Je ne jette pas la pierre à Lawrence, mais oui, « franchement bof » me semble le moins qu’on puisse en dire. De mon souvenir, je dirais plutôt que le film est une purge. Oui, le twist final est sympa, mais un peu cheap tout de même et surtout bien pénible à atteindre.
Le film propose effectivement une vision complètement binaire avec d’un côté les Russes obscènes, vicieux et corrompus (tiens c’est pas Jim qui nous citait du Higelin récemment ?), très très méchants, et de l’autre les gentils Américains qui ont des valeurs, eux. Articulée à la mise en avant démesurée de l’argument de vente « cul », cette binarité donne un résultat qui, en ce qui me concerne au moins, crée franchement le malaise : au bout d’un moment j’ai arrêté de compter les scènes de viol ou d’agression sexuelle, utilisées pour titiller le spectateur en toute bonne conscience (parce que bon, les responsables c’est l’Autre, le Russe, pas tout à fait un être humain, quasi).
Ajoutons une structure complètement mal foutue, avec pas mal de personnages dont l’introduction ne sert à rien, notamment pendant la longue et inutile séquence du centre de formation. Je pense par exemple à l’autre personnage féminin du groupe sur lequel le film s’attarde (j’ai oublié son nom, celle qui doit subir des attouchements devant toute la classe), alors que finalement… ben, non, rien, elle n’a aucun rapport avec le personnage principal, ne reparaît jamais dans l’intrigue par la suite, elle n’a même pas assez d’importance pour qu’on puisse y voir un intérêt symbolique ou interprétatif (une sorte de double du personnage de Lawrence ou que sais-je), elle est juste assez développée pour qu’on ait un peu d’empathie quand elle se fait tripoter.
Quant au parallèle proposé par Kab avec La Taupe, il-dit-qu’il-voit-pas-le-rapport. D’un côté on a un film fin et retors ; certes pas tourné vers l’action et ouvertement trépidant et explosif comme un James Bond ou un Mission: Impossible, mais à la mécanique toujours sous tension, ne serait-ce que parce qu’il réussit l’exploit de concentrer en deux heures, de façon satisfaisante, une matière romanesque qui avait pu précédemment faire l’objet d’une série en sept épisodes ; enfin, un film non-manichéen où l’opposition entre les deux blocs de la Guerre froide, même si elle est perçue du côté occidental, s’explore en nuances de gris plutôt teintées d’amertume (bon, c’est du Le Carré, quoi). En face, un film voyeuriste, bas du front, délayant à la diable, et en une demi-heure de plus que l’autre, une intrigue tenant sur une carte de visite.