NU-MEN t.1-2 (Fabrice Neaud)

Connu pour son autobiographie dessinée appelée Journal, publiée chez Ego comme X, Fabrice Neaud fait une excursion dans le monde des super-héros à l’occasion d’un diptyque (hélas, la série était prévue pour durer plus longtemps) intitulé Nu-Men, et sorti sous le label « Quadrants » de Soleil.

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Influencé de son propre aveu (et entre autres lectures) par la série Authority de Warren Ellis et Bryan Hitch, Neaud apporte une interprétation nouvelle au genre. Situant son action dans un monde post-apocalyptique ayant traversé un hiver nucléaire, il mélange géopolitique, exploitation médiatique, génie génétique dans un cocktail assez détonnant, démontrant au passage son talent pour un dessin réaliste orienté vers l’action, loin du caractère intimiste de son journal.

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Le mot latin « numen » désigne à la base le geste de la tête associé à un consentement ou une reddition. C’est donc un terme évoquant la volonté, le mental. Par la suite, le mot désigne également la volonté agissante, la puissance, d’abord divine puis politique. Écrit avec un tiret, comme c’est le cas dans la série, l’expression évoque certaines graphies anglo-saxonnes, donnant donc un aperçu de ces « hommes nouveaux », ces « new men ». Enfin, un esprit coquin y verra peut-être un clin d’œil aux « hommes nus », et ce ne serait sans doute pas faux, tant de nombreuses planches s’ingénient à mettre en scène des corps de colosses en mouvement dans une évidente exultation de la plastique humaine.

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En sous-texte, au-delà de l’aventure proprement dite et de la relecture d’un genre codifié, l’auteur s’interroge sur la pression du regard social (par les médias et par la sphère politique), et sur le fantasme d’un homme nouveau, issu et rescapé des crises. Qu’est-ce que l’idéal de reconstruction peut avoir de douteux et de manipulateur ? En brossant le portrait d’une société qui a survécu à l’effondrement mais qui en reproduit les erreurs, ainsi que celui des figures héroïques qu’elle instrumente, Neaud nous parle aussi des rejetons monstrueux de la société du spectacle, où politique, divertissement et idolâtrie se mélangent.

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Hélas, les deux tomes sortis ouvraient sur une suite, sur des développements potentiels qui ne verront jamais le jour, nous privant d’un cycle complet de « super-héros à la française » qui aurait dû laisser sa marque.

Jim