NEMESIS t.1-8 (Ange / Alain Janolle)

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Les éditions du Téméraire, dans les années 1990, se distinguent par leur exploration de la bande dessinée américaine. Mais rapidement, la structure éditoriale se lance dans la création, proposant des séries nouvelles par des auteurs confirmés ou débutant. C’est le cas avec la série Nemesis, par le tandem de scénaristes Ange et par le dessinateur Alain Janolle, que les lecteurs de Scarce connaissent déjà. Hélas, le Téméraire ferme bientôt boutique. Une partie de sa production émigre vers le catalogue de Soleil. Ange et Janolle, qui n’ont eu le temps que de livrer deux tomes, ont donc le droit, en 2000, de finir leur saga (en réalité un premier cycle, qui sera agrémenté d’une suite, succès oblige).

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L’intrigue est classique. Deux agents du FBI se retrouvent chargés de l’enquête sur un crime mystérieux. Mais comme la victime est un ancien agent de la CIA, le dossier leur est retiré, ce qui ne va pas sans causer des frictions et des guerres d’officines.

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Les personnages sont plutôt bien campés, même s’ils reposent sur des clichés. C’est peut-être d’ailleurs là la force du jeune Jonathan Fischer, toujours souriant, et du vieux Fitzgerald Mallow, un briscard à qui on ne la fait pas. Ils ont deux méthodes différentes, deux approches du métier, mais finissent par bien fonctionner ensemble.

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L’intrigue, qui met en scène des êtres techno-organiques et de sombres projets gouvernementaux de l’après-guerre, est aujourd’hui assez classique, mais a pour elle de mélanger habilement tout un tas de choses (la magie, la science, l’opération Paperclip, la guerre froide…). L’influence X-Files est assumée, et il faut sans doute reconnaître une certaine modernité, un évident air du temps que la trilogie a su saisir.

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Question dessin, Janolle, sous son trait assez rond et presque humoristique, s’appuie sur des influences comics qui fonctionnent très bien. Ses personnages, souvent cadrés de trois quarts, se ressemblent un peu (surtout les personnages féminins), mais il parvient à leur donner une belle existence tout de même. Ses décors et sa manière de faire bouger la matière inanimée n’est pas sans rappeler les leçons des mangas, en particulier Akira.

Le premier tome se conclut alors que les deux enquêteurs ont réussi à explorer ce fameux « niveau 11 » qui donne son titre au volume. Ils rencontrent ces êtres hybrides dont la présence est annoncée depuis quelques pages, mais bien entendu, on se doute que personne ne va les croire…

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En convalescence après leur exploration du « niveau 11 », Fischer et Mallow découvrent que, comme de juste, personne ne les croit. En effet, des traces de stupéfiant et d’alcool dans leur organisme mettent en doute leur témoignage, que les autorités imputent à des hallucinations. En revanche, la fille de la première victime, Roxanne, elle-même agent de la CIA, flaire l’entourloupe et se met à creuser davantage.

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Ce deuxième tome fait avancer l’intrigue, la rattachant à des figures comme Aleister Crowley ou Lafayette Ron Hubbard (ce qui fera sourire les initiés) et précisant les circonstances dans lesquelles les premières expériences (dont la fameuse « Babalon Working ») ont permis la création des monstruosités déjà croisées dans le récit. Les auteurs mélangent allègrement plein d’ingrédients, dans un joyeux bazar assez réjouissant.

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C’est également le tome dans lequel apparaît un nouveau personnage, sorte d’homme en noir à l’allure élégante et surannée, au visage impénétrable et inquiétant, dont les intentions restent mystérieuses. Il se rend notamment dans l’appartement de Roxanne Kent, et on comprend bien vite qu’il la traque. Il finira par la retrouver dans la maison familiale, sur la côte, où elle trie les affaires de son père défunt (et tombe sur de nombreux documents qui permettent de faire avancer le scénario).

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Janolle met en scène des séquences d’action (ou de cauchemar), dans lesquelles il excelle, et se débrouille assez bien avec les parties plus banales, même si on sent dans ses planches l’envie de bondir et de remuer. Ses compositions sont riches et toujours très lisibles. L’une de ses techniques consistent à insérer ses cases dans une vignette couvrant l’ensemble de la planche, dans laquelle certains éléments font avancer l’action. Ingénieux et ambitieux, même si parfois gratuit.

Jim

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Troisième et dernier volet du premier cycle (car oui, l’histoire, à la base, est prévue en trois tomes, mais l’édition chez Soleil a rencontré un certain succès permettant de prolonger l’aventure), « Critical Mass » précipite les héros vers une confrontation avec les méchants.

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Derrière la figure charismatique d’un ponte des nouvelles technologies, c’est le complexe militaro-industriel qui est représenté. Les enquêteurs, soutenus par une partie (seulement) de leur hiérarchie, écoutent les conseils d’un certain « Monsieur Clock », un être techno-organique, apparu vers la fin du tome précédent, et qui peut leur expliquer ce qui s’est passé il y a quelques décennies. C’est l’occasion, pour les héros comme pour les lecteurs, de découvrir que les industriels d’aujourd’hui cherchent à reproduire l’expérience, en faisant exploser une tête nucléaire afin de « déchirer le tissu de la réalité », comme on dit.

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S’ensuit une course contre la montre, à l’issue de laquelle la menace semble écartée. En tout cas, pour le moment. La dernière page laisse entendre que les choses ne sont pas finies, Monsieur Clock ayant échappé au sort tragique que tout le monde croit être le sien, et entretenant ses propres projets, bien différents de ce à quoi les enquêteurs s’attendent.

Mais ceci est une autre histoire, pour un autre cycle. Pour l’heure, les auteurs auront laissé un premier récit trépidant, qui oublie cependant en chemin de creuser quelques aspects des personnages (le père de Fischer, par exemple). L’ensemble ne s’émancipe pas toujours des clichés qu’il convoque, mais il y a une énergie sincère et communicative à l’ensemble.

Jim

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