MONSIEUR NOIR t.1-2 (Jean Dufaux / Griffo)

D’ordinaire, je ne suis pas très fan de Dufaux, chez qui je vois des fixettes qui m’agacent, ni d’ailleurs de Griffo, dont je reconnais le soin qu’il accorde à ses planches, mais dont le style me semble souvent instable, en ce sens qu’il ne me semble ni constant ni affirmé.

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Pourtant, la lecture de Monsieur Noir, diptyque publié dans la collection « Aire Libre », m’a enchanté. Cela tient en grande partie à l’humour des dialogues et à l’absurdité des situations, ainsi qu’à un dessin à l’encrage limpide et au trait semi-réaliste qui convient très bien au propos et met Griffo en valeur.

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L’histoire commence alors que la petite Fanny, une orpheline adolescente, arrive au château de Blacktales, tenu par des aristocrates farfelus. L’enfant sait se faire aimer, en affichant un comportement modeste et réservé, à la fois des maîtres du domaine et du petit personnel (même si le chef cuisinier constitue une présence quelque peu menaçante). Mais les phénomènes étranges (voix derrière les portes, feux de cheminées animés d’une volonté propre…) se multiplient, laissant supposer que le château est hanté.

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Le secret de la colossale bâtisse est dévoilée avec le personnage de Passepied, un jeune homme de basse extraction qui nourrit des ambitions secrètes : le véritable propriétaire de la demeure est Monsieur Noir, qui signe un bail de sept ans avec les locataires, à condition que le document soit signé à l’aide d’une plume réputée indestructible. Et justement, l’heure du renouvellement du bail approche, et tout le monde cherche la plume, qui a été perdue.

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Dans le même temps, le château de Blacktales grossit inexplicablement, les pièces s’allongeant, les murs reculant, les escaliers s’étirant afin de s’adapter aux nouvelles dimensions du lieux. Le royaume s’étend et entretient les conflits entre les Tohu et les Bohu, qui tous courent après la plume perdu afin d’avoir l’honneur, le plaisir et l’avantage de signer le bail proposé par Monsieur Noir.

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Le récit, qui avait débuté dans une atmosphère de contes de fée (le château, l’ingénue, la famille « marraine »…), avant de plonger dans les clichés gothiques savamment décalés, devient, dans sa deuxième partie, une parabole de la quête du pouvoir, avec son lot de trahisons et de sacrifice. Les dialogues sont plutôt bien troussés, le rythme est dosé avec finesse, les différentes rencontres officient comme autant de détours, à l’image du château labyrinthique, mais les auteurs ne perdent jamais de vue le parcours global de leurs personnages.

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Compilé en 2013 sous forme d’intégrale, Monsieur Noir est une surprise agréable, un récit vif et condensé qui m’a réconcilié avec deux auteurs m’ayant rarement enchanté à ce point.

Jim