TAHYA EL-DJAZAÏR t.1-2 (Laurent Galandon / A. Dan)

Discutez de Tahya El-Djazaïr

Réputé pour ses scénarios « de gauche » où il se penche sur des sujets douloureux de l’histoire de France (occupation, Algérie, terrorisme…), Laurent Galandon a aussi une autre passion : le cinéma. Il a travaillé dans une salle d’art & d’essai et fait preuve d’une culture cinématographique imposante. Tahya El-Djazaïr propose, peut-être pour la première fois dans sa carrière, des personnages qui établissent le pont entre ces deux centres d’intérêt.

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Cinéaste amateur, Paul, un ancien Résistant, s’est installé à Alger dans les années cinquante. Il est instituteur et fréquente Amine, un projectionniste communiste. Il mène une vie tranquille, pour ainsi dire en retrait, et alors que la situation dégénère entre colons et autochtones, il conserve ses distances, affichant un comportement que certains prennent pour de la lâcheté.

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S’il vit une passion avec la fille d’Amine, il retrouve aussi d’anciens amis du temps de l’Occupation, qui l’ont connu alors qu’il combattait la présence allemande sur le territoire. L’évocation de ce passé, à l’occasion de quelques courts flash-backs, permet de comprendre que Paul a exercé une violence qui l’a marqué et qu’il cherche à ne pas retomber dans cette spirale, évitant de se mêler de l’agitation politique qui emporte le pays (enfin, le département, puisque c’était le statut de l’Algérie colonisée de l’époque). Mais bien entendu, il sera rattrapé par les événements et, quand il découvrira les pratiques de l’armée française sous prétexte d’obtenir des renseignements, il ne pourra qu’y voir une comparaison avec les méthodes nazies.

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Dans le second tome, Paul, qui a quitté Alger, tente de mener une existence paisible dans un petit village, avec sa compagne et leur nourrisson. Mais bien entendu, ils sont pris entre l’armée française et les troupes du FLN. Face au drame qui le frappe, Paul fera les mauvais choix, jusqu’à ce qu’il découvre la réalité… et s’enfonce plus avant dans un chemin sans retour.

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Évoquant des thématiques proches de sa série Shahidas (la place de la femme, l’impact de l’Occident, la radicalisation…), Laurent Galandon fait ici preuve d’une plus grande subtilité. S’il a une fois de plus une structure opposant un homme à une société, il décrit une large galerie de personnages qui décrivent tout un éventail varié, de l’ami empêtré dans le devoir au milicien raciste. Cela donne une vision complexe de la situation, bien moins manichéenne qu’on pourrait croire, d’autant que le personnage, dans le premier tome, n’est pas particulièrement sympathique, en tout cas pas tant que les flash-backs n’aient éclairé son passé.

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Le dessin d’A. Dan, qui ne manque pas de maladresse parfois, prend cependant soin de rendre vivantes les attitudes des personnages. Les décors ne sont pas le fort du dessinateur, mais il cherche à spatialiser les protagonistes afin de faire écho à leurs sentiments. L’impression du premier tome souffre d’un défaut de définition au début, les planches donnant la sensation que la numérisation n’est pas suffisante. Cela disparaît rapidement, c’est heureux. Enfin, signalons des placements de bulles assez habiles, discrets également, qui rendent la lecture très fluide.

Jim

Alors, j’ai lu le 1er album. Et j’ai beaucoup aimé. Je ne sais pas si l’Histoire derrière l’histoire est très réelle, cependant, elle est très réaliste, et offre donc une histoire très crédible. Ce que j’aime bien, c’est découvrir cet Alger d’avant 1954, sa vie, sa culture, la relation entre les natifs et les français originaires de France, les effets de l’après-guerre … c’est vraiment très intéressant, et c’est ce qui me fait adhérer à l’histoire. En plus, ça avance à coup de saynètes, sans forcément avoir besoin de préciser comment avance le temps, ce qui montre une certaine fluidité du scénario et des dialogues.

Les dessins de A. Dan sont pas mal, classiques, il y a quand même pas mal de décor (il suffit de voir la première page que présente Jim), avec une certaines expressivité pas exagérée. Disons que je les trouve sages, mais ça va vraiment avec l’histoire.

Saynètes.

Tori.

Ah oui merci de me corriger

Dites donc, il est raide émotionnellement le tome 2. Galandon n’épargne pas ses persos. Je m’attendais au renversement de situation sur l’intrigue, il y avait des contre-indices. Et ça ressemblait bien à une tentative de déstabilisation de l’armée française (même si ici ce n’était pas le but premier, et ça retranscrit quand même pas mal une certaine ambiance possible à l’époque). En tout cas, j’ai été bien pris par cette histoire tragique.
Par contre, je 'nai pas compris la signification du titre de la série : c’est un cri de guerre ?

Alors c’est marrant, cet encrage plus marqué m’a moins plus. Je trouve qu’il y a un côté Kollins dans le trait que je n’avait pas forcément identifié dans le premier tome. Pas un défaut, mais faudra que je regarde, car je me demande si je ne préfère pas le premier tome.

Ça veut dire « Vive l’Algérie » (sous-entendu « indépendante », je suppose).

Tori.

Ah, merci. C’est visiblement connu. Mon inculture ne cesse d’être abyssale.

Je ne sais pas si c’est connu, mais « El Djazaïr », c’est l’Algérie, et le nom du parti politique tunisien « Tahya Tounes » signifie « vive la Tunisie »… De là, j’ai déduit le reste.

Tori.

En tout cas, ça ne m’a paru assez explicite (j’ai peut-être loupé une bulle)