Chip Zdarsky a la lourde tâche d’achever son récit, au départ une jolie idée (« faire comme si » le Temps se déroulait normalement, avec Spider-Man qui vieillit depuis les années 60, avec un numéro par décennie), qu’il a transformé en véritable ode à l’univers du Tisseur.
Lourde tâche, oui, mais très joliment réussie, pour une conclusion imparfaite (difficile de « tenir » tellement d’attentes) mais avec une dernière page fort belle.
Nous sommes dans les années 2010 ; Peter est vieux, mais encore Spider-Man. Son fils Benjy a survécu face à Morlun, mais est handicapé ; sa fille Claire est Spider-Woman, et « énorme ». Il mène la Résistance face à Dr Doom, qui a profité de la Civil War pour prendre le contrôle quand tous les héros se sont entretués (en gros, on ignore ce qui leur est arrivé vraiment). Peter mène une mission « folle » dans l’espace avec Miles Morales, jeune héros qui l’accompagne pour aller dans une station spatiale Stark. Ils doivent ainsi lancer une ultime machine de Tony Stark, pour vaincre Doom. Ils y croisent un androïde Kraven possédé par Venom, mais le battent ; sauf que Miles est contrôlé par l’esprit de Dr Octopus ! Ils s’affrontent, Peter perd ; mais Otto veut le vaincre dans son esprit. L’affrontement mental est terrible, mais le souvenir de May, sollicité par Peter, « bat » Otto, qui cède face à elle et son influence. Peter renvoie Miles/Otto dans une capsule de survie, tente d’empêcher l’explosion générale le temps que la machine se lance ; il va échouer, quand Venom le protège au final. Peter « mobilise » alors le souvenir de MJ, qu’il connaît si bien ; ce souvenir le rassure, et il se sacrifie ainsi. Car, comme « May » le lui dit, il ne se pardonne pas de n’avoir pas sauvé Ben ; alors il veut sauver tout le monde. Plus tard, Miles prévient un Otto quasi mort (et rongé par la culpabilité) que Peter a été enterré ; toute la ville, libre, lui a rendu hommage. MJ offre à Miles le costume de Peter, pour prendre sa suite après le traumatisme du contrôle. On revient alors au début de l’épisode, quand Peter indiquait à MJ qu’il rêvait du moment où il croise le voleur qui tuera Ben ; sauf que, là, Peter ne fait pas un mauvais rêve… Peter rêve qu’il bloque le voleur. C’est donc un beau rêve ; car il sauve enfin Ben.
C’est beau. C’est simple et beau. C’est imparfait, bien sûr : Chip Zdarsky survole trop facilement les conséquences de Civil War, évoque les autres personnages au détour de dialogues trop rapides et fugaces ; la menace de Dr Doom est intéressante, mais ce n’est pas ce qui le passionne, et ce n’est alors qu’un prétexte. Idem pour Venom, finalement, qui sert les utilités. Mais ce n’est pas grave.
Car c’est beau. C’est simple, c’est une déclaration d’amour aux principes de Spider-Man ; à ce qui « fait » le personnage. Non, Peter Parker n’arrive toujours pas à aller au-delà de son rôle dans la mort de son oncle ; plus de 50 ans après, que ça soit dans « la continuité » où il vieillit à peine ou ici, où il vieillit vraiment, il n’y arrive pas. Il ne se le pardonne pas. Il ne se pardonne pas de n’avoir pas pu sauver une vie ; si importante. Alors il refuse d’en perdre d’autres ; qu’importe laquelle.
Chip Zdarsky a complètement comprend ce qui « fait » Spider-Man, et ce numéro est beau en ce sens. La page finale est superbe. Tout ce qui intervient à partir du passage mental est superbe. C’est touchant, c’est fort ; c’est pur.
C’est imparfait, oui. Mais, bon sang, ça prend aux tripes pour quiconque aime Spider-Man. Notamment parce que Mark Bagley est très bon, ici, et livre des planches superbes et plus concentrées que lors de l’épisode précédent.
Life Story aura été une superbe surprise. Imparfaite, pas toujours maîtrisée, mais… c’était beau. Et ça valait le coup.
Merci, Chip & Mark.