POLITIQUE & POLITIQUE

On assiste à de la démence dans certains cas.
Et une impasse évidente.
Faut-il être trans pour jouer un trans ? Certaines personnes (et elles se font entendre) arguent que oui.
Ça pose la question de l’interprétation. Puisqu’il s’agit de ça aussi.

Si on pousse la réflexion plus loin :
Doit-on être orphelin pour jouer un orphelin ?
Un malade du VIH pour jouer… ? Etc…

L’impasse saute aux yeux. Et pourtant, les tensions sur le sujet existent.

Il y a un truc à conceptualiser ici : un changement du regime de la représentation, qui peut intéresser la réflexion sur l art et la démocratie.

De la representation à être representé. Pas même logique du terme, où la représentation renvoie à un autre inaccessible en dehors de la médiation par la représentation ( le noumen kantien), tandis qu être représenté pose le même (les homos par les homos) et le scandale de toute représentation/médiation ( personne ne sera jamais assez homo pour représenter les homos, assez « racisé » pour etc, )

Mais il y a plus : pourquoi les acteurs/actrices ont ils ete encensés durant le siecle dernier. Pourquoi ont ils vu leur salaire devenir pharaonique ? Qu est ce qui a fait cette compatibilité entre l acteur, de cinéma au moins, et le capitalisme ?

Symbole d un universel ? Articulation dans la société du « je est un autre » ? Le style fait homme ? La capitalisation de soi ? Le desir au service du capitalisme ?

Que la figure de l acteur soit ainsi attaquée et mise au pas, signe un changement profond dans la société.

Petite précision sur le lien avec la démocratie, qui n est pas forcément evidente pour tout le monde.

La démocratie pose que l autorité légitime est le peuple.

Mais le peuple au fondement disparait immédiatement dans la constitution. Une fois la constitution écrite, le peuple devient introuvable.

En d autre terme, que veut le peuple ? A t il une volonté ? Le dissensus est il un danger pour l existence même de la volonté du peuple ? Ceux qui repondent oui à la dernière question, ce sont les fascites : tentative forcenée de faire exister l unité du peuple par l exclusion du dissensus.

La démocratie se caracterise par faire advenir le peuple via la représentation : c est l elections des representants qui permet de faire à la fois exister le peuple et de determiner sa volonté en actant le dissensus (majorité, opposition).

On retrouve donc au coeur de la démocratie représentative la structure kantienne de la distinction entre le phénomène et le noumen.

Un changement perceptible du regime de la représentation au niveau des acteurs interesse donc la reflexion sur la démocratie : sans représentation comment ne pas tomber dans la fureur faciste contre l autre et le dissensus ?

Moi je me demande ce qu’est le peuple ? La minorité bruyante ou la majorité silencieuse ? Un entre deux, les deux ?

Est-ce qu’il faut être un nazi pour jouer Hitler ?

Moi j’aurais plutôt demander s’il faut être un artiste vegan.

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Je reconnais ne maîtriser aucun de ces concepts. Mais alors pas du tout. Bien que tu évoques dans le premier des deux posts, le noumen.
Je suis paumé.

Pas sûr de bien comprendre malheureusement.

Ça me frustre, je crois que je n’ai pas compris grand chose à ton explication qui m’a pourtant l’air passionnante. Je m’en excuse.

Plusieurs ont pointé une distinction dans le rapport du sujet au monde avec la modernité.

Dans la religion, le monde est créé : un tout dont la magnificence signe l existence du créateur.

Avec les lumières, le monde changerait de statut : le monde comme représentation.

Que dit kant : nous ne pouvons savoir du monde que ce que nos sens et notre intellect en perçoivent. Le monde est comme filtré par nos sens, qui établissent une représentation du monde, mais le véritable monde, nous n y avons pas accès.

Kant distingue donc les phénomènes : ce que nos sens perçoivent et construisent en même temps et le noumen : la cause du phénomène, qui échappe à la connaissance humaine.

Le phénomène kantien est une représentation de quelque chose qui échappe à la connaissance, le noumen.

Cette division se retrouve dans la logique de la démocratie représentative.

Il y a le peuple qui est postulé mais introuvable, inconnaissable, comme le noumen kantien et ses representants, les elus, auxquels seulement on a accès pour déterminer la volonté du peuple, sont comme le phénomène kantien.

Ainsi, c est le fait de saisir le monde comme représentation (phénomène) qui permet de poser le noumen comme cause du phénomène.

Si on pose le monde comme creation, il est donné à voir et a admirer à l homme par dieu, il n y a pas de cause, juste dieu. Pour penser en terme de cause, il faut donc commencer par penser en terme de représentation.

De même, c est l acte de voter, elire des représentants qui instaure le peuple comme cause de la légitimité des elus porteurs de la volonté du peuple.

C est la logique de la représentation qui est au coeur du savoir moderne (la science) et de la démocratie et éventuellement du rayonnement des acteurs : à travers les acteurs, les spectateurs se saisissent comme partageant une même humanité. L acteur comme voie à l universel grâce à la représentation.

Si la logique de la représentation change, comme en temoignerait l idée que seul le même peut representer le même (ce qui est la négation de la représentation) au niveau des acteurs ( les homos joués par des homos seulement) cela peut vouloir dire qu on change profondément de société et que les rapports aux savoirs et à la démocratie vont etre profondément remaniés puisque tout deux reposent sur la logique de la représentation.

C est plus clair ?

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Mais que disent les autres ? Kant est-il le peuple ? Quel est sa définition du peuple. C’est un terme vague qui peut regrouper beaucoup de choses et à qui ont peut faire faire et dire n’importe quoi.

Précisément. Lui faire dire n importe quoi, c est ce que j appelle ici le peuple introuvable.

D où le role central de l election de représentant en démocratie : c est l election des representants qui fait, en réalité, exister le peuple comme une entité dont il est possible de connaître la volonté.

Sans l election de representant, pas de peuple dont on puisse dire quoique ce soit. Le peuple advient réellement grace à sa représentation.

D où enfin, se mefier des aspirations à la démocratie directe, qui court-circuitant la représentation peuvent en fait se reveler profondément anti democratiques : le plebiscite du leader.

C est la logique fascite : le peuple existe grace à l identification à un leader unique et non grace à l election de representant.

Logique de l incarnation fasciste vs logique de la representation démocratique.

D où enfin, les mises en garde de certains contre la lfi, qui bien que parlant de démocratie a, en tant que mouvement, une structure non representative : culte du chef, pas d election interne etc

Sur ce point je suis d’accord, mais quand plus de la moitié du peuple ne va pas voter, c’est difficile de connaitre sa volonté.

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Oui, ça pose quelque soucis.

Oui merci beaucoup Nemo, c’est, pour moi, beaucoup, beaucoup plus clair.
Je pense même avoir tout compris de l’explication.
Assez passionnante d’ailleurs. Je ne sais pas, j’ai l’impression que ça m’ouvre plein de portes de pensées.

Ah, cool !

Concernant le lien entre théâtre et démocratie, je le posais la question ces jours-ci de la parole publique.
Les domaines où la parole publique serait libre, il y a quoi : Spectacle vivant, journalisme et politiques ? (Et encore, pas toujours malheureusement)

Mais je n’en vois pas d’autres.
Je me posais la question d’un lien entre le politique (la vie de la cité) et le théâtre. Lien depuis la Grèce antique d’ailleurs.

Bref, je réfléchis à voix haute et on tombe peut-être dans le café du commerce, mais ça me questionne, ça me travaille.

Là, je prenais rapidement par le bout de la représentation, mais la dimension regime de parole doit etre intéressante aussi, en effet.

A voir après coup dans quelle mesure ces deux approches sont compatibles.

Parler librement, qu est ce que cela peut vouloir dire ? Et pour un acteur, quels rpports s etablissent entre la liberté et le texte ?

On l’a déjà mise, celle-ci ?

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Je risque de n’avoir des réponses que bien terre à terre.
Mais ça m’intéresse, je vais y réfléchir.

Un fil sur le minimalisme aujourd’hui et qui se demande : avons nous encore quelque chose à dire ?