SAM LAWRY t.1-6 (Hervé Richez / Mig, Chetville)

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La série Sam Lawry fait partie des premières productions de Bamboo pour sa collection « Grand Angle », permettant à l’éditeur, jusqu’alors spécialisé dans les séries humoristiques à gags d’une page, de se diversifier et d’explorer l’aventure réaliste en grand format.

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Militaire au Viêt-Nam, Sam Lawry est blessé à la tête. Outre des céphalées, il découvre, en retournant sur le terrain, que des visions lui font apparaître qui va mourir. Et ça ne manque pas, après avoir vu ses équipiers troués de balles dans des cases judicieusement colorées dans des camaïeux rougeâtres, les soldats se font tuer sous ses yeux. Dans un premier temps, c’est difficile pour lui, et il cherche à sauver ses frères d’arme, mais bien sûr n’y parvient jamais. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Sam tente de continuer à survivre au conflit en attendant la démobilisation. Jusqu’à ce que son frère soit lui aussi recruté et envoyé dans cette guerre meurtrière.

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La série est construite autour de diptyques, le premier d’entre eux se situant dans le décor de la guerre, à la fin des années 1960. Le dessin de Mig, assez souple et vivant, est teinté d’un léger trait humoristique, le rendant très vivant, même si quelques visages sont de guingois. Mais les variations de cadrages rendent l’ensemble à la fois crédible et agréable. Outre le tic de couleur pour les visions de Sam, on remarquera la volonté du lettreur de marquer les coups de colère à l’aide de corps plus gros, ce qui est du meilleur effet (d’autant que le lettrage n’est pas toujours bien calé dans les bulles).

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Bien décidé à ne pas laisser mourir son frère, qu’il a vu pourtant, dans un flash, criblé de cinq balles, Sam Lawry met tout en œuvre pour l’aider. Ayant appris à vivre avec ses visions, et sujet de plusieurs rumeurs, il met à profit ses pouvoirs afin d’avertir ses supérieurs des pertes à venir : ces derniers minimisent ainsi la paperasse et facilitent le soutien logistique. Et Sam découvre qu’il peut aussi vivre avec l’idée que certaines personnes peuvent mourir sans que ça lui fasse grand-chose.

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Ce deuxième tome se confronte directement à l’idée que le destin ne peut être contourné. Ce qui arrive à son frère, par exemple, montre à Sam qu’il aura beau se débattre, ses visions devront tôt ou tard se réaliser. Le personnage se durcit progressivement, et l’intrigue, qui le plonge dans une histoire d’amour avec une infirmière, joue en parallèle sur deux tableaux : le détachement et le cynisme. Et alors qu’il est à quelques jours de la démobilisation, Sam décide de faire des choix, en acceptant pleinement ses visions.

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Les auteurs maîtrisent assez bien leur sujet. On notera quelques notes de bas de case peut-être pas vraiment nécessaire, mais autrement, les dialogues sont sympathiques et l’enchaînement des séquences plutôt fluide et ingénieux, avec de belles mises en scène et des cases muettes quand il faut.

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Le destin de Sam permet aussi aux auteurs de mettre en scène des fusillades et des embuscades bien saignantes, bref de mener un véritable récit de guerre au-delà du prétexte fantastique. Ils parviennent également à montrer que le conflit ne se contente pas d’opposer deux armées mais ronge également tous les liens sociaux, faisant régner la corruption et la cruauté (et rendant la situation plus complexe encore).

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Ouais, analyse assez juste.
Le style graphique me parait plus rond et plus « joyeux » que ce qu’on peut voir habituellement sur un récit se passant en temps de guerre (notamment au Vietnam) et c’est pas plus mal. Je trouve souvent que c’est trop raide, trop académique.
Sinon, l’histoire, ça avance pas mal. Tome d’introduction plutôt efficace et il se passe pas mal de choses quand même. En tout cas, j’ai bien envie de voir la suite, sur une série qui ne m’attirait pas vraiment de prime abord.

Il est terrible cet album. On est loin des fins à l’américaine. Je trouve que ça donne une force à la série, qui ne devient pas classique du tout et qui passe clairement un cap dès le deuxième tome.
Le plus terrible, c’est qu’au fil des dernières pages, on devine ce qui va arriver au barman avant même que le héros rentre.
L’album m’a bien refroidi, mais parce que je m’y attendais pas vraiment, mais m’a aussi donné envie de voir ce que l’auteur a prévu de faire avec son héros.

Ce qui est intéressant, c’est que le diptyque pourrait se suffire à lui-même. Je pense que Hervé l’a bien compris puisqu’il consacre ses deux suites à d’autres périodes de la vie de Sam (et de l’histoire de l’Amérique). Mais ce premier récit en deux pourrait très bien s’arrêter ici, conservant une force dramatique intense.

Jim

Exactement.

J’ai oublié de dire que je n’étais pas fan du tout de a couv’ du 2ème tome. Je la trouve très ratée dans sa compo. Mais passons à la suite :

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Oulala, moi qui trouvais que le tome 2 avait une fin dure … je me suis endormi hier soir avec la dernière page de ce tome 3. Tout chamboulé j’étais. Et le pire, c’est qu’on se dit que ça va merder dès la scène de l’ascenseur, mais que non, c’est pas possible, Richez va pas faire ça ! Et bah si. Et là, les Bendis et les Rosenberg avec leurs morts en pagaille tout résurrectionnés qu’ils finissent par être, c’est vraiment du pipi de chat à côté de cette dernière page. ça m’a touché !
J’attendais rien de cette série et voilà qu’elle va rester graver dans ma mémoire.
Quant au scénar’, il est beaucoup plus dense, plus fourni. Là, on est à un an d’élections américaines au début des années 70 et fomente de partout, scandales potentiels à l’appui (foutu FBI). Et donc, dommages collatéraux volontaires !

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Au dessin, Mig est remplacé par Chetville et le style change. C’est un peu plus classique, je dirais, moins souple, mais avec pas mal de détails. Cela dit, ce n’est pas encore trop raide et les visages sont très expressifs.

Moi, ce que j’aime bien dans cette couverture, c’est qu’on voit très bien le regard de Sam, et du tout, qu’on ne remarque pas tout de suite les ombres qui se découpent sur les stores. Je trouve cet effet en deux temps assez réussi (parce qu’en fait, ça a marché sur moi, j’ai mis du temps à les remarquer).

Jim

Sur l’objet, les stores sont trop grands. ça fait trop de rouge.

Surtout avec le titre lui-même en rouge.

Il aurait fallu une autre couleur pour ces stores.

Tori.

Justement, je me dis que c’est peut-être l’idée : attirer l’attention sur le personnage en l’encadrant, afin d’avoir un effet en deux temps.

Pour les curieux, voilà la couverture de la réédition de 2008 (en plus petit format, pour coller avec celui qui est utilisé pour le troisième diptyque) :

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Jim

Oui, ça, c’est bien vu, mais le titre de la même couleur (même si pas la même teinte) que le fond, ce n’est pas forcément une bonne idée.

Tori.

Je pense que c’est fait exprès, comme je l’ai déjà dit. Les stores sont dans l’ombre, alors que le titre est bien pimpant. Il se distingue, l’ensemble est contenu dans un rectangle dont la partie basse est délimitée par le store. Ensuite, on ne voit que le regard, dans cette percée vers l’autre pièce en face. Et le reste, on l’oublie, on ne le redécouvre que plus tard.

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Donc, on se doute que Sammy va avoir envie de se venger et comme il n’a rien à perdre, ça peut devenir bien violent. Alors, il va participer, hein. Mais l’impression donne quand même que le panier de crabes n’a pas besoin d’un élément complémentaire pour se bouffer entre eux.
Ici, ce n’est donc pas une vengeance à la Monte Cristo, même si à la toute fin, Lawry manipule un tout petit peu son monde pour que les vilains soient définitivement punis.
Si Richez ne joue pas trop avec les sentiments, il n’empêche qu’il continue de « tuer » des perso faibles et sans ménagement (la page ci-dessous en est le parfait exemple). La violence se situe surtout dans ces aspects, mais on ne peut lui reprocher que ce ne soit pas réaliste. Le tome continue de se dérouler tambour battant, avec des persos très significatifs, avec de vraies motivations.

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Je ne connaissais pas Chetville avant le tome précédent, et je dois avouer que c’est plutôt solide. Peut être un poil académique, mais pour une intrigue qui se situe en ville, je trouve que son trait s’y prête bien.

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Le cinquième tome inaugure un nouveau format, plus petit, dans la même veine que ceux que faisaient Delcourt ou Glénat, et qui correspond à celui de la gamme humour. Choix d’approche tarifaire je suppose.
Nouvelle approche avec un côté qui lorgne plus vers l’espionnage (Guerre Froide oblige) teinté d’un peu plus de fantastique, mais qui se base sûrement sur des rumeurs qui existaient à l’époque.
On voit deux histoires qui se déroulent en parallèle, l’intrigue d’un côté et le vie personnelle de Lawry, devenu complètement fou, prostré, clochard, entre le précédent album et celui-ci (double effet stress post-traumatique). Il a récupéré des cheveux aussi.
A la fin de l’album, et on n’en a pas de doute puisque la première scène de l’album se situe plus tard dans l’intrigue, les deux histoires se rejoignent où Lawry va encore se faire embarquer dans une drôle de galère.

Je n’ai aucune idée des chiffres de vente de cette série, peut être a-t-elle fait de bons chiffres (les intégrales tendraient à le prouver), mais j’ai quand même l’impression qu’elle est passé sous pas mal de radar et qu’elle n’a pas la reconnaissance qu’elle mériterait. je trouve quand même qu’elle est plutôt bien construite, avec un héros qui n’en est pas tout à fait un puisqu’il ne fait que subir et cherche surtout à vivre une vie normale. Il y a un bon équilibre au niveau des dialogues, au détour de scènes l’auteur (ou le dessinateur) n’oublie pas de monter qu’il y a une (vraie) vie autour de l’intrigue et du héros (je pense à la scène de l’échafaudage), les dessins sont plutôt de bonne facture et tout public … sérieux, je suis très agréablement surpris qu’on en parle pas plus. Je pense que chez Delcourt ou Dargaud, l’impact n’aurait pas été le même.

Par contre, dans ce tome, il n’ y a pas de « mort » lié à Lawry, mais on retrouve quand même une petite constante chez Richez : pas sentiment quand il faut tuer de sang froid, même une mère de famille.

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Bon, maintenant, faut que je trouve le tome 6.