Dans l’État du Mississippi, durant la Grande Dépression, trois prisonniers s’échappent de prison. À leur tête, le gentil et beau-parleur Ulysses est entouré du simple d’esprit et optimiste Delmar et du râleur et sanguin Pete. Ulysses a convaincu ses compagnons auxquels il était enchaîné de s’évader pour retrouver le magot d’un braquage de banque s’élevant à un million deux cent mille dollars. Ils se lancent alors dans un long périple à travers l’État du Mississippi, traqués par le shérif Cooley.
Attention, ce message ne peux s’écouter qu’en musique. 1,2,3…
O’Brother, where art Thou est le titre du film que voudrait réalisé John L. Sullivan. Habitué à faire des comédie, il voit dans ce projet l’occasion de créer une grande histoire social qui raconterait la vie d’un homme ordinaire, une grande œuvre réaliste qui parlerait des problèmes des gens. Pour convaincre son patron qui estime qu’il n’a aucune expérience de la vie réelle, Sullivan décide alors de partir sur les routes sans un sou et en se faisant passer pour un clochard. A la fin de son odyssée, Sullivan aura appris que ses comédies qu’il méprisait sont des œuvres primordiales qui aident et donne espoir aux gens.
En donnant le titre de l’histoire fictive du film de Preston Sturges, Les Voyages de Sullivan, à leur dernier film, Joel et Ethan Coen rendent un hommage appuyé* au réalisateur qui ouvrit son film par cette dédicace : " To the memory of those who made us laugh : the motley mountebanks, the clowns, the buffoons, in all times and in all nations, whose efforts have lightened our burden a little, this picture is affectionately dedicated"*
La comédie est un genre noble et faire rire est essentiel pour les humains. Elle en dit tout autant sur la société et les individus qu’une œuvre dramatique. O’Brother est un film comique, un film drôle, un film sans une once de noirceur, un film qui donne du baume au cœur.
Mais O’Brother est aussi un film qui se déroule durant la Grande Dépression et qui conte l’évasion de trois pauvres hommes, de leur périple et leur rencontre avec d’autres pauvres individus. Et bien sur O’Brother est l’Odyssée d’Homère façon Coen. Le personnage principal (George « the man » Clooney dans sa première collaboration avec les frangins) s’appelle Ulysse et veut rejoindre son foyer et sa femme Penny (diminutif de Pénélope) et croisera sur sa route une multitude d’obstacle décalque des aventures du roi d’Ithaque (mon préféré, le cyclope John Goodman).
Ce n’est pas tant cette relecture moderne (ou presque) de l’Odyssée qui est intéressante dans O’Brother que la manière dont le film le percute et le fusionne avec le mythe américain. Parmi les différentes rencontres du trio (Clooney donc mais également John Turturro et Tim Blake Nelson c’est dire le trio de la qualité), on trouvera Baby Face Nelson et surtout le guitariste Tommy Johnson (forcément au carrefour où il aurait rencontré le diable la veille) qui les accompagnera dans leur aventure et participera à la création du groupe Soggy Bottom Boys qui deviendront très vite célèbre avec leur tube Man of Constant Sorrow.
C’est là aussi l’un des points les plus intéressant du film. Traqué, les fuyards ne devront leur salut que par le succès de leur chansons mais surtout la récupération politique qui en est fait. Placer cette odyssée durant la Grande Dépression n’est pas qu’un choix qui donne au film un cachet visuel magnifique ou l’occasion d’écouter des accents délicieux (ça c’est aussi un truc que j’adore chez les Coen, la musicalité des voix et des accents) c’est aussi placer cette histoire comique destiné à apporter du baume au cœur à une époque où se développe les outils permettant une large diffusion des œuvres. C’est l’age d’or de la radio et c’est par cet instrument que Man of Constant Sorrow deviendra célèbre et déchainera les foules lors du final.
Il manque cependant à O’Brother une certaine maîtrise et folie qu’on voyait auparavant ou une certaine folie. Malgré les aventures, il n’y a jamais de mise en danger des personnages et tout se déroule dans une certaine bonne humeur. C’est à la fois la force et la faiblesse du film. Mais peut-être cela est-il du à cette volonté de proposer un film qui fait sourire et qui illumine. Une sorte de rayon de solaire avant la tristesse infinie qui allait arriver.
*de manière plus discrète Barton Fink se déroule en 1941, date de sortie des Voyages de Sullivan
*À la mémoire de ceux qui nous ont fait rire : les bariolés mountebanks (de l’opérette de Gilbert et Sullivan), les clowns, les bouffons, de tous temps et de tous pays, dont les efforts allégèrent un peu notre fardeau, ce film est dédié