THE DAY OF THE TRIFFIDS (BBC)

J’ouvre une discussion sur ce classique de la SF télévisuelle anglaise, parce que, l’occasion faisant le larron, j’ai vu que le mercredi 9 mai prochain, France 4, qui aime bien acheter du matos anglais, va diffuser la plus récente des versions (en deux parties d’environ une heure et demi chacune), avec Dougray Scott, Eddie Izzard et Brian Cox. Moi, j’aime bien Izzard et Cox, et j’aime bien l’histoire (dans ses différentes versions), donc je suis curieux de voir celle-ci.

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Des milliards de choses à dire concernant cette histoire :
Tout d’abord, il s’agit d’un roman de SF, lorgnant vers le post-apocalyptique avec une structure de récit empruntant à l’invasion extraterrestre (ou extra-humaine), écrit par John Wyndham en 1951. L’histoire est assez simple : des plantes génétiquement modifiées (pour reprendre une appellation d’aujourd’hui) commencent à se répandre en Angleterre, aveuglant les humains des sucs qu’elles produisent. Le récit comporte des scènes de rues de Londres désertées, ou uniquement fréquentées par des gens aveugles et désemparées.

Si le roman de Wyndham s’inscrit dans la tradition des textes de H. G. Wells, qui confrontent souvent la civilisation occidentale et plus précisément anglaise à des attaques qui font s’écrouler les conventions et le pacte social de cet empire colonial (c’est frappant dans La Guerre des Mondes, mais aussi dans des textes plus satiriques comme Miss Waters), on peut voir dans le Jour des Triffides, qui a sans doute bien marqué les esprits britanniques, une influence évidente qui ressort dans des choses comme Torchwood ou 28 Jours plus tard (voire quelques trucs dans Doctor Who, ou même dans MI-5 / Spooks, dont on se souviendra de l’épisode de fausse alerte nationale qui fonctionne sur des inquiétudes voisines).

La parenté avec 28 Jours plus tard est évidente, puisque le récit commence quand le héros, le narrateur, se réveille à l’hôpital après avoir été soigné de la cécité que les fluides des Triffides ont provoquée. Alors qu’il recouvre la vue lentement (plus ou moins, selon les versions), il découvre un hôpital quasiment vide et une ville en partie désertée, une imagerie que Danny Boyle convoquera dans son film. On retrouve aussi chez Boyle la structure de voyage qu’il y a dans certaines versions (la télé-série de 1981, notamment) et l’alternance ville-campagne. Il n’est peut-être pas idiot de penser que Robert Kirkman a vu une version des Triffides, dont il aurait peut-être ressorti quelques éléments dans les premières séquences de son Walking Dead.

Le roman de Wyndham a connu plusieurs adaptations : feuilletons radio en 1957 et 1968, film (en 1962), séries télé (en 1981 et 2009). J’ai vu le film il y a quelques temps, qui a sérieusement vieilli, mais qui a de chouettes scènes encore, que ce soit des plans sur des racines qui bougent ou sur des ombres menaçantes aux murs, ou un réel sentiment de claustrophobie avec une bonne utilisation des décors (une partie de l’action se déroule dans un phare, et c’est bien prenant). La série télé de 1981 est pas mal, beaucoup plus angoissante, avec un sentiment de lassitude, de fuite et de désenchantement, presque de renoncement à certains moments. D’ailleurs, elle témoigne d’une atmosphère propre à la peur du nucléaire, qui a valu à la télé quelques grands moments de pur paranoïa pessimisme (La Troisième Guerre mondiale de David Greene et Boris Sagal, Le Jour d’après de Nicholas Meyer ou Threads de Mick Jackson…). Cette série de 1981 laisse le souvenir non plus d’un récit de résistance mais d’un récit de survie, et pousse les curseurs plus haut.

Je signale aussi une adaptation en bande dessinée, chez Marvel, dans Unknown Worlds of Science Fiction, une revue noir & blanc grand format des années 1970. Au dessin, Ross Andru, que j’aime particulièrement (encré par Ernie Chan, ça donne beaucoup de matière, c’est très chouette). L’adaptation est écrite par Gerry Conway, mais c’est Rico Rival (dont j’apprécie également beaucoup le trait) qui se charge de la deuxième partie de cette version BD, toujours sur scénario de Conway.

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Le très excellent site Diversions of the Groovy Kind propose les deux parties à la lecture :
comics, première partieDay of the Triffids
comics, seconde partieDay of the Triffids

Enjoy !

Enfin, dernier détail : si le titre anglais est classiquement The Day of the Triffids pour toutes les versions me semble-t-il, les titres VF ne semblent pas toujours s’accorder : Le Jour des Triffides ou La Révolte des Triffides, voici les deux versions en général utilisées dans nos contrées, d’après les infos que j’ai pu rassembler. La série récente, qui passe donc le 9 mai prochain sur France 4, utilise le terme « révolte ».

En tout cas, je vais me faire un plaisir de découvrir cette version, dont j’ai entendu pas mal de bien jusque-là.

Jim

Merci pour l’info ! :slight_smile:
[size=85]En plus ça vient de BBC, gros gage de qualité ![/size]

Tout à fait.
Même si j’aurais tendance à dire « c’est anglais, gros gage de qualité », pour ma part.
Donc ouais, je serai devant mon écran.

Jim

Margaret Tchatcher aussi c’était anglais… :mrgreen:

Ouais, mais pas à la télé.

Jim

Elle n’y passait jamais ??? :mrgreen:

Bon, je vous laisse, les Triffides passent à l’attaque ce soir…

N’oubliez pas.

Jim

Je m’étais mis une petite alarme, on va voir ce que ça donne. Si j’ai bien compris France 4 diffusé maintenant en version multilingue.

Par contre ça commence quand ça veut le film, parce que les sketchs à deux balles ça va quoi…

Bon, pas de VM. Sans moi ce soir donc ce sera lecture.

Merde, j’avais oublié que c’était ce soir… :frowning:

Bon, bah, ça vient de se finir, j’ai essayé de prendre en cours, mais je n’ai regardé que par petits bouts, je ne pense pas que ça m’aurait plut même si j’avais vu cela du début jusqu’à la fin.
Je m’attendais à plus de qualités, pas de regrets donc ([size=85]enfin du peu que j’en ai vu, ça ne m’a pas donné envie[/size]).

C’est ce que j’ai compris, mais est-ce sur tous les produits ???

Jim

C’était pas mal, sans plus.

Donc, un téléfilm en deux parties d’une heure et demi chacune. La première partie est pas mal, elle pose les enjeux clairement, avec une modernisation astucieuse (les Triffides sont élevées en batteries et fournissent une huile qui sert de carburant et qui a évité la crise énergétique en préservant la couche d’ozone, tout ça tout ça : ça permet de rendre plus flou et moins manichéen la critique de la science, c’est pas mal…). Là-dessus, un éco-terroriste, un phénomène solaire inopinée, une panique mondiale, et voici les Triffides libérées alors que le pouvoir officiel tombe et qu’après une courte période de totale anarchie, un pouvoir au départ altruiste s’installe, qui vire lentement mais sûrement à la dictature.
Cette partie est plutôt de qualité, quoique trop rapide, et introduisant trop de personnages dont certains, sur qui est posée la lumière, sont quand même rapidement évacués. Dommage. Mais la critique de l’anarchie qui crée la dictature, et de la nature politique qui a horreur du vide et préfère mettre des tyrans en place que de laisser les chaises vides, est assez efficace. Les personnages sont pas mal, même si certains mériteraient plus d’exposition (le lieutenant Cocker, par exemple).
Deux choses vraiment sympas dans cette première partie : une scène de panique de rue avec une foule d’aveugles qui essaient de se saisir des deux voyants isolés, où la gestuelle des aveugles et leur mouvement en masse rappelle explicitement les chorégraphies de zombie dans une efficacité redoutable ; et l’utilisation de la radio comme moyen de rassemblement et de fédération (« radio Grande-Bretagne », qui rappellera « ici Londres », bien entendu…), mais aussi comme outil de propagande puis comme outil de manipulation, ce qui est franchement bien vu et démontre que cette première partie joue sur les symboles en les retournant comme des gants. Assez bien vu en général.
Tout ça, c’est pas mal, et la première partie finit sur un joli suspense, classique, mais efficace.

La seconde partie retrouve nos héros qui se sortent du piège assez habilement, mais sont perdus et finalement recueillis par un monastère qui résiste encore et toujours à l’envahisseur triffide. On passe donc de la critique de la sphère politique à la critique de la sphère religieuse, et c’est pas mieux. La mise en scène convoque des images de paganisme, c’est plutôt bien vu, même si, là encore, c’est un peu rapide. L’enchaînement des séquences est également moins efficace que dans la première partie (même si l’évasion de Jo est plutôt bien ficelée…).
La fin, en revanche, tout aussi expédiée que plein d’autres éléments, tourne au survival un peu mollasson et rempli de ficelles grosses comme des cordes de marine, avec des astuces genre deus ex machina qui sont à la fois capillotractées et téléphonées pour les spectateurs attentifs qui ont bien regardé la première partie. Une fois que tous les personnages sont réunis, c’est nettement moins intéressants, et les scénaristes ne semblent pas se décider sur la manière de les sauver tout en résolvant l’affaire.
D’ailleurs, au final, ça ne semble pas être réellement résolu, mais on finit sur la voix off qui, comme dans le deuxième Mad Max, laisse entendre que le futur est un peu moins noir. Ou moins vert.

Bref, ça commence assez fort, et assez roublard, pour se déballonner en cours de route. C’est loin d’être médiocre ni honteux, et moi, j’aime bien cette histoire de base, donc je suis ravi de l’avoir vue, mais c’est pas non plus prenant ou intelligent de bout en bout. De bonnes fulgurances, des acteurs sympas, des astuces de mise en scène, mais le mot qui reste, en fait, c’est « presque ». C’est « presque » réussi. C’est « presque » passionnant. Mais ça ne l’est pas.
Après, c’est porté par des acteurs très sympathiques. Dougray Scott burine et vieillit dans la veine d’un Treat Williams, et il porte bien le poids du récit. Eddie Izzard est sensationnel, et Brian Cox, que j’identifie souvent à des fieffées crapules, campe un vieux bougon sympathique et travailleur et le fait très bien, avec un jeu presque en retenue. Assez discret, mais bien. Vanessa Redgrave et Jason Priestley font des apparitions tout à fait honorables.
En fait, ce double téléfilm semble souffrir d’un problème de longueur et de rythme. Pour un truc d’action télé, c’est peut-être une heure trop long. Mais paradoxalement, il donne l’impression que plein de choses auraient mérité des développements. L’ensemble souffre d’une volonté de vouloir trop en mettre, si bien que plein de détails ou de personnages semblent seulement survolés.
Ça se regarde très bien pour une soirée de divertissement, mais ça va pas rester dans les annales de la télé, je crois…

Ça m’a surtout donné envie de relire le roman de base, moi…

Jim

Je me souviens, en regardant cette nouvelle mouture lorsqu’elle avait été originellement diffusée, avoir cru qu’il s’agissait d’un pilote pour une nouvelle série, d’où le remontage, les problèmes de rythme et la curieuse gestion des personnages.
Je crois que c’était sorti alors que Survivors, autre remake des années 70 d’une Angleterre post-apocalyptique, était encore diffusé.