Dans le cadre d’une insomnie incompréhensible, j’ai donc repris et achevé la seconde lecture de « Sheriff of Babylon ».
« SoB » (oui, SOB), c’est d’abord une histoire inscrite dans un contexte particulier que sont l’attaque du « nine-eleven » et l’invasion américaine en Irak, qui en découlent dans les années 2000. Nous y retrouvons un américain du nom de Christopher, Chris pour les intimes lecteurs.
Chris est formateur pour la future police de Bagdad. Le téléphone sonne, l’un de ses pupils est retrouvé décédé en pleine rue.
C’est là que l’intérêt général de la série débute car notre « Yankee » est, à l’instar de ma petite personne, perdu dans le néo-Bagdad institutionnel. Sans coup férir (n’est-ce-pas Jim!), il appelle une connaissance, la mystérieuse et manipulatrice Sofia, afin de lui demander un coup de main sur la méthode à adopter…
Sofia, c’est une femme déterminée, érudite, qui a vécu aux Etats-unis d’Amérique et qui s’est promis de redorer le blason familial déchu par Saddam lors de son retour au pays. Ce personnage est « central » puisque c’est elle qui va mettre en relation notre petit monde et notamment faire appel à Nassir, un ancien gradé de l’ancien Régime afin d’épauler Chris dans son enquête.
Et là, ça peut sérieusement commencer. Le polar commence. Et la réponse sera donnée au bout des six, puis huit et enfin douze épisodes de la maxi-série commandés successivement par DC.
Si le contexte de reconstruction de l’Irak est évoqué par des réunions entre les sommités du nouveau Régime et les Américains, Tom King met surtout en scène le jeu de dupes et de lobbys autour du renouveau politique que souhaite Sofia et les autres parties prenantes de a reconstruction irakienne. Services rendus, informations dignes des barbouzes, etc… Le pouvoir est une chose difficile à partager, semble-t-il. Que rien n’est gratuit même dans un pays sans valeur (j’y pense mais le pétrole n’est jamais évoqué, de mémoire.).
Dans ce contexte, l’enquête sur la mort du soldat est passionnante et articulée autour de ce jeu de dupes. Ce crime n’est pas un acte gratuit et nos héros vont vite le comprendre, certains à leur dépend.
Ces douze « issues » forment un puzzle intriguant derrière le grand sourire de Bob par exemple. Ici, il n y’a pas de de grand méchant aux dents acérés, de mafieux en borsalino. En Irak,les méchants (les anciens gentils?) sont souriants même ceux qui veulent qui se faire sauter près de vous avec un gilet rempli d’explosifs. Toujours avec le sourire.
Si l’enquête avance, c’est aussi grâce à l’intelligence de ses personnages. Chris qui a manqué quelque chose dans sa vie est marqué et ne remarque pas ce qui se déroule devant lui. Nassir, ce fameux lieutenant, qui a tout perdu et qui perdra encore plus lors de cette saga, est un homme brillant. Et cette fameuse Sofia, femme libre et impitoyable, obsédée par la refonte du pouvoir familial montre toute sa force lors des moments périlleux.
Les méchants ne sont pas oubliés. Souriants comme j’ai pu le relater, Tom King leurs donne une vie, des convictions et un sens aigu de la provocation. Mais sont-ils les vrais méchants de ce polar? Et si les méchants étaient dans notre camp?
C’est à cette question que Tom King nous invite. Son écriture nous propose de partager une vodka (le numéro 5) à la mémoire du 9/11, à regarder Sofia comme seul le lecteur pourra et à se prendre de compassion pour Nassir. Dans « SoB », les personnages font souvent face aux lecteurs et ce n’est pas le découpage strict de Tom King qui nous fera croire le contraire.
Mitch Gerads, lui, rend la copie souhaitée par le co-créateur de la série. Sérieuse, jouant sur l’aspect figé des scènes de dialogues (au final, je n’ai pas souvenir de nombreuses scènes d’action si ce n’est l’attaque au bazooka). Je reste curieux de lire ses futurs Batman.
A ce titre, dans l’un des épisodes, le bonus « behind the scenes » montre la manière dont il construit ses cases, à base de photos, vous l’aurez facilement deviné.
Sans donner aucune leçon d’un côté ou de l’autre, notre joyeuse équipe réussit son pari principal : garder en haleine ses spectateurs-lecteurs, réussir un polar vivant dans une ndroit pas mis mort que ça en mettant en avant son contexte et ses personnages. Et surtout en faisant gagner le gentil qui punit le moins gentil…
Ce n’est clairement pas le titre Vertigo de la décennie. C’est juste un super moment étalé sur douze mois que je vous conseille absolument.
BANG. BANG. BANG.