PETER CANNON : THUNDERBOLT V2 #1-5 (Kieron Gillen / Caspar Wijingaard)

Writer: Kieron Gillen
Art: Caspar Wijingaard
Genre: Superhero
Publication Date: January 2019
Format: Comic Book
Page Count: 32 Page
ON SALE DATE: 1/16/2019
His level of genius is matched only by his heroics, and in humanity’s darkest hour, he’s the hero they need the most-alas, poor humanity. Peter Cannon-the man known as Thunderbolt-is only too happy to leave civilization to face its end. Kieron Gillen (The Wicked + the Divine) teams up with powerhouse artist Caspar Wijngaard (Doctor Aphra) as he returns to the superhero genre with a dark, humorous and relentless love song to the genre.
Well, « Love Song » in a Leonard Cohen Love Song kind of way. Peter Cannon, Thunderbolt: saving a world he hates.

Source et preview : Dynamite® Peter Cannon: Thunderbolt Vol. 2 #1

Je l’avoue, je suis tombé par hasard sur ce #1… et j’ignore un peu pourquoi je me suis lancé, mais j’en suis franchement ravi.
Pour mémoire, Thunderbolt est un personnage de Charlton Comics, repris par DC, et désormais géré par Dynamite. Peter Cannon est un homme exceptionnel, élevé dans l’Himalaya après que ses parents soient morts pour lutter contre une infection locale. Il y grandira entouré de sages, et y atteindra une perfection physique et mentale, lui permettant d’accéder à des parchemins sacrés, qui lui ont permis d’étendre encore ses capacités. Il retourne en Amérique avec son ami Tatu, pour lutter pour un monde meilleur… ho, et il est aussi le personnage à partir duquel Alan Moore a créé Ozymandias pour Watchmen !
J’avoue que je n’ai jamais rien lu de Thunderbolt, et donc que je ne m’y intéressais pas ; sauf que j’ai cédé, là, et je le répète, j’en suis ravi.
En effet, le scénariste Kieron Gillen ne met pas de côté l’écrasant « spin-off » de Thunderbolt qu’est Ozymandias : au contraire, il assume complètement la filiation, et plonge directement dedans ; mais il est malin. Même si je n’ai pas forcément aimé tout ce qu’il a fait, je tiens Gillen en haute estime pour de nombreuses productions (Loki, Young Avengers, Darth Vader…), où il gère souvent très bien les caractérisations ; c’est le cas ici.
Pour faire simple, le monde subit une invasion extraterrestre, plusieurs héros (représentants de pays puissants sur le point de se déchirer : Russie avec Baba Yaga, Chine avec une Radioactive Woman, un super-soldat avec le caractère de US Agent, une sorte d’Iron Man geek et un « robot » surprenant mais fun) se réunissent autour de Thunderbolt ; qui renâcle avant de réagir. Il le fait, mais… oui, Gillen est malin. Je spoile la suite, pour éviter la surprise.

L’invasion est stoppée, mais Thunderbolt n’est pas heureux : ladite invasion permet aux pays en conflit de se reparler, la communication reprend, la paix est espérée… un miracle, qui semble être le fruit d’un esprit brillant ; et Peter est le seul assez brillant pour ça. Mais il ne l’a pas fait. Qui, alors ? Qui… sauf un Peter venu d’une autre dimension ! Un double avec un look d’Ozymandias !

C’est malin, donc. Gillen n’écarte pas l’ombre d’Ozymandias, au contraire, il assume son existence et décide même de confronter Thunderbolt à son double, correspondant à un Ozymandias bis. C’est plutôt bien vu, et encore une fois très malin car, même si je ne sais rien de cet univers, même si Thunderbolt n’est pas un personnage que j’apprécie… et ben j’ai diablement envie de voir la suite, et de voir Peter se confronter à un tel ennemi !
En outre, le numéro est agréable à lire, rythmé et bien dialogué, avec de bons moments d’action et plusieurs piques verbales bien fichues. Enfin, Caspar Wijingaard livre de jolies planches, dans un style très proche de celui de Jame McKelvie, qui avait déjà associé Gillen sur Young Avengers. Ce n’est pas le style le plus brillant au monde, mais c’est très efficace, et plutôt beau à voir.

Quelle jolie surprise, donc !
C’est avec grand plaisir que je lirais la suite de ce récit qui sonne assez « méta », et en tout cas malin. Vivement la suite !

J’ai bien aimé aussi, nonobstant que le scénario de ce premier numéro tient largement sur un tweet™ [Pour en savoir +].

C’est vrai.
Mais c’est quand même fort divertissant et efficace, pour une montée vers un cliffhanger qui surprend ; c’est malin, et ça c’est bien !

Reste que ça doit être beaucoup moins intéressant pour quelqu’un qui n’a pas lu Watchmen.

La BD américaine, comme je le dis dans ma critique, sur mon blog, est une industrie qui carbure à l’énergie fossile. Et Peter Cannon est un moment supplémentaire dans le grand solipsisme qui la plombe de plus en plus.

C’est vrai.
Mais les comics sont désormais un marché de niches, et les comics de super-héros n’ont plus que des lecteurs-fans, qui sont très attachés aux personnages ; suffisamment pour continuer à lire des aventures recyclées, à des prix prohibitifs.
Que Gillen base sa saga sur un jeu de fan, quasiment une fanfiction, n’est pas surprenant. J’oserais même penser que ce pitch peut amener bien plus de lecteurs qu’une histoire originale d’un personnage comme Thunderbolt.

On le voit aussi dans Masks 2 aux cotés du Frelon Vert (et de Kat),du Shadow,du Spider,de Black Bat et d’un paquet d’autres…

Ce qui me semble surprenant et intéressant dans la période que nous vivons, durant laquelle le « grand public » s’accapare cette culture pop qui appartient à un marché de fans (je n’ose pas dire de niche, ça prête à confusion…), c’est que la perception que ce grand public a des super-héros (et de l’histoire du genre) est faussée. Pour ma part, à l’occasion d’émissions radio par exemple ou ce genre de choses, je rencontre beaucoup de gens qui abordent ce genre que je connais depuis plus longtemps qu’eux. Par exemple, ils découvrent Watchmen par le film, et saisissent bien toute la dimension de commentaire que contient ce récit.
De là, je me dis que tout ce jeu de références et d’auto-citation à l’intérieur du genre finit par être compris même par un public qui n’est pas tombé dedans quand il était petit. Peut-être pas tout le temps, peut-être pas par tout le monde, mais de plus en plus tout de même.
Et tout cela m’apparaît très paradoxal, car cette même époque est celle où les super-héros (au sens large) conquièrent un vaste public grâce au petit et au grand écran, alors que dans le même temps les éditeurs constatent que les ventes papier peinent à redécoller.
Et de là, je resonge à des échanges d’il y a quelques années, où certains intervenants expliquaient que le feuilleton des comics, et donc l’écriture en « thèmes et variations », était consubstantiel à l’univers partagé, à l’absence de fin, au présent éternel et au jeu de citations.
Réflexion d’un vendredi soir, avec un peu de fatigue. J’ai l’impression d’aligner les platitudes. Mais je crois que les super-héros se prête à l’approche post-moderne, au point que même le lecteur néophyte s’y retrouve.

Jim

C’est vrai.
Après, pourquoi les films fonctionnent autant, et les comics aussi peu ? Je pense que la raison peut venir, aussi, de la « simplicité » de l’accès et du prix.
A l’heure actuelle, la majorité des gens ont accès à un cinéma, ou peuvent voir via Internet les films. Où, pour « suivre » la saga du MCU, il « suffit » de voir deux à trois films par an ; ce n’est pas énorme, mais c’est cool. A contrario, pour « suivre » les sagas comics, ça impose des achats réguliers, du « à suivre » mais avec des rendez-vous plus réguliers… et plus coûteux, finalement.
Deux à trois billets de cinéma par an, c’est une somme mais « ça se gère ». Suivre les sagas Marvel en comics, c’est plus cher : rien qu’un Marvel Deluxe, on est au moins à l’équivalent de deux tickets de cinéma.

Je suis d’accord sur l’argument de l’accès. C’est un peu comme les gens qui achètent de la BD de manière vorace, et les gens qui achètent deux trois albums par ans. Les derniers contribuent à faire les succès, car ils sont souvent acheteurs des énormes machines (les XIII, les Astérix…), auxquelles ils donnent une visibilité considérable et l’accessibilité qui va avec (puisque ces séries sont immanquablement présentes dans les supermarché et autres lieux de passages). Les premiers en revanche nourrissent le marché en allant chercher des œuvres là où elles se trouvent.

Jim

XIII,c’est le top.

PETER CANNON: THUNDERBOLT #2

Written by: Kieron Gillen.

Art by: Caspar Wijngaard.

Covers by: Chip Zdarsky, Paulina Ganucheau, Caspar Wijngaard.

Description: Humanity is at a crossroads, between life and annihilation. The threat comes not from space, but from a place absolutely inconceivable to anyone other than Peter Cannon: Thunderbolt. Only he can take Earth’s remaining heroes to confront that which threatens us all…but when he knows so much more than they do, should he? Also: strike a light, how hot is Tabu now? This is what happens when you give « Dream Daddy » as the main artistic direction.

Pages: 32.

Price: $3.99.

In stores: Feb. 27.

Source : www.comicscontinuum.com

Après le cliffhanger surprenant du #1, qui m’a tant plu, j’étais curieux de découvrir ce #2 ; qui est bien, mais tire trop la corde de l’hommage à Watchmen.
Peter Cannon a donc compris qui est derrière l’attaque extraterrestre : un double de lui-même, machiavélique et manipulateur. Thunderbolt donc doit affronter un double inspiré d’Ozymandias, dans une approche méta du personnage, dont l’ersatz est finalement plus connu que lui. L’idée est bonne, et Kieron Gillen s’en sort bien à construire Cannon, à l’humaniser par ses failles et sa quête de perfection ; le lien avec son employé est bon, bien que prévisible (et lourdement amené par une couverture). Les autres personnages, qui sont plus des fonctions pour faire rebondir Cannon, sont un peu moins clichés, et le début de la confrontation avec Ozy² va amener de bonnes choses.
Mais, oui, les clins d’oeil à Watchmen sont lourds : que ça soit la trace sur une table ronde jaune, ou le discours d’un des personnages-fonctions qui singe celui de Rorschach, c’est souligné à l’encre rouge… et c’est un peu chiant. Je demeure intrigué et intéressé, j’ai hâte de voir la suite, car Gillen a de bonnes idées et sait raconter une histoire ; d’autant que Caspar Wijingaard livre de jolies planches, dans une démarche très claire qui me plaît. Mais il faudra arrêter les coups de coude vers Watchmen : on a compris, merci.
Bref, à voir la suite, en espérant un scénario moins balourd.

Peter Cannon Thunderbolt #3

STORY BY

Kieron Gillen

ART BY

Caspar Wijngaard

COVER BY

Paulina Ganucheau, Christian Ward, Caspar Wijngaard

PUBLISHER

Dynamite Entertainment

A thousand dimensions from ours. All Earths’ best hopes, resting on our heroes’ fight. They’ve got everything… except a chance.

Source : www.cbr.com

Kieron Gillen m’avait paru bien lourd dans le parallèle à Watchmen, dans le #2. Si ce #3 évoque encore la saga de Moore & Gibbons, c’est plus léger, notamment parce qu’on a ici un affrontement entre Thunderbolt-Ozy et les copains du Thunderbolt classique ; et ça se passe très mal.
On a essentiellement un épisode de combat, avec une efficacité sadique et cruelle de Thunderbolt-Ozy. Ses victimes ayant été créées pour cette saga, et leur sort semblant réglé si tôt, il faut avouer que leurs destins ne m’ont pas vraiment choquées ou touchées ; mais l’idée est efficace, directe et bien mise en valeur. L’attitude du T-Bolt héros est compréhensible, pour le personnage, et l’ensemble est très solid.
C’est mieux. Ca se détache de Watchmen, et le cliffhanger semble laisser envisager une ouverture fort pertinente et intéressante sur une des marottes du scénariste, à savoir le jeu sur les codes et un discours méta. Caspar Wijingaard est moins appliqué, moins propre et carré qu’avant, mais l’ensemble reste correct ; bon, c’était mieux avant, mais ça reste très sérieux.
Une bonne reprise, même si l’aspect émotionnel n’est pas énorme ; mais la saga rebondit bien, T-Bolt me plaît, et le final annonce beaucoup. Allez, vivement la suite.

Peter Cannon Thunderbolt #4

STORY BY

Kieron Gillen

ART BY

Caspar Wijngaard

COVER BY

Kris Anka, Paulina Ganucheau, Caspar Wijngaard

PUBLISHER

Dynamite Entertainment

A thousand dimensions from ours. All Earths’ best hopes, resting on our heroes’ fight. They’ve got everything… except a chance.

Source : www.cbr.com

J’avais été un peu déçu, après un #1 inaugural épatant, que Kieron Gillen se perde dans des références trop appuyées à Watchmen. Celles-ci sont évidentes vu le propos, à savoir opposer le personnage qui a inspiré Ozymandias à Alan Moore (Peter Cannon, dit Thunderbolt) à une version alternative de lui-même qui est un ersatz d’Ozymandias lui-même, mais le #2 allait trop loin. Le #3 redressait la barre, et le #4 est finalement plus fin, tant dans son propos que dans ses références ; une bonne chose.
Notre héros Thunderbolt s’est donc enfui de l’antre du Thunderbolt-Ozymandias, après qu’il ait tué tous ses alliés (carrément ; bon, ça n’était que de la chair à canon, mais quand même). Il tombe dans un autre monde, qui est… normal. Affreusement normal. Et, à mon sens, inspiré des comics indépendants, à la Harvey Pekar. Le choc est rude : pas de super-héros, mais beaucoup de discussions, de gens normaux (tous inspirés d’Alan Moore et de Watchmen, MAIS ça n’est pas lourd ici, Gillen trouve un équilibre pour rester dans le clin d’œil), et beaucoup d’échanges au bar. Evidemment, Thunderbolt-Ozymandias attaque, mais notre héros réussit à renouveler ses méthodes… et prépare sa contre-attaque.
L’ensemble est très solide, et très agréable. Changer d’univers fait du bien, et Kieron Gillen gère bien son récit, ses personnages et son Thunderbolt, qui évolue et ne sera sûrement plus aussi égocentrique et suffisant ; une bonne chance.
Mais il faut surtout saluer le travail ce Caspar Wijingaard, qui fait évoluer son trait pour coller au propos. C’est fort, c’est bien fait, et c’est même toujours joli. Une belle réussite. Content de voir que cette saga se reprend bien, je suis curieux de la suite.

Peter Cannon: Thunderbolt #5

STORY BY

Kieron Gillen

ART BY

Caspar Wijngaard

COVER BY

Paulina Ganucheau, Kevin Wada, Caspar Wijngaard

PUBLISHER

Dynamite Entertainment

All that exists, and all that ever will exists rests on the confrontation between two men who are the same man. Peter Cannon versus Peter Cannon, for the future of the canon. Who wins? Who loses? Peter Cannon. Evidently.

Source : www.cbr.com

Clap de fin pour la saga, avec l’ultime opposition entre Thunderbolt et… Thunderbolt aussi, mais version Ozymandias. Qui a vaincu les alliés et Thunderbolt lui-même, avant que ce dernier s’échappe dans le Multivers. Ce que « Thunder-Ozy » voudrait faire, mais n’y arrive pas. Un arrangement peut-il être trouvé ? Oui, et non.
Kieron Gillen achève sa saga avec émotion et intelligence, mais sans trop de finesse. Il montre la différence entre « Thunder-Ozy », qui s’est coupé des autres et des émotions, et son héros, qui était sur le point de faire de même. L’auteur fait évoluer son Thunderbolt, qui réussit un beau tour de passe-passe, et « Thunder-Ozy » a un destin en clin d’oeil (en fonçant dans le Multivers, il ne maîtrise pas le voyage et « éclate » au contact d’une grille en… neuf cases, comme la fameuse narration d’Alan Moore dans Watchmen) mais un peu lourd malgré tout. Idem pour le combat, facile et pas très léger dans les astuces de narration. Gillen est plus inspiré dans la relation entre Thunderbolt et Tabu, son majordome et ancien compagnon. Le scénariste retrouve ici un peu de finesse dans la gestion de la relation, et sur un final plein d’opportunités… mais surtout en lien avec les jeux de narration de Gillen sur Young Avengers.
Que penser de tout ça ? Du bien, mais pas autant que j’aurais voulu… ou que ça aurait pu. Kieron Gillen s’est bien amusé à opposer un équivalent d’Ozymandias au personnage qui l’a inspiré jadis à Alan Moore, mais il a trop souvent versé dans le clin d’oeil appuyé, voire lourd. Cet ultime épisode le confirme, avec le destin de « Thunder-Ozy » rigolo… mais avec un rire un peu gras, un peu lourd. L’ensemble est cohérent, efficace, parfois fin - mais parfois pas.
Cela reste une très bonne proposition sur le personnage, qui s’est fait vampiriser par l’ersatz de Watchmen. Kieron Gillen a bien géré son projet, s’est laissé un peu aller sur les références, mais… cela reste une très bonne lecture. Caspar Wijingaard reste un point fort de l’ensemble, avec un style clair efficace, et une narration maîtrisée.
Une étrange production, surprenante et ambitieuse. Tout n’est pas réussi, mais ça vaut le coup d’oeil !