OPERATION PEUR (Mario Bava)

REALISATEUR

Mario Bava

SCENARISTES

Romano Migliorini, Roberto Natale et Mario Bava

DISTRIBUTION

Giacomo Rossi Stuart, Erika Blanc, Fabienne Dali, Piero Lulli…

INFOS

Long métrage italien
Genre : horreur
Titre original : Operazione Paura
Année de production : 1966

Dans la prolifique filmographie de Mario Bava, l’excellent Opération Peur vient entre deux films de commande qui ont donné des résultats diamétralement opposés (le bon Duel au couteau et le très mauvais L’espion qui venait du surgelé, l’un des pires films du réalisateur…opinion partagée par Bava lui-même). Opération Peur a marqué le retour du Maestro à l’horreur gothique, après ces deux chefs-d’oeuvre que sont Le Masque du Démon et Le Corps et le Fouet. Un retour en grande forme malgré un titre que je ne trouve pas très inspiré (mais c’est toujours mieux que celui choisi pour l’exploitation américain…Kill, Baby, Kill !).

La réussite de Opération Peur ne se trouve pas dans son histoire, qui reste relativement classique. Au début du siècle, un médecin (le fade Giacomo Rossi-Stuart, vu notamment aux côtés du grand Vincent Price dans Je suis une Légende) est envoyé dans un petit village reculé des Carpathes pour pratiquer une autopsie sur une jeune femme décédée dans de mystérieuses circonstances. Cartésien, il va devoir faire face aux superstitions locales, les villageois étant persuadés que leur localité est hantée par le fantôme d’une petite fille. On retrouve là le thème de l’opposition entre les gens de la ville et les campagnards qui est à la base de nombreux films du genre et d’autres oeuvres de Bava.

Un pitch classique, donc…magnifié par la maestria de la réalisation de Mario Bava, qui ne manque pas de trouvailles brillantes pour pallier à nouveau à un budget modeste. Pendant pratiquement toute sa carrière, Bava a du en effet jongler avec des contraintes financières qui n’ont pas bridé sa créativité. Et ce fut encore le cas avec Opération Peur. Le film fut tourné en 12 jours pour la modique somme de 50.000 lires…et quand l’argent vint à manquer, Bava et ses équipes décidèrent tout de même de le terminer, sans être payés. Opération Peur fut un succès au box-office italien, avec plus de 201 millions de lires de recettes.

Opération Peur est une expérience visuelle et sensorielle d’une grande intensité et il n’est pas étonnant que le film de Mario Bava ait inspiré par la suite de nombreux réalisateurs. Les plans sont superbement composés, le choix du lieu de tournage (un village médiéval) participe idéalement à l’atmosphère voulue…une atmosphère hallucinatoire, travaillée grâce à une photographie élaborée, l’emploi de zooms violents (un effet qui n’est ici pas gratuit), des décors aux motifs étranges et suréels (ruelles de pierre couvertes de brume, tavernes poussiéreuses, escaliers en colimaçon, manoir au sombre secret)…

Mario Bava manipule autant les perceptions du spectateur que celles de ses personnages. L’enquête du docteur se transforme en une longue nuit qui semble détachée de toute unité temporelle, une boucle sans fin (expression à prendre également de manière littérale) ponctuée de visions cauchemardesques, une poursuite de la vérité où il devient progressivement difficile de faire la part entre la réalité et l’hallucination. Vertigineux !

Et quel fantôme ! Joué par un garçon, Melissa Graps demeure l’un des plus perturbants spectres féminins de l’histoire du cinéma fantastique…

1 « J'aime »

Un très très grand cru pour Bava, une réussite majeure du maître italien à mes yeux.
La partie « dérèglement spatio-temporel » vers la fin est tout simplement incroyable, un de ces morceaux de bravoure de nature à sauver un film par sa seule présence. « Opération Peur » n’en a pas vraiment besoin, car il est maîtrisé de bout en bout…

Tu signales la ribambelle de cinéastes influencés par ce « grand petit film » : au premier rang de ces réalisateurs, il faut bien sûr signaler la présence Martin Scorcese, grand amateur de Bava (il surveillait de près tout ce qui se faisait en Italie), qui a reconnu l’influence de ce film sur « La Dernière Tentation du Christ », pour la représentation de l’un des avatars de Satan en personne…

La couverture de l’adaptation en roman-photos dans la revue française Film Horreur :

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Ah tiens, depuis ce post j’ai vu le film à sketches « Histoires Extraordinaires » (1968), compilation de courts/moyens métrages adaptés de Poe, avec derrière la caméra Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini. Le segment de ce dernier, « Toby Dammit » (avec Terence Stamp) est incroyable : l’incarnation du Diable y est une petite fille parfaitement calquée sur celle de « Opération Peur », à tel point que Bava s’en était offusqué… Il aurait bien aimé que Fellini, dont il savait qu’il avait vu et aimé son film, le signale, quand même.

Ah, il va falloir que je le revoie un jour celui-là. Je ne l’ai vu qu’une seule fois et je crois que j’étais bien trop jeune…^^

A l’exclusion du fabuleux segment de Fellini, c’est quand même très moyen. Le segment de Vadim est même gentiment nul à chier, pour être honnête. Celui de Malle (avec Alain Delon dans le rôle du William Wilson de Poe) est déjà plus engageant, mais pas forcément très abouti, avec même un étonnant côté série Z par moments… Mais le sous-texte du récit est si fort que ça passe quand même.
Quant à « Toby Dammit », voilà la gamine satanique en question histoire de jauger sa ressemblance avec le spectre de Mario Bava…

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…que voilà (avec le même ballon blanc, carrément !! ; Bava n’avait pas tort sur le fait que Fellini avait poussé un peu, sur ce coup) :

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C’est flagrant !

…et l’une des incarnations de Satan dans "La Dernière Tentation du Christ " de Scorcese s’en inspire donc aussi, mais c’est moins flagrant pour le coup (juste le concept du Diable comme petite fille blonde… et Scorcese comme à son habitude a eu l’élégance de préciser la source de son inspiration) :

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Graham Humphreys :