De rien.
Je reviens sur le sujet (qui me tient un peu à cœur) avec un peu plus de temps devant moi que tout à l’heure. Pour moi le problème n’est pas de voir revenir régulièrement Trigon, si c’est ce que tu voulais dire initialement – pas plus que ce n’est un problème de voir revenir régulièrement le Joker face à Batman, et j’irai même jusqu’à dire que voir revenir régulièrement un démon immortel fait peut-être même un peu plus sens que voir un serial killer psychopathe s’évader de l’asile tous les six mois. Le problème vient que le développement de Raven elle-même a été arrêté en 2011 et carrément inversé. M’est avis que si le personnage avait été autorisé à continuer d’évoluer (correctement) à partir de là, il aurait par exemple toute sa place à l’heure actuelle dans une (bonne) série Justice League Dark (suis mon regard…).
J’imagine bien ce stade du personnage auquel on a jamais eu droit comme une sorte de « Jedi gris », qui aurait de haute lutte dépassé le stade de la peur des « émotions qui conduisent au Côté Obscur » pour embrasser plus largement le spectre émotionnel, comme il en était question dans sa dernière apparition pré-Flashpoint. Certainement, par moments et notamment face à un temps de crise, elle aurait sans doute une tendance « réflexe » à se refermer, à revenir à une posture plus sombre et hiératique (on n’en fera jamais une Zatanna !), mais ça ne définirait pas (/ plus) entièrement le personnage.
Cette Raven adulte pourrait être beaucoup plus intégrée dans la communauté magique de l’univers DC (bien que sa nature semi-démoniaque pourrait toujours lui valoir de nourrir des suspicions : après tout, elle a viré maléfique suffisamment souvent pour… se priver d’une bonne occasion de réutiliser encore cette option ?), et l’ouvrir à des choses relevant d’autres plans d’existence, d’autres dimensions (est-ce qu’Azarath a jamais été vraiment utilisé comme une source d’intrigue à part entière ? …c’est pourtant pas moins intéressant qu’Oa ou Nanda Parbat, une communauté de moines qui élèvent une enfant dans l’idée qu’elle doit refouler toute émotion ou être damnée, il y a plus à en dire que « c’étaient les gentils »). Dans le même temps, son origine particulière pourrait toujours avoir pour conséquence d’en faire un enjeu de prophéties pour des groupes maléfiques, comme dans le cas que je mentionnais en premier point au-dessus (début du run de Johns sur les TT, où Brother Blood la réincarne afin de l’épouser car une prophétie en fait une étape-clé pour une apocalypse).
Enfin, son parcours pourrait en faire un personnage de mentor pour la jeune génération (thème ô combien « DCien » que Rebirth a un peu remis à l’honneur), voire de « mère adoptive » – pourquoi pas envers un(e) (ou des) jeune(s) dont le parcours rappellerait celui de sa propre mère, paumée marginalisée se faisant récupérer par un culte chelou.
En bref : si on a pu dire que la Raven des années 80 était une allégorie de la dépression, alors il me semble que le personnage aujourd’hui devrait être une allégorie du dépassement de la dépression, et, parce que le personnage est une héroïne, son rôle pourrait / devrait alors être de se fonder sur cette expérience pour aider les autres à s’en sortir.
Au lieu de ça, les New 52 ont « rembobiné » le personnage pour nous refaire une version pervertie de son « histoire d’origine » où elle sert de « taupe » volontaire à Trigon auprès des Jeunes Titans (parce que griiiiim et griiiiitty), puis elle a rejoint le Camp-du-Bien sans, il me semble (mais je n’ai pas tout lu : mon masochisme a des limites), que cette conversion soit jamais expliquée, et maintenant, au mieux (c’est-à-dire quand le personnage n’est pas totalement transparent), c’est une version goth, féminine et mystique de Peter Parker ado paumée face aux affres de la vie lycéenne. Qui vit auprès de la famille très chrétienne de sa tante, pour laquelle les cultes fréquentés par sa mère et dans laquelle elle a été élevée ont l’air d’être juste une excentricité hippie, mais c’est cool, respect et ouverture d’esprit tout ça.
Il ne m’a pas échappé qu’on ne retrouve pas Raven en couverture de la prochaine mouture des Teen Titans annoncée pour cet été, mais est-ce que cela suffira à la libérer de ce statut réitéré de « teen », justement, et à ce que DC la laisse enfin (à nouveau) grandir ?.. J’avoue que je n’y crois guère. Six ans de rétropédalage ne vont pas s’effacer du jour au lendemain.