THE DISASTER ARTIST (James Franco)

L’histoire vraie du tournage difficile de The Room, drame romantique indépendant écrit, produit, joué et réalisé par Tommy Wiseau (qui n’avait alors aucune expérience cinématographique) en 2003. En raison de ses involontaires moments comiques, son intrigue décousue et son interprétation catastrophique, The Room est devenu avec les années un nanar culte et a même été désigné comme « Le Citizen Kane des mauvais films ».

DATE DE SORTIE FRANCAISE

7 mars 2018

REALISATEUR

James Franco

SCENARISTES

Scott Neudstater et Michael H. Weber, d’après le livre de Greg Sesteros et Tom Bissell, The Disaster Artist

DISTRIBUTION

James Franco, Dave Franco, Alison Brie, Zoey Deutsch, Zac Efron, Bryan Cranston, Seth Rogen, Josh Hutcherson, Sharon Stone, Christopher Mintz-Plasse, Zach Braff, Judd Apatow…

INFOS

Long métrage américain
Genre : comédie dramatique
Année de production : 2017

En attendant la bande-annonce du film de James Franco, voici celle de The Room de Tommy Wiseau :

youtube.com/watch?v=EE6RQ8rC8hc

Dave Franco est Greg Sestero et James Franco est Tommy Wiseau :

Le premier teaser :

La bande-annonce :

La nouvelle bande-annonce :

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J’avais été très intrigué, il y a un bon paquet d’années de ça maintenant (une dizaine ?), par la lecture d’un article consacré à l’inénarrable « The Room » de Tommy Wiseau, mais pas au point de tenter l’expérience d’un visionnage ; comme beaucoup de cinéphiles/cinéphages, j’ai connu une période où j’ai enquillé les soirées « nanars » avec des potes, hilares… Mais comme dirait les Inconnus, y’a le bon nanar et le mauvais nanar. Et les premiers sont beaucoup plus rares que les seconds, en l’occurrence. Un bon nanar, c’est celui devant lequel on ne s’emmerde pas.
Il est plus courant, devant un très mauvais film comme « The Room », de se faire chier comme un rat mort (et du coup je n’ai pas cherché à le voir). Ce qui n’arrive pas devant « The Disaster Artist », qui à défaut d’être un chef-d’oeuvre est une excellente comédie, ce qui est déjà beaucoup.

Du coup, je suis très loin de partager l’avis des critiques les plus sévères envers le film (« Les Cahiers du cinéma » ont proprement assassiné Franco et son film) ; néanmoins, elles soulèvent un point intéressant sur lequel je reviendrai plus loin : et si à travers l’épopée de la conception de « The Room », James Franco parlait de lui ??
Il y avait un risque qui planait sur le projet (même si les propos de James Franco rapportés par le Doc plus haut semblent attester que ça n’a jamais été son intention) : celui de se foutre à peu de frais, et méchamment, de l’incompétent Tommy Wiseau. Certes, celui-ci est un réalisateur nullissime et un acteur raté (ne parlons pas de ses talents de scénariste), mais ça c’est acté dès le début ou presque. S’acharner sur lui sans pitié aurait été tirer sur l’ambulance ; Franco évite cet écueil, semblant sincèrement en empathie avec son sujet…
Le film n’évite pas certaines piques cruelles bien sûr, mais le fait d’avoir opté pour une structure et des effets « 100 % comédies à l’américaine » sauve le tout : le registre comique permet ce type de grand écart, entre tendresse et cruauté. Le film se dépatouille plutôt bien de cette alternance de tonalités.
Et vers la fin du film, au moment où Franco cesse d’en faire des caisses et se met à jouer plus subtilement le désarroi et le doute de son personnage, l’hypothèse suivante s’infiltre dans l’esprit du spectateur : et si c’était ses propres doutes d’artiste que Franco mettait ici en scène, lui dont la carrière prend un tour particulièrement étrange ? Il travaille clairement trop pour avoir du recul, et certains de ses projets comme le récent « Future World » (pour lequel j’éprouve une curiosité malsaine, je dois le reconnaître) fleure même le bis italien post-nuke de bas étage à plein nez…
Doute-t-il de la pertinence de toutes ses propositions ? C’est fort possible, et « The Disaster Artist » semble être la mise en forme de ses peurs et de ses doutes. De ce point de vue-là, le film est très intéressant, et très courageux à sa manière.
De manière plus générale, le récit traite aussi d’une confusion peut-être typiquement américaine : celle qui consiste à confondre célébrité et talent (c’est peut-être pas si exclusivement américain que ça, à la réflexion) ; à la fin du film, l’incompétence du perso éclate aux yeux de tous, mais comme il parvient à la célébrité quand même il s’en accommode finalement très bien.

Bémol : il y a une tendance actuelle dans ce type de comédies américaines qui m’insupporte, et qui consiste à mettre sur le générique de fin un bêtisier ; je trouve que ça casse l’immersion alors qu’on est pas encore « sorti du film », ça m’énerve. Ici Franco propose autre chose : sur le générique final donc, il met en parallèle des extraits du vrai « The Room » avec les scènes reconstituées par ses soins. Le parallèle est frappant, mais je n’aime pas le procédé : ça semble vouloir hurler à plein poumons « hey, vous avez vu comme on a bien potassé le sujet ? ».
C’est clairement de trop.

Mais pour le reste, voilà un film éminemment sympathique, pas con voire même touchant par moments, et très marrant en prime. Bref, très recommandable… mais pas au point de vouloir se taper « The Room » !!! :smile: