PETIT MIRACLE t.1-2 (Valérie Mangin / Griffo)

Discutez de Petit miracle

J’ai récemment trouvé le coffret regroupant ce diptyque, que j’ai découvert pour l’occasion.

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Décapité pour blasphème, l’officier de la Barre est confié ensuite aux nonnes des Ursulines afin d’être enterré. Mais l’une d’elles profite des derniers instants de vigueur du défunt, et neuf mois plus tard naît le petit Denis, qui a la particularité d’être en deux morceaux : d’un côté le corps, de l’autre la tête. Ce petit monstre, considéré par certains comme un « petit miracle », grandi dans le secret du couvent, jusqu’à ce que la hiérarchie ecclésiastique découvre son existence. Parmi eux, Talleyrand, alors le « diacre boiteux », qui va s’occuper de suivre le destin du garçon qui perd la tête.

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Ce destin, d’ailleurs, s’étalera sur plusieurs décennies, au gré des changements politiques (Révolution, Terreur et la suite…). L’enfant, dans un premier temps, découvrira qu’au-delà des murs du couvent, tout le monde ne lui veut pas du bien.

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Le premier tome affiche une tonalité un peu inquiète, très sensible, avec un personnage ballotté par les événements, qui tente de conserver un certain optimisme (ce qui témoigne d’une évidente force de caractère, parce que ce n’est pas facile dans la période troublée dans laquelle il grandit). Mais à l’orée de la Révolution de 1789, qui marque le début du tome 2, le ton change.

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En effet, le personnage découvre, un peu par hasard, qu’une foule en colère est dangereuse, mais également manipulable. Et très rapidement, il apprend à en tirer parti, s’amusant à pousser des Talleyrand ou des Guillotin dans la direction qu’il souhaite. Et alors qu’on plonge dans la Terreur, on prend la pleine mesure du monde qui est en train de se construire, et que le petit Denis contribue à façonner.

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C’est d’ailleurs l’un des thèmes du diptyque. Au-delà du récit fantastique, de la fable cynique s’amusant à commenter la société, la scénariste Valérie Mangin s’ingénie à dresser des parallèles entre la Révolution et l’industrialisation en marche. La naissance, en filigrane, de la guillotine sert de métaphore à la mécanisation, elle-même envisagée dans le cadre d’une destruction méthodique de l’humanité, réduite à l’état de matière première. Certaines répliques de Denis jettent des ponts entre la période révolutionnaire, les grandes « boucheries héroïques » de la Première Guerre mondiale et l’industrialisation du massacre de la Deuxième. Bien sûr, c’est un anachronisme présenté sous l’apparence d’une prédiction et destiné à son lecteur moderne, mais ça frappe l’imagination.

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Dans le même ordre d’idée, l’illustration de la passation entre aristocratie et bourgeoisie, et donc l’émergence de la banque, est l’occasion de jouer sur le thème du groupe d’influence. La scénariste met en scène le « club des flammes de l’enfer », qui renvoie bien entendu au Hell Fire Club de la réalité, et qui fera écho à de vieux souvenirs chez les lecteurs de comics. Derrière les clichés des loges maçonniques, des sociétés secrètes et des orgies de la haute société, Mangin pointe du doigt des sphères de pouvoirs qui ont repris les mauvaises habitudes et les manies douteuses de la caste qu’elle a au préalable chassée.

L’ensemble est plutôt drôle, affichant un mauvais esprit souriant, le tout dans une narration linéaire et limpide. Griffo tire un profit évident de ce personnage qui peut se mettre la tête sous le bras et signe de jolies planches, où parfois les bulles sont un peu mal placées. Rien de problématique, cependant.

Jim

Ah, tiens, j’avais lu le premier à sa sortie, mais n’ai pas continué… Tu me donnes envie de le faire !
Bon, évidemment, il faut déjà arriver à tomber dessus, vu que ce n’est plus dispo.

Tori.