TANÂTOS t.1-4 (Didier Convard / Jean-Yves Delitte)

Discutez de Tanâtos

4 tomes !

Très fantômassien.

J’adore.

Je n’ai lu que le premier, va falloir que je complète, à l’occasion.

Jim

J’ai récemment complété le premier diptyque, ce qui m’a donné l’occasion de m’y plonger, au-delà des souvenirs flous que je gardais du premier tome. Que j’ai donc relu.

Cette première livraison est très sympathique et, effectivement, particulièrement fantomassienne. Le méchant comploteur vit dans de riches demeures équipées de souterrains et d’installations permettant le décollage d’appareils avant-gardiste ou la mise à quai de bateaux à la technologie de pointe, il est connu par son surnom des policiers et des journalistes et par son titre nobiliaire de ses sbires, il vit masqué et usurpe l’identité de ses victimes pour la vie desquelles il n’a aucune pitié. Bref, c’est clairement Fantomas.

Ce premier tome montre comment le personnage crée des tensions autour de l’industrie militaire, ce qui secoue la vie parlementaire, à cette veille de la Première Guerre mondiale. L’ensemble est bien huilé, même si on devine aisément les manipulations du méchant. Convard a un certain talent pour le langage fleuri des marlous travaillant pour Tanâtos et pour le jargons imagé des détectives. C’est un poil plus laborieux pour les personnages de politiciens, qui font des phrases à rallonge et donc… de grosses bulles.

On en vient à l’un des soucis principaux de l’album, à savoir le lettrage : la calligraphie n’est pas toujours d’une grande lisibilité, et surtout les formes des bulles varient sans raison et les phylactères sont souvent mal placés, débordant sur les mauvaises cases, perturbant les lignes de lecture, touchant le nez ou les doigts des personnages. Delitte a de jolis noirs, notamment sur les vêtements, mais ses personnages, qui m’évoquent un peu ceux de Bourgeon, ne sont quand même pas très beaux. La restitution du Paris de l’époque est très chouette, mais la difficulté à suivre les bulles gêne considérablement.

Jim

Le deuxième tome déroule le plan du super-vilain, à la fois déclencher une guerre et prendre la place d’un des munitionnaires qui vont se gaver sur le massacre général. Mais on va suivre un policier et un détective de l’agence Fiat Lux (le tandem qu’ils composent est sympa et attachant, avec des dialogues qui tournent assez bien) qui mettront leur nez dans l’affaire, remontant la piste des hommes de main de Tanâtos.

C’est pas mal : les rouages narratifs tournent bien, ça s’enclenche sans gripper. La scène de la poursuite sur les toits est pas mal, celle de l’évasion est bien aussi, mais on éprouve peut-être un sentiment de trop peu en ce qui concerne les gadgets, les équipements, tout le folklore fantomassien / jamesbondien. Heureusement, il y a de longues scènes de couloirs dans la base souterraine, vers la fin.

Il y a de chouettes astuces, comme ce rendez-vous régulier avec les manchettes de journaux, qui sont aussi, pour les plus curieux (et ceux équipés d’une loupe) l’occasion de blagues internes (on reconnaîtra des noms d’auteurs, mais également de directeurs de collection ou de directeurs artistiques…) dans les entrefilets.

Après, reste la fameuse difficulté inhérente à tout récit présentant un esprit maléfique derrière les grands événements du monde, et surtout les catastrophes. Ici, par exemple, faire de Tanâtos l’éminence grise derrière la succession de drames donnant naissance à la Première Guerre mondiale, ça donne au personnage une stature évidente, mais ça dédouane un peu le genre humain, ça l’allège d’une part de responsabilité (c’est toute la tension qui réside dans la série Dark Skies, par exemple). Alors certes, les auteurs s’échinent à présenter des crapules d’extrême-droite, va-t’en-guerre et bellicistes, brossant le portrait d’une classe politique prête à tout en vue de créer le chaos dont ils pourront tirer profit, mais quand même, fatalement, l’usage d’un tel « diabolus ex machina » soulève une problématique morale évidente. Les auteurs ici parviennent à trouver un équilibre, mais l’exercice demeure périlleux.

Question graphisme, j’ai toujours autant de mal avec les bulles tracées par Delitte, dont les appendices en plus flottent mollement dans le décor, désignant de manière imprécise les locuteurs. Quant à son dessin, je viens de songer qu’il m’évoque peut-être davantage Hermann que Bourgeon. Et moi qui ne suis guère enthousiasmé par Hermann, surtout celui de la maturité, je comprends mon peu d’appétence pour le travail de Delitte, aussi détaillé soit-il.
En tout cas, pas au point de me précipiter sur le second diptyque.

Jim