SYLVE t.1-3 (Brice Tarvel / Mohamed Aouamri)

Discutez de Sylve

Dans un monde post-apocalyptique où la forêt a reconquis ses droits sur l’ensemble de la planète, divers peuples survivent, la plupart à hauteur des racines gigantesques, certains dans les frondaisons.

C’est dans ce monde que vivent Daha et Torg, deux jeunes gens qui rêvent de fonder une famille. Dès la première page, on apprend que Torg est « tombé des lointains feuillages » avant d’être adopté. Sa présence suscite la jalousie de quelques brutes contrefaites qui cherchent à se venger, et le premier tome, le seul que je possède, est consacré tout autant à la course-poursuite à laquelle tente d’échapper le couple qu’à l’exploration de ce monde à l’occasion d’une quête des origines, Torg cherchant à savoir d’où il vient.

Le récit se place dans la veine d’un post-apo écolo, avec des images de reliques de temps jadis (exemple : un bus) coincées dans les branches d’une végétation qui a poussé de manière accélérée et incontrôlable. Le récit convoque des visuels qui parcourent le post-apo de loin en loin, du Monde vert de Brian Aldiss (roman en partie adapté par Carlos Gimenez avec Hom) au plus récent The Wake de Scott Snyder et Sean Murphy. La série Sylve date des années 1990 et recourt à cette imagerie évocatrice tout en développant un ton plutôt optimiste, loin de tout cynisme.

En effet, les auteurs tiennent un discours que certains esprits chagrins taxeraient volontiers de « gauchiste ». Les origines étrangères de Torg font que son union avec Taha apporte du sang neuf à la tribu de celle-ci, ce dont se réjouit le chef, bien content de voir que les métissages apportent la promesse d’une plus grande résistance face à l’adversité des temps à venir (le personnage laissant sous-entendre que les générations précédentes ont oublié cette évidence). De même, la fin de ce premier volet met en scène une tribu luttant contre l’invasion végétale en coupant des arbres. Les auteurs présentent clairement cette tribu des « Bûcherons » comme des fanatiques, et l’un des personnages exprime avec la même clarté le fait que ces brutes ne comprennent pas que la forêt fait vivre tout le monde.

Le scénario est classique, les dialogues sont un peu littéraires, à l’ancienne, privilégiant la belle formulation plutôt que la caractérisation (et l’on s’étonnera toujours du fait que ces gens, qui ont tout oublié du monde de jadis, maîtrisent aussi bien la grammaire), et le dessin d’Aouamri, encore un peu vert mais déjà riche de l’élégance détaillée (et là aussi classique) qu’on lui connaît aujourd’hui, est plutôt joli à regarder, malgré quelques compositions qui perturbent grandement les sens de lecture (au point qu’il lui faille mettre des flêches dans les bords de case pour guider l’œil).

La série débute au Vaisseau d’Argent, la maison d’édition fondée par les auteurs du Vagabond des Limbes, avant de se conclure chez Arboris. Malgré le nom des auteurs, j’ai bien l’impression qu’elle a été un peu oubliée.

Jim