THE CREEP (John Arcudi / Jonathan Case)

[quote]THE CREEP
*Scénario: Arcudi John – Dessin: Case Jonathan
Public: Ado-adulte – à partir de 12 ans
Genre: Polar / Thriller
Collection: Urban Indies
Date de sortie: 5 décembre 2014
Pagination: 144 pages
ISBN: 9782365774383
Prix: 15.00 €

Avec le détective privé Oxel, John ARCUDI dote son polar de l’un des personnages les plus attachants du genre. Une oeuvre sombre et profondément humaine.

Un adolescent se suicide deux mois après la mort de son meilleur ami. Désespérée par l’incompétence des autorités, la mère de la victime contacte un amour de jeunesse, le détective privé Oxel Kärnhus. Le corps déformé par une maladie dégénérative, Oxel possède le physique d’un monstre et une sensibilité à fleur de peau. La peur et la pitié qu’il inspire lui seront d’une aide précieuse dans son enquête.
(Contient THE CREEP HC : #0 + #1-4)*[/quote]

Liens:
Le site de l’éditeur : www.urban-comics.com
La page facebook de l’éditeur : www.facebook.com/UrbanComics

Quelqu’un l’a lu, ça ? Sur le papier ça me dit bien…

J’ai été franchement déçu pour ma part. L’histoire est classique mais bien mené, on reste dans un coté très intime et la résurgence du passé d’Oxel sur l’affaire qu’il tente de résoudre est bien faite. Du fait des liens qu’il entretient avec la mère de la victime. J’aime bien les liens qu’il tisse avec les deux femmes justement et je trouve ces deux personnages bien foutue. Toutefois en dehors de ça j’ai trouvé qu’Arcudi et Case ont échoué dans leur envie de créer un personnage inspirant peur et pitié.

On y croit jamais. Je ne sais pas… c’est peut-être le dessin ou la manière de raconter mais quoiqu’il en soit je n’ai jamais trouvé Oxel moche ou horrible. Malgré la présence de scènes où son corps le trahi ou de passage comme les gosses qui se moquent de lui je n’ai jamais cru à sa condition. Le personnage est trop bien fait pour croire aux problèmes liés à sa maladie.

Au mieux j’ai l’impression de voir un mec un peu rustre, un peu gauche mais guère plus.

Merci de ton retour. Du potentiel mal exploité alors, on va dire.

C’est marrant, moi, j’ai beaucoup aimé.
Bon, il faut préciser que ce personnage, il existe depuis quelques vingt ou vingt-cinq ans, qu’Arcudi l’a animé souvent dans Dark Horse Presents (je crois que c’est vaguement un spin-off de son feuilleton « Homicide », mais faudrait chercher dans le sommaire de DHP), et que tout l’enjeu du truc, c’est justement que ce type est légèrement difforme (trop grand, trop costaud, trop voûté, avec une mâchoire trop proéminente), mais pas complètement. Donc, en fait, c’est surtout une affaire de représentation de soi, pour tout dire de complexe. C’est un personnage qui cherche à avoir une vie normale, mais qui n’y arrive jamais, parce qu’il ne s’y autorise pas*.
(Il y a un épisode magnifique dans Dark Horse Presents : le personnage trouve un chien errant. Il met des affiches partout dans son quartier, mais personne ne réclame le chien, si bien qu’il commence à s’habituer à ce compagnon à quatre pattes qui, sans le vouloir, est en train de bousculer son train-train et de percer sa carapace. Et puis, bien entendu, à la fin, le propriétaire se manifeste, et le chien est retrouvé. Et le héros est renvoyé à sa solitude, si rassurante mais si pesante.)
Arcudi est un scénariste formidable, complètement mésestimé, sans doute parce qu’il a fait une grande partie de sa carrière chez les indés (donc moins de visibilité) ou en tandem (son partenariat avec Mignola lui offre l’occasion de prestations formidables, mais il est un peu dans l’ombre du boss, quoi…). Je conseille tout simplement aux gens de relire sa prestation sur Gen13, pour voir.
Et c’est un scénariste d’une grande sensibilité, qui utilise avec une belle finesse les silences et les one-liners. D’une certaine manière, pour bien faire comprendre, je le comparerais à Tomasi, avec qui il partage un certain sens de la peinture des sentiments, notamment les plus douloureux.
C’est dans ce sens que, selon moi, The Creep doit être lu. C’est un portrait sensible, en creux, d’un enquêteur entièrement tourné vers les autres, mais en même temps fermé, refermé sur lui-même. Un portrait passionnant.
Moi, j’ai lu la mini-série (en VO, donc je ne permettrais pas de commenter la traduction et la présentation de cette VF, que je n’ai pas vue) parce que je connaissais le travail d’Arcudi sur le personnage depuis des années. Le premier chapitre, par exemple, marque des retrouvailles entre son héros et une femme, et il y une peinture incroyable du regard. On comprend qu’il a changé depuis la dernière fois qu’elle l’a vu, et elle éprouve une sorte de recul au premier regard, un recul bien vite oublié. Et l’on comprend que le regard qui pose problème, c’est aussi (peut-être même surtout) celui du héros sur lui-même.
C’est d’une finesse et d’une élégance bienvenues.

Jim

  • Précisons tout de même que le personnage est inspiré de l’acteur Rondo Hatton, souffrant d’acromégalie (vous savez, c’est la maladie d’Elephant Man). Mort à 51 ans en 1946, Hatton était spécialisé dans les rôles de monstres et de brutes. Il inspire également un personnage dans le Rocketeer de Dave Stevens. La maladie a été la cause de complication qui ont écourté sa vie, mais les déformations osseuses qui lui ont donné ce visage si particulier sont aussi la cause de son divorce. D’une certaine manière, The Creep, c’est aussi un peu Arcudi qui rend hommage à l’acteur (qui a joué dans un film intitulé The Creeper, en 1944). Nul doute qu’il se sert de la vie de l’acteur pour nourrir son allégorie sur le mal-être et l’exclusion sociale.

Ha !! Le visage de Rondo Hatton, ça y est je le remets. Je me disais bien que ce visage me rappelait quelque chose. Merci pour l’éclairage !
Par contre, petite pointe de drosophilophilie de ma part, ce n’est pas de la même affliction que souffrait John Merrick / Elephant Man, mais d’éléphantiasis, qui pouvait frapper le crâne comme n’importe quel autre organe (les jambes par exemple). Un autre acromégale célèbre, ce serait Richard Kiel, alias Requin dans les James Bond.

D’Arcudi, j’avais lu et bien aimé « A God Somewhere », qui se révélait une bonne variation sur le thème du « surhomme du monde réel » cher au jeune Alan Moore, sans être transcendante pour autant. C’était bien écrit et assez touchant dans le genre, dans mon souvenir, ce qui est plutôt raccord avec les qualités que tu évoques ici…

Voilà en tout cas un avis qui fait pencher la balance de l’autre côté, et pas qu’un peu. Dilemme, ton nom est « The Creep ». :wink:

Je ne vois qu’une seule solution

[quote=« Photonik »]
Par contre, petite pointe de drosophilophilie de ma part, ce n’est pas de la même affliction que souffrait John Merrick / Elephant Man, mais d’éléphantiasis, qui pouvait frapper le crâne comme n’importe quel autre organe (les jambes par exemple). Un autre acromégale célèbre, ce serait Richard Kiel, alias Requin dans les James Bond.[/quote]

Ah tiens, j’avais toujours cru que c’était la même maladie, mais sous deux noms différents. L’acromégalie ayant des effets secondaires sur le système vasculaire, le diabète et plein d’autres trucs, pas seulement les os, j’avais conclu un peu trop vite. Mais après vérif, tu as raison.
Zut.

Mais bon, ouais, c’est plutôt une bonne BD, par un bon scénariste, alors faut pas hésiter, selon moi.

Jim

[quote=« Photonik »]D’Arcudi, j’avais lu et bien aimé « A God Somewhere », qui se révélait une bonne variation sur le thème du « surhomme du monde réel » cher au jeune Alan Moore, sans être transcendante pour autant. C’était bien écrit et assez touchant dans le genre, dans mon souvenir, ce qui est plutôt raccord avec les qualités que tu évoques ici…

Voilà en tout cas un avis qui fait pencher la balance de l’autre côté, et pas qu’un peu. Dilemme, ton nom est « The Creep ». :wink:[/quote]

J’avais beaucoup aimé A God Somewhere, spécialement dans sa bonne présentation du « meilleur ami de », avec une vie ravagée par ce changement brutal. Arcudi avait la bonne idée de se concentrer sur les proches du surhumain, aux vies également anéanties par sa transformation et le début de son pétage de plomb.
C’était une bonne idée, et l’exécution était tout en finesse (notamment l’évocation des conséquences du crime qu’il commet contre la femme de son frère).

De même, le fait de s’occuper si peu de l’origine des pouvoirs, de la raison du pétage de plomb, c’était très bien. Ca créait une véritable distance entres les humains/nous et le surhumain/dieu si différent, aux réactions devenues incompréhensibles.

J’ai eu une profonde mélancolie en lisant A God Somewhere, mais ce fut une excellente lecture.

Ouais, c’est tout à fait le feeling que j’en retiens. C’était pas mal du tout en fin de compte.

À toi l’hésitation Photo, et à vous autres amateurs ( ou non) de Comics en musique, voici un avis éclairé sur ce The Creep qui ma foi se défend pas trop mal:

:arrow_right: bobd.over-blog.com/2014/12/dans-un-monde-imparfait-the-creep-vs-a-perfect-world.html

[quote=« Lord-of-babylon »]Toutefois en dehors de ça j’ai trouvé qu’Arcudi et Case ont échoué dans leur envie de créer un personnage inspirant peur et pitié.

On y croit jamais. Je ne sais pas… c’est peut-être le dessin ou la manière de raconter mais quoiqu’il en soit je n’ai jamais trouvé Oxel moche ou horrible. Malgré la présence de scènes où son corps le trahi ou de passage comme les gosses qui se moquent de lui je n’ai jamais cru à sa condition. Le personnage est trop bien fait pour croire aux problèmes liés à sa maladie.

Au mieux j’ai l’impression de voir un mec un peu rustre, un peu gauche mais guère plus.[/quote]

C’est pas faux. Je me suis fait la même remarque, sauf que je voulais bien y croire, moi ! Donc, je rejoins Jim tout de même !
J’avais acheté ça à l’époque sans savoir de quoi ça parlait, mais j’ai fait confiance à Arcudi. Et j’ai lu ça hier soir et il m’a bien surpris, parce que s’il fait quand même dans le sordide/glauque, cette fois-ci, c’est terriblement réaliste (ou ancré dans la réalité, si vous voulez !). Et c’est vraiment pas gai (dès les deux premières phrases de la 4ème de couv’), et ce, jusqu’au bout ! Après, la construction de l’intrigue est classique, avec une enquête et des fausses-pistes, qui amène a un truc encore plus triste que ce qu’on pouvait envisager !

En fait, c’est un faux-polar et c’est surtout un vrai-drame !