Bonne surprise ce film. D’autant plus que la bande-annonce, sans être mensongère, n’en reflète pas vraiment la tonalité toute particulière; en dépit de passages et de dialogues drôles, il ne s’agit pas d’une comédie à proprement parler.
Rosalie Blum est le premier film de Julien Rappeneau, fils du réalisateur Jean-Paul Rappeneau, qui a essentiellement grenouillé les quinze dernières années en tant que scénariste pour le cinéma. Il a tâté de différents genres, du biopic (Cloclo) au film d’action (les Largo Winch) en passant par le polar (Zulu, 36 Quai des Orfèvres) et la comédie (les Pamela Rose). Je ne connais pas son travail de scénariste (je ne garde pas de souvenirs de RTT, si ce n’est que c’était mauvais), donc c’est un peu une découverte avec Rosalie Blum, pour lequel il a également écrit le scénario qui adapte la bande dessinée de Camille Jourdy.
Le dispositif au cœur du film n’est pas inédit en soi, mais plutôt original appliqué dans le cadre de cette histoire. En changeant de focus à plusieurs reprises au cours du récit, le scénario multiplie les points de vue sur les péripéties et les personnages en même temps qu’il creuse le malaise et les failles propres à chacun. De cet exercice d’équilibrisme le film tire son véritable propos, à savoir cette torpeur qui donne l’impression de stagner, de passer à côté de sa vie, d’autant plus forte qu’elle s’insinue à des degrés divers dans trois personnages au parcours très différent. De fait, le film baigne tout du long dans un spleen lancinant, rehaussé par les touches humoristiques qui émaillent une histoire qui n’emprunte pas forcément les chemins auxquels on pouvait s’attendre, notamment pour la romance (in)attendue et ce qui tourne autour de la lettre manuscrite.
Au-delà de son script millimétré et de son montage affuté, le film doit aussi beaucoup à la fraîcheur de ses interprètes. Le trio de tête formé par Noémie Lvovsky, doucement mélancolique, Kyan Khojandi (parfait en monsieur tout le monde gauche et introverti) et Alice Isaaz, est bien soutenu par la galerie de personnages secondaires, particulièrement ceux d’Anémone et Philippe Rebbot, impayable en coloc déjanté sans le sou.
La conclusion, avec cet effet de miroir vis à vis du tout premier plan du film, est d’une réelle justesse puisque Julien Rappeneau résout finalement la question, de prime abord anodine au vu du sous-texte convoqué et de la résolution des dilemmes pour chaque protagoniste, qui lançait l’intrigue pour mieux être écartée par la suite alors qu’elle trouve parfaitement sa justification dans cette dernière scène. Bien vu.