POLARIS OU LA NUIT DE CIRCÉ (Vehlmann / De Bonneval)

Polaris - La Nuit de Circé

Date de parution : 03/10/2018 / ISBN : 978-2-7560-7410-8

Résumé

Jeanne, flic exemplaire le jour mais libertine la nuit, enquête sur Circé, un mystérieux cercle érotique. Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval explorent les contours troubles du désir, du consentement et de la transgression.

Jeanne sépare soigneusement sa vie de flic et ses activités libertines nocturnes. Mais cette frontière vole en éclats quand elle va devoir enquêter sur le meurtre d’une jeune femme impliquant Circé, un cercle mystérieux cherchant à réinventer l’art érotique grâce à d’étonnants jeux sous contraintes, comme l’Oulipo le fit jadis avec la littérature

Ces deux-là, séparément, je regarde. Ensemble, ils ont laissé un bouquin qui a marqué ses lecteurs. Donc là, je vais surveiller.

Jim

Lequel ?

Les derniers jours d’un immortel, si je ne m’abuse.

Tori.

Merci !

Voilà.
Y a des gens qui en parlent de manière très éloquente ici :

Jim

Ouais, en fait, il est sur ma liste de course depuis que Tonton en a parlé !

Bouquin très déstabilisant. Pas tellement parce qu’il est dérangeant (les « clubs de sexe », c’est pas une idée nouvelle, ni même celui de la recherche artistique dans l’érotisme). Sans doute plus parce qu’il lance des (fausses) pistes finalement abandonnées (l’enquête sur la mort devient secondaire au bout d’un certain temps, ce qui laisse un goût étrange) et qu’il déploie un discours qui, en soi, n’a pas grand-chose à voir avec le sexe lui-même, ou très indirectement.
Grosso modo, sur la première moitié de l’album, les trames temporelles se mélangent : d’un côté le destin de certains participants au cercle, de l’autre l’enquête sur la mort de l’une d’eux (enfin, de deux d’entre eux), la seconde arrivant après la première. Bien entendu, le lecteur est amené à voir comment les deux « périodes » se déploient, et donc à s’intéresser autant à l’investigation policière (du recueil des indices à la plongée dans la psychologie) qu’aux explorations sensuelles des participants. L’enquête l’emporte dans un premier temps, mais il arrive un moment où l’équilibre est rompu, où la tension narrative s’inverse (quand l’enquêtrice est écartée de l’enquête). Dès lors, on pourrait croire que c’est la dimension « cul » qui l’emporte, mais il n’en est rien : la policière continue à fouiller, se confrontant à des points de vue différents qui prennent une portée « méta » : l’un des personnages évoque un point commun entre l’art et l’érotisme, à savoir le regard de l’autre, et explique que la nature de ce regard (en l’occurrence s’il est intellectualisé ou pas) change la perspective, et peut faire passer à côté de quelque chose.
On ne peut s’empêcher de songer que ce commentaire s’adresse aussi au lecteur (de cet album, des œuvres érotiques, de la bande dessinée en général). Cela amène à se questionner sur le balancement entre analyse et sensualité, entre humanité et bestialité. Ce que je fais en tapant ces lignes, c’est ce que reproche le personnage que j’ai cité. Et à l’en croire, c’est un moyen pour moi de compenser le trouble. Si c’est bien le cas, la lecture de l’album semble frapper au bon endroit.
D’autant que le dessin de Gwen de Bonneval n’a en soi rien d’érotique. Pas réellement virtuose, avec des personnages pas réellement beaux, le trait n’a rien d’attirant en soi. Les quelques séquences en couleurs, qui proposent des variations stylistiques (restituant les souvenirs teintés de rêves et de fantasmes…), démontrent une certaine forme de maîtrise et des choix graphiques assumés, mais ce n’est pas là que se situe l’intérêt. Selon moi, il se situe dans le fait que l’érotisme peut surgir d’un monde gris et d’un trait anodin.
Reste que, pour moi, malgré la présence au premier plan de personnages féminins, l’érotisme proposé reste éminemment masculin. Estimant ne pas avoir trouvé de commentaire, « méta » ou autre, sur le sujet, j’y vois une certaine faiblesse, pour ma part. Ou un choix de ne pas vouloir se pencher sur la dimension de domination sociale du patriarcat, ce qui ferait écho, en un sens, à la quête de liberté de certains personnages.

Jim

Ah ben mince, j’étais passé complètement à côté de ce titre, pourtant signé par un tandem qui effectivement « me parle ». Je vais chercher à rattraper ça au plus vite, malgré les quelques bémols signalés par Jim.

Qui portent surtout sur des interrogations personnelles sur le choix et l’acte de lecture, en fait (le dernier bémol est davantage un « vrai » bémol, dont je sens qu’il est peut-être dicté par une attente personnelle…).
Comme quoi, en tout cas, c’est pas mal de réveiller des sujets. Et comme moi je mets des mois à lire un truc, ça n’est pas le dernier…

Jim