ONE t.1-3 (Sylvain Cordurié / Zivorad Radivojevic)

Discutez de One

Sylvain, c’est une volonté de faire des séries en 3 tomes ?

Récit de thriller à base de complot géo-politique, One a une très chouette amorce.

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Le gouvernement américain a fabriqué, plus par inadvertance qu’autre chose, des télépathes. Souffrant souvent de troubles mentaux, ils ont fait l’objet d’un programme de recherche, et seule une poignée d’entre eux est parvenue au rang d’agents actifs. Malheureusement, l’un d’eux a disparu, et visiblement quelqu’un essaie d’effacer les traces en liquidant les gens impliqués dans le projet. Il est donc décidé d’envoyer un autre agent sur les traces du disparu, afin de remonter la piste et de comprendre ce qui se passe. Tout ça sur fond de « paix mondiale », les conflits géo-politiques frappant le monde semblant réglés les uns après les autres.

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Le postulat de base est assez classique, mais ce qui est plutôt astucieux, c’est tout le contexte qu’on qualifiera rapidement de « scientifiques », qui permet deux choses : d’une part justifier de manière « réaliste » la télépathie (ce qui donne une approche assez originale, somme toute) et d’autre part planter le décor dans un contexte militaro-politico-industriel assez cynique, avec un enchaînement de circonstances qui ne sont pas sans évoquer une sorte de prospective « mauvais esprit » à la Warren Ellis : les responsables font des erreurs, mais parviennent régulièrement à en tirer profit.

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De même, Sylvain parvient à pousser son idée dans des directions intéressantes. Par exemple, la forme de télépathie développée influe sur la caractérisation de son héros (là encore, assez ellisien : tout vêtu de noir et gardant une distance froide par rapport à ses congénères, il n’est pas sans évoquer Jack Hawksmoor), et s’il ne prend pas l’ascenseur, c’est qu’il a d’autres soucis que se maintenir en forme. Autre exemple, la « sauvegarde en spray » (lisez, vous comprendrez), qui est une déclinaison ingénieuse de son idée première, et qui, là encore, a son petit côté ellisien.

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Le premier tome se conclut sur une mission ratée. Les personnages (le héros et sa hiérarchie), qui semblaient tenir les bonnes cartes en début d’album, se retrouvent dans la panade, occupant le rôle de fugitifs. Là encore, classique dans la structure, mais l’ensemble est émaillé d’idées qui rendent le tout accrocheur et surprenant.

Jim

Le tome 2 ne parvient pas à transformer l’essai du précédent.
C’est en grande partie dû à un dessin faiblard, qui ne parvient pas à animer l’éventail des personnages. Tous les protagonistes sont dessinés, représentés et vêtus de la même manière, seuls quelques rides et la couleur des cheveux parviennent à différencier tel ou tel personnage, si bien que l’on s’y perd, sans doute même dès la première page.

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Dommage, car le récit est plutôt pas mal : en fuite, les deux personnages centraux du premier volume tentent de rallier des alliés, ce qui permet d’explorer les capacités d’un autre groupe de surhommes, et de creuser un peu l’organisation que certaines parties aimeraient voir démantelée. C’est d’autant mieux troussé que le héros s’approche du responsable de la crise qui a déclenché l’intrigue, sans toutefois obtenir le fin de l’histoire.

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Avec un dessin moins raide et surtout des personnages mieux travaillés (un gros, un barbu, un chauve, un moustachu…), ça aurait été passionnant. Mais le peu d’expression des protagonistes fait que l’on s’arrête afin de s’assurer d’une information, et que la lecture n’est pas fluide.

Jim

Le troisième tome rattrape largement les trébuchages du deuxième, qui décidément constitue le ventre mou de la trilogie.

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Ce volume a pour lui d’offrir une unité de ton (et presque de lieu) qui joue en sa faveur, parce qu’elle permet de concentrer les informations. Les fusillades diverses du tome précédent ayant permis d’élaguer le casting, on souffre moins de l’effet « tout le monde se ressemble » dû au trait rigide de Radivojevic, et il est un peu plus facile de suivre les péripéties. D’autant qu’elles sont, là encore, bien musclées.

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Et surtout, le scénario prend le temps de donner des explications finales, de tricoter ensemble les différentes intrigues, et notamment d’expliquer l’étonnante situation de géo-politique mondiale qui, pour l’heure, se contentait de servir de toile de fond à la course-poursuite des deux premiers tomes. Comme on s’y attendait, les expériences ayant conduit à la création des télépathes ont également favorisé l’émergence d’un homme dont les actions influent sur l’ensemble de la planète. Là encore, Sylvain parvient à marcher sur les plates-bandes de Warren Ellis : on retrouve de l’auteur britannique le goût pour l’idée scientifique tordue et ses déclinaisons variées, les rapports entre les ronds-de-cuir politiques et les hommes de terrain, et aussi le thème de l’homme seul capable de changer le cours de l’histoire… ou de s’y empêtrer.

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La fin du récit, les trois dernières planches constituant une séquence de conclusion mais aussi d’ouverture, fonctionnent précisément sur ce régime, avec une punchline qui remet tout en perspective.

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Reste que, faute de place sans doute, le scénario ne se pose pas la question du bienfondé de la démarche du « méchant », qui est à One ce qu’Ozymandias était à Watchmen. Aucun personnage ne s’interroge, ne verbalise la question qui court sur l’ensemble de la saga : « et s’il avait raison ? » Certes, la méthode employée semble horrible pour les êtres biologiquement et socialement individualistes que nous sommes (et que sont les protagonistes), mais tout de même, ce méchant-là, il réussit un truc formidable, non ?

Ah là là, avec un chouette dessin, ça aurait été formidable.

Jim

Ah voilà, c’est ici que tu parlais de Radivojevic … et je ne voulais pas être vilain dans l’autre sujet, mais il me semblait bien que tu n’avais pas été très enthousiasmé par le travail du monsieur !

Quel autre sujet ?
(je suis vieux, faut tout me répéter)

Jim

Visiblement, tu as trouvé la boussole …

En cherchant…

Jim