RORK - LES FANTÔMES (Andreas)

Sorte de testament à la série, album sorti de la collection et paru alors que l’Intégrale en était à sa moitié, volume considéré comme le tome 0 de la saga, Les Fantômes présente une histoire onirique lorgnant vers le conte, où le personnage éponyme est tour à tour, et parfois en même, observateur, acteur et commentateur du récit.

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L’action commence alors que Rork reçoit un certain Samuel, dont la spécialité consiste à retrouver ce que les gens ont perdu, qu’il s’agisse d’un jeu de clés rangé au mauvais endroit ou d’un proche disparu. Seulement voilà, Samuel ne parvient pas à accomplir sa dernière mission, et se tourne vers le héros aux cheveux blancs.

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S’ensuit une quête dont la structure narrative est assez époustouflante. Après une scène d’ouverture qui présente la disparition d’une certaine Grace, on entre dans le vif du sujet avec une longue discussion entre Rork et Samuel. Parallèlement, les souvenirs de Samuel sont racontés en cases de flashback tandis qu’une troisième ligne narrative suit Rork en pleine exploration d’une forêt dans laquelle les fantômes du titre donnent ordinairement des informations à son interlocuteur. Ces deux derniers fils du récit se présentent souvent sur la même page, à l’occasion d’une virtuose variation sur le gaufrier à seize cases imposé en son temps par Frank Miller dans son Dark Knight Returns.

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Une fois que les choses sont posées, qu’il devient clair que Samuel trouve des informations en discutant avec les fantômes de la forêt qu’il est seul à voir, Rork a l’idée, saugrenue au premier regard, de l’éloigner des arbres et de l’emporter dans le désert (dont la représentation est presque un hommage aux westerns franco-belges), afin de trouver des informations par un autre biais. Ils croisent alors le chemin d’un des fantômes de Samuel, qui semble le hanter plus que les autres pour des raisons encore peu claires. Et ces trois personnages, motivés chacun à sa manière, finissent par rencontrer des êtres oniriques, qu’ils sont là aussi les seuls à voir. Le tout dans des compositions équilibristes mais maîtrisées, et avec une virtuosité graphique qui frise l’étourdissement.

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La fin de leur quête (intérieure, disons-le) correspond également aux retrouvailles avec deux « clients » de Samuel ainsi qu’avec la petite Grace disparue dans la première page. Chacun en apprend davantage sur son propre compte, même Rork, qui parvient à conserver son aura de mystère.

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L’album se conclut par une « Rork Gallery » dans laquelle Andreas livre d’épatantes illustrations en noir et blanc, dans un style pseudo-gravure qui évoquera tout autant son maître Wrightson que Schuiten voire Gustave Doré.
L’album existe dans une version noir & blanc, qui restitue pleinement le tour de force graphique de cette exploration de l’inconscient.
Magistral.

Jim