Discutez de Spirit le dieu rocher
Paru en 1998 chez Dargaud, soit cinq ans après sa sortie en Chine, Spirit est une interprétation d’un récit mythologique. À ce titre, si les planches proposent un dessin séducteur et attirant, il est conseillé de prendre le temps de lire la petite préface avant de se lancer dans les planches : la portée métaphorique du récit gagnera sans doute à profiter des informations qui y sont présentées.
Selon la légende, un couple d’amoureux, cherchant à vivre un amour éternel, partent à la recherche d’un elixir d’immortalité. Mais cela s’avère un poison mortel pour la femme, Chai Song, tandis que l’homme, Zhang Li, devient effectivement immortel, mais coincé dans une gangue de pierre à jamais. L’auteur, Li Chi Tak, ouvre son récit alors que le neveu et la nièce viennent rendre visite au malheureux qui, à force de rester coincé en haut de sa montagne au pied de laquelle prospèrent des communautés humaines, finira par accéder à un statut divin.
L’album est construit en faisant se succéder les différentes visites des neveux, tandis que des combats se succèdent autour de ce « dieu rocher » et que des communautés évoluent. Un temple se construit autour de lui et des forces mystiques sont en branle. Et si les esprits des deux amoureux luttent encore pour se retrouver, les gens vieillissent, changent, se sacrifient, encaissent des coups, s’aigrissent…
Sans réelle morale clairement expliquée, le récit se charge de toute une couche de significations diverses, de considérations sur le sens de la vie, sur l’aveuglement des sentiments, sur l’inanité du destin. C’est vaste, parfois un peu confus, mais au final assez poignant, les moments calmes étant ceux qui véhiculent le plus d’émotion.
Graphiquement, c’est un tour de force. Li Chi Tak gère à merveille les cadrages, utilisant certaines surfaces blanches (les flancs des montagnes, par exemple) pour faire briller le blanc du papier. Il recourt à un style minutieux et très fin, et ses cases les plus illustratives pourraient évoquer, à un regard coutumier des comic books, le travail d’un Brian Bolland. Très impressionnant.
Jim