THE DIVIDED STATES OF HYSTERIA #1-5 (Howard Chaykin)

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« Si nous commençons à identifier certaines personnes comme étant nos ennemis, nous succombons à un mode de pensée frauduleux. »

Après Satellite Sam et Black Kiss, l’artiste Howard Chaykin revient chez Image Comics avec un projet attisé par sa peur d’une catastrophe majeure : The Divided States of Hysteria.

La série suit un jeune agent de la CIA plein de promesse qui merde dans les grandes largeurs lorsqu’il s’agit d’empêcher une attaque sur le territoire. Alors qu’une deuxième guerre civile éclate dans tout le pays suite à la disparition de la ville de New York, cinq entrepreneurs privés (dont quatre tueurs en série) sont envoyés sur place pour retrouver les fautifs et ainsi endiguer la vague de violence.

Le premier numéro sort l’hiver prochain.

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Le site de l’éditeur : imagecomics.com

Je note la présence de Ken Bruzenak au lettrage. Toujours un gage de qualité : Chaykin se frotte à de la politique-fiction (en général, il est très bon sur le sujet) et il a un équipier qui va pousser plus avant le langage BD. Prometteur.

Jim

image n’a pas fini de tailler des croupières aux big two.

perso le tout sf ou fantaisy n’est pas forcement ce qui me fait le plus saliver mais y a du lourd de chez lourd dans le genre ou non.

Il suffit d’une serie séminale à la sandman et image fera vaciller le genre super héroïque dans son modèle actuel. C’est un bon nombre des publications de l’editeur qui profiteraient du focus sucité pour passer au premier plan. Bon si une réussite publique et critique comme sandman était décidable ça se saurait, mais saga n’en était pas loin. C’est sans doute pas sur le modèle des duos artistiques qu’il faudrait parier quoique preacher est là pour me démentir voir 100 bullets pour ceux qui adhérent.

Si image met la main dessus, ça va vraiment changer les choses je crois.

Personnellement, je pensais que la série The Wicked & The Divine avait un peu de ça en son cœur… Et puis le scénariste Kieron Gillen a continué à faire ce qu’il fait depuis un bon moment, délayer la sauce à outrance.

C’est dommage, ça partait bien.

j’ai failli la citer pour les meme raisons et puis je ne l’ai pas fait pour les même raisons ^^.

En quoi ça te démentit ?
Les deux exemples que tu cites soutiennent ton propos, me semble-t-il.
Non ?

Jim

les gouts et les couleurs ^^

reste que ce sont deux séries de prés d’une centaine d’épisodes (pile poile pour 100 bullets si ma mémoire et bonne) réalisés par un duo créatif. Cela reste très rare.

Mais en effet, j’aurais tendance à dire qu’une série qui atteint l’ampleur de sandman nécessite plusieurs dessinateur afin de varier les ambiances, rendre plastique les concepts et toucher le plus de dimensions imaginaires possibles.

Ah je comprends mieux ce que tu veux dire. Merci d’avoir précisé.

Jim

Je m’aperçois que je n’avais pas commenté cette série, que j’ai lue sous la forme d’un TPB.

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La lecture d’un seul trait aide sans doute à faciliter l’approche du projet, même si Chaykin, somme toute, parvient à construire des chapitres dont les débuts et les fins sont bien pensés. En cela, je pense qu’une lecture en feuilleton fonctionne quand même.

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La série suit les mésaventures d’un agent de la CIA dont la dernière mission a très mal tourné : chargé de suivre, repérer et arrêter des terroristes, il ne peut empêcher la destruction de New York. L’intrigue le verra donc recruter une « task force » composée de repris de justice (ou de justesse…) afin de nettoyer le bazar, alors que lui-même agit en dehors de tout cadre.

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La série parle de drones, de société de la surveillance, de paraonïa, de racisme, d’assassinat, de psychose. C’est de la politique-fiction dans ce qu’elle a de plus intéressant, à savoir qu’elle prend les traits actuels de la société et les déforme afin d’imaginer ce qu’elle va devenir demain.

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Alors bien entendu, The Divided States of Hysteria est lancé en 2016, mais annoncé en début d’année. Donc on peut difficilement voir dans ce titre la réponse de Chaykin à l’élection de Trump, puisque la mise en chantier est arrivée avant cela. Cependant, la série est la réponse à un « air du temps » à l’époque animé par les primaires républicaines (de février à juin, le post de Jack datant d’avril). L’accroche que Jack reproduit dans sa présentation résume le propos de la série, à savoir que l’Amérique (mais on peut étendre l’analyse à l’ensemble de l’Occident, je crois…) se cherche des ennemis, comme autant de boucs émissaires, au lieu de regarder honnêtement ses propres problèmes. En tout cas, tel est le discours de Chaykin.

Lancée donc en 2016, la série décrit un lendemain. Lue en 2020, elle donne farouchement l’impression que nous y sommes, dans ce lendemain. J’ai lu l’ensemble il y a presque deux ans, et je l’ai reparcouru récemment, et ça donne un peu le frisson. Car sous des dehors de satire politique (il y a quelque chose d’American Flagg! ici, en moins « amusant »…), la série s’avère prophétique.

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Après, s’il est facile de voir dans la série une réaction face à Trump, je me permets d’y voir aussi, de la part de l’auteur, une réaction face à Frank Miller, un auteur qu’il a connu pour l’avoir côtoyé dans l’Upstart Studio au début des années 1980, et avec qui il partage un certain nombre d’obsession visuelles ou thématiques. Sauf que les deux auteurs semblent s’être éloignés politiquement au fil des ans (même si, pour un regard français, le positionnement politique d’auteurs américains n’est pas toujours facile à définir). Sur ses couvertures, qu’il veut très graphiques et très symboliques, Chaykin s’amuse à reprendre des images déjà utilisées par Miller, à l’exemple de l’aigle américain, notamment. Ou encore cette couverture du troisième épisode, qui s’appuie sur une composition très millerienne (un dos cambré de femme orné de tatouages comme autant de collisions de symboles, collisions qu’affectionne Miller).

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Plus retorse est l’utilisation de certains personnages. Dans la « task force » assemblée en début de récit se trouve un jeune travesti, prostitué, qui sera entre autres l’espion (ou l’espionne) dans les milieux influents. Le jeune androgyne joue de son charme sur le héros et, contre toute attente (car les héros chaykiniens sont souvent d’irréductibles queutards farouchement hétéros… mais pas que…), le héros finit par céder à ces appels. Alors certes, ce n’est pas la première fois que Chaykin joue sur l’ambiguïté sexuelle de certains personnages (c’est même au cœur de Black Kiss, c’est présent aussi dans Power & Glory…), mais cette fois-ci, le héros incarne à la fois le doute sur ses propres convictions et la griserie, un peu inquiète, de découvrir « des territoires inexplorés », comme il est dit dans les dialogues. Ce n’est pas non plus le seul contrepied que l’auteur prend dans son récit, notamment sur les codes de l’aventure virile qui régissent la bande dessinée américaine. Et si, comme je le pense, il utilise une imagerie millerienne, alors en termes de contenus il s’amuse aussi à retourner comme un gant certains clichés de son collègue.

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Avec The Divided States of Hysteria, Chaykin dresse le portrait d’une Amérique aussi inquiète qu’inquiétante, mais prouve surtout qu’il n’a rien perdu de son tempérament mordant. Certes, oui, sa narration, articulée autour de cases horizontales elles-mêmes rythmées par des petites vignettes incrustées, n’a rien de neuf, mais l’ensemble est dynamisé par un travail, pour le coup proprement hystérique, au niveau du lettrage, par l’excellent et passionnant Ken Bruzenak, qui restitue un constant bruit de fond (le bruissement sans fin de l’information encombrante) qui, là aussi, retrouve l’inventivité d’American Flagg!

Jim

Hier soir, je me suis arrêté sur la back-cover de l’édition TPB.

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J’ai été frappé par le tee-shirt « Black Lives Matter » arboré par un personnage. Sachant que la première édition du TPB date de janvier 2018, ça m’a étonné. Et en me renseignant, je m’aperçois que le mouvement remonte déjà à 2013. Je ne m’étais pas rendu compte que ça remontait à autant d’années.

Jim

Oui, je suis tombé, il y a une dizaine de jours sur un truc avec ce slogan (je ne sais plus où, mais c’était un truc de 2015 ou 2016), et j’ai fait les mêmes recherches que toi…
C’est vrai que chez nous, on n’en a pas beaucoup entendu parler à l’époque (ou, en tout cas, pas autant que dernièrement… Ça a peut-être fait du bruit par endroits en France).

Tori.