Moi, je crois que ma série préférée parmi les Law & Order, c’est la première, la centrale, la mère de la franchise. Il y a des épisodes qui sont incroyables (souvent d’ailleurs, mais pas toujours) quand le procureur perd.
Formellement parlant, c’est sobre et efficace. Sans effet, à part une science de l’ellipse qui atteint des sommets. Donc tu regardes, et tu te dis que ça n’a pas de style. C’est faux, en fait, ça a un style qui se veut neutre, en retrait, tout pour l’efficacité.
Ce qui est fort, en fait, et surtout dans la partie « procureur » (je rappelle le principe, la formule : la première partie, c’est l’enquête jusqu’à l’arrestation, la seconde c’est le procès ou la procédure), c’est qu’ils parviennent dans la majeure partie des cas à éclairer un problème sous plusieurs angles, donc à avoir une vision politique complexe, tout en évitant d’être chiant. Et ils font ça avec des sujets parfois particulièrement chatouilleux (les armes, l’avortement, le suprémacisme…). Ça cogne.
Y a un épisode que j’adore, parce qu’il sort justement de la formule de la série, c’est le dernier de la saison 6, « Peine capitale » : on retrouve les flics et les juristes de la série, réunis autour de l’exécution d’un condamné. Et on suit leur journée, où ils ont tous du mal à s’en remettre parce que même s’ils ont vu des horreurs dans leurs milieux respectifs, c’est pas facile d’assister à ça. Et c’est prodigieux de caractérisation et de dialogues. Et la fin de l’épisode, purée…
Vraiment, c’est un peu un monument, Law & Order, et les autres séries ont aussi développé leur univers et leur portée.
Alors la franchise CSI, c’est un peu vicieux parce que les différentes séries, s’appuyant sur les différences entre chaque état, développent des tonalités divergentes. Mais si je devais conseiller quelque chose, ce serait les premières saisons de la série centrale, avec William Petersen. Parce qu’elles sont marquées par la volonté d’afficher un style visuel (pour le faire court, des successions de séquences surexposées et de gros plans sur des objets difficilement compréhensibles au néophyte, dans une approche un peu à la Seven version aseptisée, le tout avec des images superposées représentant la reconstitution qu’ils font des meurtres ou des accidents à l’aide d’indices : visuellement, il y a vingt ans, c’était wahou, le premier que j’ai vu, c’est le S02E18, avec un bus qui a dérapé, et la reconstitution de l’accident m’impressionne encore), une technophilie plutôt souriante et un aréopage de personnages qui sont des professionnels bien écrits, un truc qui tranche par rapport aux « séries de consultant » qui commençaient déjà à régner à l’époque et dont un des traits est souvent que le héros central travaille en dehors des clous, le thème du vice de procédure n’étant jamais abordé. Donc déjà, y a une tonalité qui était unique à l’époque.
Ensuite, au bout d’une saison, une fois qu’ils ont installé l’univers et les personnages, ils ont senti qu’ils ont pu faire évoluer les personnages. Et là, y a un épisode que je recommande, c’est le S02E16, « Primum non nocere » / « Du sang sur la glace », qui propose deux enquêtes parallèles qui sont intéressantes en soi, mais surtout qui creuse les personnages et leur offre certains des dialogues les plus forts.
En soi, oui. Mais comme tu pourrais le dire pour plein de séries de super-héros au long cours, qu’on aime (on a tous nos exemples). Des trucs qui allient une vraie compétence formelle (en gros, « les mecs, ils savent raconter », comme je dis souvent), une attention aux personnages et à leur évolution, un souci du détail, de la cohérence et de la continuité, et une volonté de proposer une formule narrative pour mieux te déstabiliser de temps en temps.
Je rajouterais encore que ces deux séries parviennent souvent à ne pas être totalement résolutives : même si l’enquête est arrivée à terme, il y a beaucoup d’épisodes qui laissent le spectateur déterminer lui-même quoi penser de tout ça.
D’une certaine manière, et même si je suis moins fan parce que le côté divertissement l’emporte un peu, je crois qu’on pourrait dire ça de NCIS : compétence narrative, soin de la caractérisation… Je crois que les amateurs de Batman, s’ils ne connaissent pas la période Gibbs / DiNozzo / Duckie / Ziva / Abby, devraient s’y pencher. Ouais, voilà : du bon divertissement sans prétention mais avec une grande richesse et une profondeur qui autorise de nombreuses relectures, comme les Batman de Chuck Dixon.
Jim