TATIANA K. t.1-3 (François Corteggiani / Félix Meynet, Emanuele Barison)

Discutez de Tatiana K.

C’est peut-être l’actualité, qui charrie de lourds effluves en provenance d’Europe de l’Est, mais il m’a pris l’envie de relire les trois tomes de Tatiana K., dont je n’avais gardé qu’un souvenir bien flou.

Le premier tome est publié en 1998. Nous sommes encore dans l’atmosphère post-guerre froide, post-chute du mur, avec son lot de mystères et de trafics. On suit les mésaventures d’une cellule (réduite) des services français, en l’occurrence Nicolas et son directeur, qui ont été contactés par une ancienne membre des Spetsnaz : Tatiana Kovolenko, qui affirme être entrée brièvement en possession d’une mallette contenant des secrets que les services occidentaux seraient ravis de récupérer.

Après une « séquence pré-générique » située dans la Sibérie des années 1950, nous nous retrouvons dans le présent, avec la rencontre entre Tatiana, spécialiste des explosifs, et les agents français. S’ensuit une longue séquence de dialogues émaillées de flash-backs, puis une intervention à Lausanne, qui oppose l’héroïne à une adversaire aussi jolie et aussi douée pour le combat. L’album se conclut sur l’ouverture d’une nouvelle piste, annonçant le tome 2.

C’est sympathique, rapide, plein de jeux de mots et de blagues, marrantes ou lourdingues. Ça rentre dans la tradition semi-réaliste du franco-belge, où des héros dessinés dans une approche pas tout à fait sérieuse se frotte à des sujets du monde réel. L’héroïne est bien entendu très jolie, Meynet empruntant beaucoup à Brigitte Bardot et un peu à Mireille Darc pour la caractériser. À noter des couleurs d’Enrico Marini sur ce premier tome.

Jim

Le mot « strigoï », qui peut désigner un sorcier, un esprit mauvais voire… un vampire, sert de titre au deuxième tome, qui envoie nos héros en Roumanie. Les fantômes de Dracula et de Ceausescu planent sur le récit.

Tatiana se fait passer pour une actrice de films d’exploitation (tendance horreur érotique, le Doc serait ravi de découvrir sa filmo) au nom italien mais à l’accent (et à la grammaire) russe, et Nicolas pour son secrétaire particulier. Elle rencontre donc le réalisateur aux mains baladeuses et se sert de cette couverture voyante pour enquêter. Parallèlement, les lecteurs ont droit à la présentation d’une nouvelle partie, des émissaires du Vatican qui n’ont rien à envier, en matière de puissance de feu et de jurons fleuris, aux forces spéciales qui jalonnent le récit.

L’intrigue, pleine de rebondissements (et les flash-backs sont moins nombreux, permettant même de faire le lien avec la scène d’ouverture du premier tome), conduit Tatiana à croiser à nouveau la combattante du premier volet. La confrontation finale jouit d’un traitement un peu vaudevillesque, avec la révélation en rafale du vrai rôle de tout le monde, certains personnages s’avérant des policiers eux aussi sous couverture. On croirait une explosion d’aveux à la Molière, mais au lieu de découvrir des pères ou des fils inconnus, on assiste à un jaillissement de policiers.

C’est sur ce ton un brin rigolard que les auteurs closent l’épisode, donnant rendez-vous au troisième tome afin d’aborder plus en détail les implications de l’enquête : Tatiana et ses alliés sont à la recherche d’informations concernant des travaux génétiques entrepris par l’URSS, et ce sera le sujet du prochain volet.

Jim

Le troisième tome apporte une conclusion à l’intrigue en cours, mais également à la série. Cette fois, ce n’est pas Félix Meynet qui se charge du dessin, mais Emanuele Barison, complice transalpin de François Corteggiani sur différentes séries, parmi lesquelles la fin de De Silence et de sang, mais aussi la trilogie Yakuza ou encore l’one-shot Orfea.

Les éléments suggérés dans les tomes précédents (pour faire court : des travaux soviétiques sur le clonage pillés par une branche extrémiste du Vatican afin de ressusciter le Christ…) constituent l’ossature de l’intrigue, directement orientée vers l’action. Cette fois-ci, pas de robe sexy, d’infiltration, d’enquête sous couverture, les héros sont poursuivis, les fusillades s’enchaînent, les combats se multiplient (à noter une scène à déconseiller à Blacki). Tout cela est très agréable à lire, même si l’ensemble donne l’impression que ça aurait pu tenir sur plus de page, et que, par conséquent, les affaires ont peut-être été pliées plus tôt que prévu.

Barison officie dans un style moins réaliste que d’ordinaire, afin de s’inscrire dans la lignée de Meynet. Le résultat ressemble un peu, par certains côtés, à ce que faisait Alain Henriet en début de carrière, par exemple dans John Doe. C’est joli et dynamique, mais il manque le petit truc qui faisait la différence.

Jim

Triste nouvelle que le décès de François Corteggiani :

Jim