Je n’ai pas encore lu le dernier livre du très intéressant Pacôme Thiellement, mais c’est sur ma top list comme on dit.
J’avoue que mon impatience est redoublée par la forme de cet ouvrage, compilation de textes parus ici ou là (une quarantaine), dans la grande tradition des auteurs « rock » à la Lester Bangs ou Richard Meltzer, voire plus récemment Chuck Klosterman. Le rendu diffère du fait des apports « mystiques » de Tiellement dans le corpus des références, mais on est quand même dans ce registre là. Un côté « exégèse pop » très excitant.
Waouh. Voilà une lecture qui s’annonce passionnante…
Je n’ai lu que les 40 premières pages, les deux premiers textes du recueil, mais c’est déjà assez impressionnant.
Dans une sorte de délire interprétatif assez proche par certains aspects de la méthode paranoïaque-critique de Dali, Thiellement développe une analyse incroyablement vivifiante et inspirée / inspirante de certains des objets ou des icônes pop-culturels. Les deux premiers textes se penchent respectivement sur le cas Elvis et les liens entre « Strawberry Fields Forever » et l’oeuvre de Philip K. Dick.
Fidèle à ses marottes, Thiellement voit du gnosticisme partout (à la limite du « biais de confirmation », il en voit des signes partout…mais c’est très intéressant, hein) ; parfois les ponts qu’il tisse sont indéniables, Lennon évoquant lui-même dans ses écrits la part gnostique de l’oeuvre des Beatles, parfois ça ressemble plus à une (brillante) construction mentale.
Mais toujours, à l’origine du texte et de ses digressions les plus délirantes, une intuition assez géniale. Dans le texte sur Elvis, Thiellement revient sur le thème de la gémellité (éminemment gnostique explique-t-il, mais on le sent intuitivement), en évoquant un jumeau mort-né du King (un point commun avec Dick, tiens). Et Thiellement raccorde ça de façon brillante à la révolution qu’a été le travail du producteur Sam Phillips dans les premiers disques de Presley : il a en fait « grossi » le son en superposant une prise de son et sa copie, et en les décalant d’une fraction de seconde, ce qui créé un delay, un léger écho à peine perceptible qui semble grossir le son (toutes les grosses guitares rock sont produites de la sorte depuis…). Cet écho, ce dédoublement, c’est la voix du jumeau mort d’Elvis qui s’exprime. Une belle idée, assez glaçante dans le même temps.
Et en homme de bon goût, Thiellement évoque « An American Trilogy » (mon morceau préféré d’Elvis, mais je ne suis pas un connaisseur…) comme un des sommets tardifs du King. Je ne résiste pas à la tentation :
Vivement la suite, donc, avec des sujets moins évidents j’ai cru voir (le film de 12 heures de Jacques Rivette…), mais aussi des trucs très excitants, comme un texte sur le musicien Mike Patton et son projet Fantômas, et là non plus je ne résiste pas à la tentation :