus visuel, plus rentre-dedans, peut-être plus forcé. Sans doute dans la volonté de donner un ton « comics » à l’ensemble.

Ce deuxième tome est très réussi, mais il ne s’embarrasse pas de subtilité ou de métaphores. Il cogne, en mode « in your face ».

Jim

En même si je me souviens bien des premiers titres qu’on m’a évoqué de lui, ça jouait aussi du direct.

Je sais pas. J’ai un souvenir plus récent du premier tome des Frères Rubinstein, donc ça déforme peut-être un peu ma vision de son travail, mais j’ai l’impression que L’Esprit de Warren ou Le Pouvoir des Innocents recouraient plus souvent au non-dit, au hors-champ, des choses qu’on laisse entendre mais qu’on ne montre pas. Ou peu. Là, j’ai l’impression qu’il se veut plus démonstratif. Peut-être est-ce en corrélation avec une ambiance « comics », ça nourrit le clin d’œil. Ou bien peut-être est-ce moi qui garde trop à l’esprit la source d’inspiration, à savoir Photonik, et qui suis troublé par la collision des deux.

Jim

Tu as sûrement raison.

Ou pas.
Disons que j’ai refermé l’album en me disant qu’il ne prenait pas de gant, qu’il y mettait la dose (si j’ose dire).

Jim

J’ai juste entamé le pouvoir des innocents et/ou l’esprit de Warren (je ne sais plus) mais de tête ça envoyait quand même. Ou alors c’était mon sentiment à l’époque.

Je veux bien te croire. Sur parole. Même si je ne comprends pas.
:wink:

Jim

Tu peux.

Tome 3 annoncé sur le site Glénat pour le 11 mai prochain.

Jim

Futur visuel de couverture ?

Jim

Luminary - Tome 03: The No War Man

Bouquet final.

C’est le choc : le président Carter est mort ! Et plus que jamais, les États-Unis sont à feu et à sang, divisés par d’irréconciliables clivages sociaux et raciaux. C’est dans ce contexte à haute tension que va s’accomplir la plus improbable des rencontres : Billy, le garçon noir qui parle aux animaux ; Darby McKinley, le jeune adolescent handicapé aux capacités luminiques extraordinaires et le professeur Henkel, vieillard humaniste dépassé par sa création. Face à eux : Mila, l’alter ego de Darby, ivre de liberté et manipulée par les militaires complotistes fascisants prêts à tout pour s’emparer du pouvoir… Ce tome marque la fin de cette fascinante série de super-héros à la française, aussi dramatique que spectaculaire.

  • Éditeur ‏ : ‎ Glénat BD; Illustrated édition (22 juin 2022)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Relié ‏ : ‎ 136 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2344045325
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2344045329
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 788 g

Luc Brunschwig est né en 1967 à Belfort et vit à Tours. Après avoir travaillé en agence de pub, il commence sa carrière de scénariste avec Le Pouvoir des Innocents, dont le premier est nommé à l’Alph-Art du scénario d’Angoulême. Plus tard, il réalise différentes séries comme L’Esprit de Warren, Vauriens, Urban Games, Angus Powerhill ou Lloyd Singer. Il entame ensuite une fructueuse collaboration avec Futuropolis, signant les scénarios de Après la guerre, Holmes, Urban et la reprise du Pouvoir des Innocents. Il a par ailleurs écrit un XIII Mystery, dessiné par Olivier Taduc. Chez Glénat, il scénarise l’adaptation de Conan La Citadelle écarlate, dessinée par Étienne Le Roux et écrit, avec Stéphane Perger au dessin, la série Luminary selectionnée à Angoulême en 2019.

Stéphane Perger, né en 1975, publie Sir Arthur Benton en 2005, son premier album en couleur directe. Il connait immédiatement un succès public et critique. En 2008, Il publie une nouvelle série, Sequana. Il enchaîne ensuite les projets variés : polar brumeux avec Scotland Yard, espionnage avec Complot et SF avec Odyssée sous contrôle. Puis, après Dark Museum, il publie avec Kid Toussaint Brûlez Moscou au Lombard. En 2018 il travaille sur les Avengers de Marvel et sort C.O.W.L. chez Urban Comics, série originairement réalisée chez Image Comics et scénarisée par le duo Kyle Higgins et Alec Siegel. En 2019, sort chez Glénat le premier tome de la série remarquée Luminary avec Luc Brunschwig. Réside à Strasbourg.

Bon, je vais attendre avant de démarrer la lecture, alors !

Je sens que je vais le lire quand il va arriver chez moi, et que je vais relire l’ensemble d’un bloc, un peu plus tard.

Jim

Quelques autres pages :






Jim

Faut définitivement que je m’y mette…

Voui !!!

Jim

Donc, très chouette troisième tome, qui oriente le récit à fond sur l’aspect politique / racisme / critique sociale, délaissant un peu la dimension complot des origines.


Darby est désormais en fuite, aux côtés du jeune Billy (qui prend de plus en plus de place dans l’intrigue) et de Paolita, qui s’attache à lui. Ils trouvent refuge dans un appartement loué par une vieille dame qui, sans le dire, semble lassée de la politique du pays.

Politique qui va rattraper les personnages, justement parce que le nouveau président est bien décidé à imposer ses lois ségrégationnistes, sous couvert d’unité nationale, et à faire l’exemple par une exécution médiatisée.


Il se passe plein de choses dans ce tome, c’est bourré d’action, mais Brunschwig prend le temps de caractériser quelques personnages, dont Mila, l’autre « photonique ». Le scénariste s’ingénie aussi à décaler son héros, toujours occupé à autre chose et donc jamais là où il serait le plus utile. Une sorte de héros réticent, en somme. Billy, au contraire, est dans le feu de l’action et ses pouvoirs sont bien démontrés.


Grosso modo, j’aime beaucoup. C’est une belle conclusion à ce triptyque, mais j’établirais peut-être deux petits reproches. D’une part, les « méchants » me semblent un peu d’une seule pièce, le président notamment, qui n’a pas ses petits moments à lui pour le montrer moins monolithique qu’il ne paraît. Faut de place, sans doute. Et ensuite, le vieux fan de Photonik que je suis a attendu longtemps la réunion du héros, du gamin et du toubib, formule des trois âges de l’homme qui a déjà présidé à Blek le Roc (avec Roddy et Occultis) ou à Zembla (avec Yéyé et Rasmus), sorte de figure figée d’une certaine bédé popu où Luminary puise une partie de son inspiration. Or, la réunion de ces trois figures ne dure qu’une courte séquence et ne se matérialise que dans une case. Zut, déception.


Hélas, ce tome 3 conclut le premier diptyque… qui sera aussi le dernier et le seul. De l’aveu même du scénariste, les ventes sont très décevantes, suffisamment mauvaises pour que l’éditeur jette l’éponge sans même réfléchir à un autre format, une autre périodicité, etc. Selon Brunschwig (qui s’en ouvre notamment sur BD Gest), le projet cherchait à injecter des éléments du genre super-héroïque dans la bande dessinée franco-belge, et se serait peut-être heurté au problème classique (déjà rencontré par la collection « Comics Fabrik » chez Delcourt, pour ne citer qu’un exemple récent), à savoir que les lecteurs franco-belges n’ont peut-être pas été séduits par ces codes qu’ils ne connaissent pas, que les lecteurs de comics ne sont pas allés chercher ce produit qui pourrait pourtant les séduire (on sait déjà qu’en dehors de Marvel et DC, les super-héros, même américains, sont durs à vendre), bref, qu’à viser deux publics, ils ont tiré au milieu sans en toucher aucun. Le scénariste prolonge la réflexion en estimant (avec moult points d’interrogation) que le produit est peut-être difficile à défendre pour les libraires et difficile à commenter pour les journalistes, pour les raisons évoquées ci-dessus. Bref, une fois de plus, faire du super-héros en franco-belge, c’est casse-gueule, même avec un scénariste bankable et un dessinateur connu. Au moins l’éditeur aura-t-il suivi le projet jusqu’au bout de son premier cycle : et de fait, la fin est une fin ouverte, laissant entrevoir des déclinaisons possibles, mais permettant d’offrir aux personnages un destin à peu près satisfaisant aux lecteurs qui ont suivi l’aventure.

Et l’aventure, si elle vous tente, vous savez ce qu’il vous reste à faire quand vous passerez chez votre libraire.

Jim

Mince !
Même avec du Perger ! Pinaise !

Tu peux pas me l’offrir plutot ?