Spéciale et pour tout dire un peu frustrante, comme lecture, mais très intéressante malgré tout. Paradoxale comme du Hickman, en somme. Un auteur intelligent et bourré de bonnes idées mais qui peine à rendre son travail attachant ou excitant (encore que pour mon goût il y parvienne assez bien sur quelques-uns de ses épisodes des « Avengers »).
Sans même prendre en compte les quelques avis élogieux glanés de là de ci, le pitch me bottait beaucoup à la lecture, le côté Maurice G. Dantec (dont je suis fan) m’interpelait. De ce point de vue-là, la note d’intention est tenue.
« Pax Romana » est une BD qui déborde d’érudition et d’intelligence (les dialogues sont formidables, vraiment), qui dévoile une facette politique du travail de Hickman, certes présente en filigrane dans ses travaux mainstream actuels, mais beaucoup plus appuyée ici. Il y a un côté gonflé à lier religion et politique comme le fait ici l’auteur : ça peut paraître très « américain » (et à certains égards ça l’est) comme conception de la politique mais c’est aussi plutôt subversif avec ce traitement.
Je vois tout à fait ce qu’Antekrist veut dire avec cette histoire de rythme bizarroïde : la structure est vraiment étrange. On prend un temps infini pour la mise en place, on passe assez vite sur les principaux rebondissements porteurs du « sens » de l’histoire (si j’ose dire), et on raconte carrément par larges ellipses ce dont nous étions censés être les témoins…
Je dois dire que ce choix assez radical m’a plutôt emballé : c’est original pour le coup, pas forcément « généreux » mais ça a du chien, au moins.
Si Hickman nous régale avec sa prose, les choses se corsent au niveau du dessin. J’ai pas vraiment aimé, pour dire le moins. S’il y a du boulot incontestablement au niveau de la conception des planches comme un tout (c’est assez beau), le trait d’Hickman en lui-même est assez quelconque, malgré quelques poses iconiques (un chouette Constantin en fin de chapitre). Et surtout, avec cette conception ultra-statique du découpage, c’est à peine de la BD. Je dis ça mais je ne déteste pas le résultat, hein, ça peut même rappeler certains Gaiman / McKean de la belle époque. Mais j’ai la bizarre impression que Hickman opte pour cette méthode faute de pouvoir faire mieux en terme de dynamisme. Je ne parle pas des arrière-plans, puisqu’il n’y en a pas.
A l’extrême rigueur, je me demande même si Hickman n’aurait pas carrément mieux fait d’opter pour l’écriture d’un roman. Les larges extraits uniquement composés de prose ne sont pas les moins passionnants, loin de là…
Vraiment une oeuvre singulière, donc : très impressionnante dans la tenue du concept SF uchronique (qu’est-ce que ça balance comme idées à la page…), surprenante dans sa facture, déceptive dans sa narration, statique et froide dans sa mise en images. Hickman est vraiment un auteur bizarre.