SHERLOCK HOLMES SOCIETY t.1-6 (Sylvain Cordurié / Stéphane Bervas, Eduard Torrents, Alessandro Nespolino, Ronan Toulhoat, Fabio Detullio, Andrea Fattori)

Et voilà, comme je disais : je suis passé chez le libraire, et j’ai craqué : j’ai pris les six tomes. Je donne votre adresse à mon banquier, môssieur Cordurié.

Jim

Bon, j’ai entamé la lecture.
Premier tome.

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Après avoir mis fin à la sinistre carrière d’un copycat de Jack l’Éventreur, Holmes et Watson sont convoqués par le frère du premier, Mycroft, afin d’enquêter sur une bourgade frappée par une mystérieuse épidémie de zombies. Épaulés par un bataillon de l’armée britannique, ils pénètrent dans la petite ville et se retrouvent face à une troupe de morts-vivants, constatant avec désarroi que l’expédition précédente a été décimée.
Ils font une rencontre étonnante, celle d’un forcené visiblement responsable de la contamination, animée d’une folie inexplicable et qui finit par se sacrifier et s’abandonner à l’appétit des contaminés.
Sortis de cet enfer, les deux enquêteurs comprennent bien vite que la raison d’état l’emporte et que les services de la couronne sont prêts à étouffer l’affaire. Mais bien entendu, Holmes ne l’entend pas de cette oreille…

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La narration, ponctuée de la voix off de Sherlock Holmes, qui conserve sa logique et son sens de l’observation mais regarde le monde avec un œil nouveau, toujours prêt à accepter l’impossible, est très limpide. Les dialogues sont naturels (et Sylvain semble toujours plus à l’aise dans cette atmosphère un peu surannée, qui lui permet d’établir une hiérarchie plus évidente entre les différents niveaux de langue), la caractérisation est juste.

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Le dessin de Stéphane Bervas, en revanche, est un peu raide. Les visages sont statiques, au point que Holmes semble porter un inamovible masque d’ironie. Son style, qui semble beaucoup recourir à la palette graphique, est un peu artificiel, notamment quand il place les personnages dans les décors, notamment les champs à la campagne ou les pièces à parquet de bois. Ce premier tome, en somme, manque un peu de souplesse, et demeure porté par l’intrigue.

Jim

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Argh, la tentation s’amplifie.

Tome 2.

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Bien désireux de ne pas lâcher prise, et après être parvenu à récupérer un échantillon prélevé dans la bourgade de Keelodge, Sherlock Holmes remonte la piste des éléments chimiques qu’il a isolés et qui, selon lui, sont liés à la contamination terrible que le gouvernement britannique cherche à étouffer.
Son enquête le conduit auprès d’un certain Stern, lui-même pourchassé par une organisation mystérieuse (mais peut-être pas gouvernementale). Après une brève altercation, Holmes apprend la réelle identité de ce dernier : Edward Hyde, dont les travaux de l’alter ego semblent à l’origine de l’épidémie. Le détective apprend également que des expériences sont menées sur des morts-vivants en plein Londres. Et c’est en enquêtant sur le financement de la clinique en question qu’il attire les foudres d’un commando qui prend d’assaut le 221B Baker Street. L’issue du combat est tragique, et laisse le lecteur en plein suspense…

Selon le principe propre à la série, qui veut que chaque tome soit réalisé par un illustrateur différent, c’est Eduard Torrents qui s’occupe de ce deuxième volet. Son dessin est plus vivant que celui de son prédécesseur, même si certains décors souffrent d’une exécution à la fois trop rapide et trop scolaire : l’exploration du quartier miteux où Hyde a installé son galetas aurait pu, par exemple, bénéficier d’un peu plus d’allure dans le traitement visuel. Mais l’ensemble est plutôt agréable à regarder, d’autant qu’il brosse un portrait savoureux de Hyde.
Notons au passage que, comme le tome précédent, c’est Ronan Toulhoats qui en signe la couverture (chose qu’il fera également pour les deux suivants), et ça fonctionne plutôt bien.

Ah, c’est clair que si tu aimes les univers partagés et que tu es sensible à cette fibre « wold-newtonienne », ce cycle a de quoi séduire.

Jim

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Allez, tome 3.

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Donc, Sherlock Holmes a énervé certaines personnes. Bon, ce n’est pas une nouveauté, quand on connaît le bonhomme, mais cette fois-ci il semble avoir éveillé l’intérêt d’une organisation aux nombreuses ressources. Au fur et à mesure de son enquête, il cherche des alliances, et s’en remet à son frère Mycroft. Persuadé que l’ennemi est un groupuscule religieux, il se tourne vers l’archevêché, et sans le savoir précipite les choses. Le détective est bientôt capturé et emmené dans un repaire souterrain afin d’être confronté à l’adversaire. Et le lecteur a alors la confirmation que le complot est de taille, puisqu’il menace Londres elle-même, et par conséquent la couronne.

Sylvain Cordurié continue à dérouler son intrigue, utilisant la voix off pour éclairer le lecteur : les paroles de Holmes, qui rythment le récit, permettent surtout de détailler les rouages mentaux du personnage (de quelle manière il analyse et comment il tire profit des informations recueillies), mais aussi de creuser un peu sa personnalité, en le confrontant à son ego mais également à son passé de toxicomane. C’est plutôt bien troussé, l’équilibre entre les scènes d’action et les séquences plus calme étant réussi.
Au niveau graphique, la valse des dessinateurs nous permet de retrouver Alessandro Nespolino, qu’on a déjà croisé dans cet univers à l’occasion de la série Sherlock Holmes - Crime Alleys, ainsi qu’au détour d’un tome de la collection Serial Killers / Tueurs en série. Excellent dessinateur, il donne beaucoup de présence à ses personnages, et une légère influence en provenance de Garcia-Lopez transparaît entre les cases (ce ne sera pas le seul dans la série, on y reviendra). Très joli tome, qui se conclut sur une vision horrifique et l’apparente promesse que les méchants ont gagné. La suite au prochain numéro.

Jim

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Hop, tome 4.

Nous avions laissé Sherlock Holmes, à peine remis d’une éprouvante rencontre avec l’organisation qu’il affronte depuis le premier tome, dans une situation bien périlleuse : au sommet d’un immeuble, il observe Londres mise à feu et à sang, son adversaire semblant avoir gagné.
Le détective tente donc de rejoindre l’un des lieux clés du War Office afin de trouver de l’aide. C’est l’occasion pour Sylvain Cordurié de ramener un personnage apparu dans le premier volet, et de fédérer un petit groupe autour de lui. Disposant de nouveaux alliés, l’enquêteur échafaude un plan. Un plan audacieux, que je ne raconterai pas ici, mais qui permettra, à l’occasion de planches très mouvementées, de redécouvrir le héros sous un angle nouveau.

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L’album est aussi le moment où le thème de la série (la « société ») commence à prendre forme. En filigrane depuis le début, il apparaît officiellement dans la page de conclusion, ouvrant sur une autre ère.
La narration s’effectue toujours à travers des récitatifs de voix off. L’ensemble est fluide, même si, de manière inévitable, le procédé amène Holmes à confesser son manque de vigilance ou d’acuité : cela permet de mettre en avant les retournements de situation, et d’établir un équilibre entre cette intelligence qui prévoit tout et les coups de théâtre nécessaires au plaisir de lecture, et que fatalement Holmes ne voit pas venir. La lecture de toute la série met cependant l’accent sur cette astuce narrative, qui peut donner l’impression de tourner au procédé. Il suffit d’espacer la lecture, mais ce n’est pas facile, car elle est prenante.

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D’un point de vue graphique, c’est Ronan Toulhoat qui se charge de ce tome. Il signait déjà les couvertures des tomes précédents, et il donne à cette aventure une allure trépidante, fort proche de ses influences comics. Dans le petit texte de remerciements en ouverture d’album, il en sourit, d’ailleurs, disant qu’il a « triché », sans doute afin de réinjecter un peu de l’énergie des super-héros dans son chapitre. Ça se sent, mais pour le plus grand bien du récit. Sylvain pousse son personnage dans les cordes, et la nervosité du trait convient parfaitement à cette orientation.
Depuis le tome 3, c’est Axel Gonzalbo qui signe les couleurs. Il donne énormément de grain aux surfaces, ce qui confère une matière et une atmosphère aux planches.

À la fin de cette aventure, un premier cycle est terminé. Londres et la couronne sont sauvées, et les relations entre Sherlock et Mycroft sont un peu changées. La dernière planche promet de nouveaux développements, qui constitueront le sujet du deuxième cycle, dans les tomes 5 et 6.

À suivre, donc…

Jim

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Le steampunk est un sous-genre de la SF, fort populaire en France, qui propose des uchronies, ou univers parallèles, dans lesquels la technologie a évolué différemment, souvent plus tôt. Grosso modo, c’est un type de monde où les ordinateurs se sont concrétisés dès la fin du XIXe siècle, alimentés à la vapeur (je schématise, mais en gros, c’est ça, un roman comme La Machine à différences, publié en 1990 par William Gibson et Bruce Sterling, a posé ce genre de bases, notamment en mettant en avant les figures de Charles Babbage ou d’Ada Byron). Fort prisé des lecteurs hexagonaux, le genre, qui connaît différentes déclinaisons (avec plus ou moins de technologie, ou plus ou moins de décalage dans le temps) a donné naissance à des tas de trucs sympas, comme par exemple le « Cycle de la Lune », de Johan Héliot. Bref, ça marche bien. En bande dessinée, on peut citer Le Réseau Bombyce, de Corbeyran et Cecil, entre autres.

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La collection 1800 est aux frontières du genre. Un peu au même titre que la Ligue des Gentlemen Extraordinaires animée par Alan Moore, cet ensemble informel de récits, où les albums de Sylvain sont peut-être les seuls à constituer une continuité (les autres diptyques étant indépendants), surfe plutôt sur la citation littéraire, « à la Wold Newton », et pas tout à fait sur l’exploration de ce que serait la technologie si elle avait avancé avant l’heure. Mais l’importance de la fiction qui l’emporte sur la véracité historique, les clins d’œil fréquents et les jeux de décalages inscrivent, pour moi, la collection dans les mêmes eaux. Et à l’exemple de certains romans qui sortent le steampunk du XIXe siècle, le nouveau cycle ouvert à l’occasion de ce tome 5 élargit le débat et jette des ponts entre les deux mouvements.

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En effet, le scénariste ouvre son récit sur l’année 1935, mais un 1935 que nous ne reconnaissons pas. L’Angleterre, devenu « le Grand Empire », règne sur l’Europe et le monde, au prix, comprend-on, de guerres multiples et meurtrières. Dans ce monde futuriste (je rappelle que l’action se déroule à l’origine en 1894), le Royaume-Uni est une dictature, et les dissidents sont prêts à tout pour faire tomber la couronne. Parmi eux, un « génie du mal », que les autorités sont prêtes à tout pour arrêter, jusqu’à remonter le temps afin de tuer son père. Le père en question, bien entendu, c’est le héros qui nous occupe depuis le premier tome. Sylvain associe donc un univers steampunk (car c’est ce qu’est cette Angleterre de 1935) à une intrigue à la Terminator, un mélange qui, me semble-t-il, est assez rare.
Il est servi au dessin par un certain Fabio Detullio qui, sans avoir la qualité de Nespolino, navigue dans les mêmes eaux. C’est très sympa, les influences comics se font bien sentir, pour un ensemble de scènes d’action bien troussées.
Un premier volet de cette nouvelle intrigue plus que convaincant.

Jim

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Mais c’est qu’il donnerait envie de faire la série, le bougre !

Tori.

J’ai jusqu’au 4 pour le moment … faudrait que je le lise, mais j’ai l’impression qu’il faut que je lise les autres Sherlock 1800 avant !

Alors pas tant que ça. D’une part parce que les histoires sont assez indépendantes. D’autres part parce que tout est mis en place pour qu’on comprenne (dans les dialogues notamment) sans qu’il soit besoin d’avoir lu, tout en faisant des références claires (notes de bas de case, très pratique).
En fait, dans mon cas précis, il va falloir que je relise Sherlock Holmes et les voyageurs du temps, parce que c’est assez flou (je me souviens mieux des deux autres cycles), mais c’est davantage lié à ma mémoire défaillante qu’à l’écriture.

C’est un peu l’idée.
:wink:
Comme d’ailleurs pour l’ensemble de mes petites notes de lectures sur d’autres séries : mon idée, c’est de remettre un petit coup de projo sur mes lectures, un peu à la manière de mes commentaires sur les TPB de « vieilleries », afin d’en faire profiter les amateurs qui se trouvent sur le forum. Si en plus ça incitait d’autres personnes, qui auraient le temps, à faire de même, ce serait le pompon !
:wink:

Jim

Alors c’est pas que je veux pas … mais mon temps de lecture a très, très fortement diminué depuis 3 mois … mais ça va revenir !

Moi, le problème c’est que je suis curieux de nature, et que j’aime les mangas, les comics, la franco-belge et autres… La BD dans son ensemble, quoi. Et dans un peu tous les genres : aventure, policier, fantastique, romance, horreur, humour, mythologique, etc. (et on peut mélanger les catégories).
Du coup, il y a trop de trucs qui m’intéressent, et j’ai trop peu de temps (et pas le budget non plus) pour tout ça.

Tori.

Je suis un peu comme toi, mais je finis aussi par regarder ma bibliothèque et par me dire qu’il y a des trucs que je ne relirai jamais. Ça me fait ça un peu sur tous les rayons, mais en particulier sur la BD. Du coup, je fais de temps en temps des cadeaux, ça allège les rayons, et ça libère de la place pour des trucs que je vais sans doute garder et apprécier davantage. Quand j’étais lycéen (puis chômeur, d’ailleurs), j’ai beaucoup fréquenté les bibliothèques (et durant les périodes de chômage, je ne pouvais même pas payer l’abonnement, alors je l’installais deux ou trois heures de temps en temps (les jours où je faisais le tour des bureaux où je devais remplir de la paperasse) et je lisais un max de trucs. C’est durant une de ces périodes, dans la deuxième moitié des années 1990, que j’ai découvert Lanfeust ou Vortex, et pas mal d’autres trucs. Et ça m’a permis de repérer les machins que je ne relirai jamais, et que je n’aurai pas à acheter. C’est pratique pour ça, les bibliothèques, on peut lire plein de choses et faire un tri.

Jim

Tout dépend des bibliothécaires, aussi… Et il faut que la bibliothèque soit suffisamment fournie.
Mais c’est vrai que la bibliothèque, c’est un outil formidable, que beaucoup de parents oublient de présenter à leurs enfants.
Quand j’étais en primaire (ça date un peu), l’école municipale (d’un petit village) avait inscrit tous ses élèves à la bibliothèque municipale, et l’on pouvait y emprunter un roman et deux BD par semaine (et les instituteurs y amenaient leurs élèves une fois par semaine)… La bibliothèque était, du coup, très bien fournie en BD jeunesse (principalement les classiques de Dupuis)… J’y ai découvert énormément de séries. C’était vraiment une bonne initiative pour donner le goût de la lecture aux élèves (Quand j’y repense, le directeur de l’école devait être fan de BD : à la fin de l’année, chaque élève avait eu une BD (sauf ceux de CM2, qui avaient un Dictionnaire ou un atlas)).

Tori.

Mais c’est aussi dangereux, les biblio, pour les mecs comme nous. J’ai découvert Bone dans une bibliothèque, en 2001 … et il arriva ce qui arriva.

Bon, ben, je ne sais pas quoi dire. :slight_smile:
À part que l’influence des comics sur mon travail devrait effectivement crever les yeux pour les amateurs éclairés que vous êtes.
Ajoutez à ça une grosse pincée de littérature de genre, et un goût plus que prononcé pour le cinoche et les séries télé ambitieuses.
Bref, rien de surprenant. :slight_smile:

Y a d’ailleurs une montée en puissance de cette influence. Quand Sherlock Holmes et les Vampires de Londres est sorti, on était dans la logique « wold newtonienne » de la collection, donc paf, un détective bien connu et des vampires, ok, on voit le topo. Après, avec Sherlock Holmes et le Necronomicon, on savourait aussi le fait de retrouver l’équipe du Céleste Noir, et de les voir explorer un domaine qu’ils n’avaient pas eu le temps de faire chez Delcourt. Je crois que le tournant comics se fait avec La Mandragore et le troisième volet des aventures de Sherlock. Ou disons que ce sont les récits qui confirment les soupçons, et qu’à partir de maintenant, il n’y a plus de doute. Et tout le cycle Society est carrément une envolée dans ce genre. Même graphiquement : tes illustrateurs se jettent dans le défi à fond.

Jim

Bon, va falloir sérieusement que je m’attèle à ces lectures !
(c’est quoi l’équipe du Céleste Noir ?)

Plutôt : c’est qui ?

Jim

Merci.