Enfin un Roland Emmerich avec un vrai suspense, un équilibre dans la surenchère, des sentiments sans pathos, une réelle construction de l’intrigue, des obstacles et des enjeux…
Ah, mais on me dit dans l’oreillette que ce n’est pas un Rolan Emmerich.
Ceci explique cela.
Bref, boutade mise à part, voilà un film qui met sa claque à 2012 ou au Jour d’après. Pour le pur plaisir des yeux, il y a quelque chose de totalement jubilatoire dans le film, qui aligne scènes à grand spectacle, action et destruction.
Je suis pour ma part un grand fan des films catastrophes (je me repasse régulièrement les grands classiques du genre venus des années 1970, et même si tous ne vieillissent pas de la même façon - n’est pas L’Aventure du Poseidon qui veut - je ne m’en lasse pas), donc fatalement, je ne pouvais pas rater celui-là. L’année dernière, je n’avais pas vu Into the Storm / Black Storm en salles (sans doute qu’il ne passait pas à des heures qui m’arrangeaient, je me souviens plus), mais là, paf, ça tombe bien dans mon emploi du temps, donc je vais pas me priver du plaisir des yeux.
Alors j’en reviens ravi. Parce que c’est une avalanche d’images spectaculaires, d’actions audacieuses, avec un véritable sentiment de danger qui crée un suspense évident. Sur une structure assez proche du Jour d’Après (le père va retrouver sa progéniture), le scénario parvient à maintenir une attente haletante en séparant les actions et en rendant légitime et crédible et prenant le parcours des deux groupes que l’on suit. Première victoire sur Emmerich.
Ensuite, il y a une évidente surenchère, qui fait partie du plaisir (à chaque catastrophe succède une catastrophe pire encore), et le scénario n’est pas à la recherche d’images iconiques (genre, le porte-avion tombant sur la Maison-Blanche), mais plutôt en quête de situations de plus en plus tendues. Deuxième victoire sur Emmerich.
Il me semble évident que Peyton (que je ne connaissais pas, il a fallu que je recherche pour voir ce qu’il a fait précédemment, à savoir pas grand-chose, même si je serais curieux de voir son Comme chien et chat, le premier m’ayant beaucoup fait rire…), il me semble donc évident qu’il a tiré la leçon du genre policier-catastrophe inauguré par Piège de cristal, dont l’ombre plane de bout en bout sur le film (scène d’immeuble, mais aussi placement des héros en position proactive dans l’effondrement ambiant). C’est plutôt bien troussé.
Alors ouais, si on n’aime pas le genre films catastrophe, et si on n’aime pas les films d’action à tee-shirts sentant la sueur et la fumée, faut pas y aller. Mais en dehors de ça, c’est plutôt pas mal. La peinture d’un professionnel du sauvetage dans l’écroulement généralisé est plutôt sympa.
Les personnages sont brossés sobrement, mais efficacement. La construction des différents protagonistes est rapide, elliptique, se fait sur la durée (pas de scène prétexte pour bien brosser les individus, mais des petites touches parsemées). Ça évite les constructions pénibles à base de dialogues moralisateurs et de situations clichés, on découvre les personnages au fur et à mesure sans qu’ils en soient à chouiner. Ça va vite, c’est pas comme La Tour infernale qui met une éternité à poser les personnages et la problématique (les économies de bout de chandelle) avant que ça démarre réellement. Qu’on ne s’y trompe pas, j’adore La Tour infernale, mais c’est clair que ça n’en finit pas de commencer, et que, quarante ans plus tard, on n’écrit plus pareil.
Le scénario (de Carlton Cuse : gasp, pour moi, son nom est synonyme de Lost et de The Strain, autant dire que je ne suis pas impressionné) fournit un prétexte familial qui permet de regrouper les différents destins sous une seule intrigue. C’est là que le film se démarque des films catastrophe d’il y a quarante ans, en cela qu’il n’a pas besoin de brosser une dizaine de destins séparés qui se croisent au mauvais moment au mauvais endroit. Du coup, ce n’est plus la même perspective, pas le même enjeu, pas le même discours.
Mais dans le postulat proposé, ça assure grave. Les péripéties s’enchaînent avec logique, le système du « plant » / « pay off » est rentabilisé à satiété (rien n’est gratuit), ça ne s’essouffle pas un instant, la pression est constante, on ne s’ennuie pas du tout.
Après, c’est gravement prévisible. La manière d’amorcer le récit (dès la première image) est prévisible, pour peu qu’on ait vu des films catastrophe précédemment. La description de la famille, la scène du courrier, l’explication du secret qui a séparé le couple, tout est prévisible et annonce des développements à leur tour prévisibles.
Mais que les amateurs ne boudent pas leur plaisir, le film en fout tellement plein la vue que tout passe avec la plus grande fluidité. C’est comme un restau qui propose un menu que vous avez mangé mille fois : c’est tellement bien présenté, le service est tellement diligent et le café est offert à la fin, ça fait un super repas !
Les acteurs sont très bien. Johnson, on le connaît, il est marmoréen quand il faut, sourire-en-coin quand y a besoin, et y a quelques plans sur la colère tue ou la douleur muette qui sont réellement bien. Gruffud tient en gros le rôle de Chamberlain dans La Tour infernale (ceux qui ne connaissent pas auront la surprise), et il le fait splendidement (c’est vraiment un acteur que j’apprécie de plus en plus). les trois jeunes sont épatants, pas chiants, pas niais, débrouillards et courageux (il y a un discours luddite sur le low-tech assez intéressant, au demeurant). Giamatti, c’est Giamatti, bref, nickel. Et puis, il y a Carla Gugino, et c’est un délice pour les yeux, de bout en bout, avec un déluge d’expressions diverses et une présence incroyable. Un régal.
Peyton maîtrise sa caméra. Il choisit d’avoir un point de vue externe (sauf dans la scène du parachute, et ça ne dure qu’un plan), se place à côté du protagoniste et vit ses souffrances avec lui (pas à travers ses yeux : pas de caméra subjective pseudo found footage comme dans Into the Storm…), et il propose quelques plans bigrement ingénieux (le plan sur le rétroviseur, tout spielbergien qu’il soit, tombe à point nommé). Pour reprendre une expression que j’avais beaucoup appréciée, Peyton n’a pas inventé la poudre mais il sait la faire parler. Il ne propose rien de nouveau, mais il gère excellemment les effets qu’il manipule.
De même, il est conscient de son héritage. Des plans attendus (genre, le pont qui tangue, un classique depuis l’effondrement d’un pont dans la vraie vie, filmé en direct et en noir et blanc à l’époque, ou encore l’écroulement d’échangeurs autoroutiers, comme dans le Earthquake avec Charlton Heston), sont filmés de loin, vus par des témoins, comme si le réalisateur nous disait qu’on était passés à autre chose.
Après, le film ne fait pas l’économie d’un certain conservatisme, fatalement. Vieille rengaine de la reconstruction de la famille dans l’épreuve (le divorce, c’est mal, l’argent étalé, c’est mal…), il fait le choix du rétablissement de l’ordre social dominant. Et se permet un plan un peu trop patriotique, selon le goût français. Mais bon, des films catastrophes conservateurs, on en connaît, et même des bons. Et s’il fallait ne plus regarder les films de droite, qu’est-ce qu’on ferait de tous nos John Wayne, hein ?
Vous aimez les films d’action ? Allez-y ! Vous aimez les films catastrophes ? Allez-y ! Vous avez encore un petit doute ? Faites comme moi, trouvez une séance du matin (donc à pas cher). Mais rien que pour le plaisir (un plaisir cathartique lié au caractère traumatisant relevé par DadaKun, c’est évident…), goûtez-y !
Jim