MA VIE EN L'AIR (Anne Sibran / Didier Tronchet)

Discutez de Ma vie en l’air

En 2003, la romancière et scénariste Anne Sibran collabore avec Didier Tronchet pour l’album Là-bas, également dans la collection « Aire Libre » de Dupuis. Deux ans plus tard, le dessinateur adapte l’un de ses textes, Ma vie en l’air, sous la forme d’un album onirique qui parle à la fois des traumatismes d’enfance, des secrets de famille, des violences infligées par la société et de la difficulté d’accueillir les gens cabossés parmi les autres.

L’album s’ouvre sur une petite fille qui se découvre l’étrange capacité de voler. Après de nombreuses chutes, elle virevolte parmi les oies, en cachette de ses parents. Son père est égorgeur en chef à l’abattoir et elle fait semblant de dormir quand il la visite le soir.

Petit à petit, l’horreur, en lien avec un imaginaire incontrôlable, remplace l’ambiance de conte innocent des premières planches. La jeune fille, qui raconte sa vie alors qu’elle est désormais une vieille dame fatiguée, s’enfuit, rencontre Paulin un amoureux des oiseaux, perd son don, part travailler à la grande ville, croise le chemin d’Elias dont elle ne verra jamais le visage, et glisse lentement dans la folie.

La voix off, écrite dans calligraphie cursive, véhicule des images issues du registre fantastique (les vampires…) et, recourant à un style poétique, mélange cannibalisme et communion catholique, enfermement et éducation, résultant en un récit oppressant, néanmoins assez beau, où l’espoir est là, mais constamment insaisissable.

L’étrangeté vient aussi du style de Tronchet, dont le trait gras, support d’un laid grotesque, semble inadapté au récit et pourtant parvient à le renforcer. Très déstabilisant.

Jim