PETIT D'HOMME t.1-3 (Didier Crisse / Marc N'Guessan, Guy Michel)

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Reprise de l’histoire de Mowgli, Petit d’homme se situe dans un univers post-apocalyptique. Un gros barbu à bandana, surnommé Baloo, et une femme noire maniant l’épée, que tout le monde appelle Bagheera, adopte un gamin qu’ils pensent muet, ou attardé, et qui ne s’exprime que par cris et grincements.

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L’enfant est au centre de discussions houleuses avec un chef de guerre local, nommé Shere Khan. Baloo et Bagheera s’allient à un sniper parlant avec un défaut de prononciation, une « vieille vipère » nommée Kaa. Etc etc. La transposition du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling est assez ingénieuse, d’autant qu’elle favorise d’autres comparaisons plus subtiles, certains situations évoquant La Planète des singes, certains looks étant empruntés à des film (Kaa ressemble au pilote fou du deuxième Mad Max), certains décors semblant provenir d’Akira ou de Mother Sarah.

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En soi, la série ne dépasse que rarement l’hommage. Les situations sont intéressantes, mais assez prévisibles, et la collection d’emprunts, si elle satisfait l’amateur de culture populaire, transforme l’intrigue en bric-à-brac narratif, charmant, séduisant mais au final assez anecdotique.

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Le scénariste, Didier Crisse, livre des dialogues assez naturels et une bonne caractérisation. Il utilise le personnage d’un chien idiot et gaffeur comme soupape humoristique, et ce dernier, que Baloo décide de renommer Rudyard (ce qui n’est pas du goût du clébard), sert de narrateur, créant une distance amusante par rapport aux péripéties.

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Marc N’Guessan fournit sur les deux premiers tomes des dessins très vivants, où semblent émerger des influences diverses, comme celle de Giraud ou de Conrad. Sec, nerveux et vif, son trait s’arrondit un peu sur le deuxième tome, et il sait faire bouger ses personnages dans des décors luxuriant.

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Le troisième tome est dessiné par Guy Michel, ce qui constitue une rupture stylistique de taille. En effet, ce dernier travaille dans un style plus classique, semi-réaliste. Le lettrage, manuel dans les deux premières tomes, est informatique ici, ce qui renforce la froideur du récit : les héros sont entrés dans la grande ville où s’amassent les survivants, et sont confrontés à des luttes politiques qui les dépassent.

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Le troisième tome, sorti en 2003 soit six ans après le précédent, comprend une mention étonnante, qui renvoie, écrit gros, aux « personnages créés par Marc N’Guessan ». On devine en cela que le premier dessinateur est à l’origine du projet. Plus étonnant, on oublie rapidement la provenance du récit, des personnages et des enjeux, à savoir dans le texte de Kipling, ce qui me semble un brin cavalier. Sans doute est-ce une subtilité légale visant à conserver à N’Guessan des droits d’auteurs sur le troisième tome qu’il ne dessine pas.

Le récit se conclut sur de très rafraîchissantes doubles pages, marquant la fuite des personnages et leur arrivée dans un paradis naturel où le lecteur espère qu’ils pourront reconstruire leur vie.

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L’ensemble du récit a été compilé dans une intégrale publiée en 2003, dans la foulée du dernier album.

Jim

Donc, le premier tome reprend l’histoire que l’on connait bien via le film de Disney, la suite, j’en sais rien, puisque je n’ai pas lu les livres. Cela dit, visiblement, ça a l’air quand même de piocher dedans.
J’ai trouvé le 1er tome très malin dans sa réalisation et la caractérisation des persos. C’est plutôt sympa à lire, à repérer les allusions et le dessin de N’Gessan est plutôt pas mal, assez agréable à regarder. Sa Bagheera est très racée, les bouilles des perso sont expressives, les décors sont bien présents, la colo est bien équilibrée.
Le deuxième tome emmène Mowgli dans la ville, et on en apprend beaucoup plus sur le passé des persos et un peu sur ce qui a amené la Terre à ce résultat (mais sans trop de détails, mais à la rigueur, on s’en fiche un peu), ça apporte pas mal d’épaisseurs aux « vieux » persos, surtout que Baloo passe en second plan, je trouve, dans ce tome. Donc si le 1er tome n’est pas forcément drôle, le second est dur.
Question dessin, c’est bizarre, j’ai cru voir une légère différence en début de ce tome par rapport au tome 1, différence qui s’estompe à un moment donné. Bref, toujours aussi agréable à lire.
Le troisième tome fini l’histoire … bon, Mowgli n’a pas vraiment grandi, mais il a très rapidement évolué pour devenir et s’imposer chef de meute. La fin est assez classique, moraliste, même s’il reste quelques péripéties, mais j’ai trouvé ke scénario de Crisse moins bon quand même que pour les autres tomes … mais bon, le pire reste surtout le changement de dessinateur/lettreur/coloriste. Je ne préfère pas faire de liste, ce serait gênant et surtout très méchant (et je ne connais pas les conditions dans lesquelles il a dû faire la BD) envers le remplaçant de N’Guessan, occupé sûrement par sa série solo Aberzen. ça m’a complètement sorti de la BD, j’ai eu envie de l’achever rapidement. Vraiment dommage.

N’Guessan était sur sa série solo, Aberzen, à l’époque de ce tome 3. Je me demande s’il ne co-écrivait avec Crisse, quand même, et qu’il y a un truc qu’on en sait pas dans cette afaire (mais ça ne regarde qu’eux). Je me doute que le changement de dessinateur peut expliquer l’impression de « moins bon » pour ce tome, mais je trouve quand même le scénar’ trop convenu, trop facile, moins bien équilibré.

Et sinon, je me suis demandé si Soleil ne voulait pas faire son « Peter » …