Très sympathique film, qui mixe la reconstitution édifiante et le suspense des films catastrophes.
C’est produit par Disney, donc c’est pétri de bons sentiments et c’est monté sans surenchère en termes de montage. Sur les scènes calmes (sur la côte), c’est quasiment filmé à l’ancienne, avec un côté très académique mais redoutablement efficace. C’est peut-être un peu lent parfois, mais ça permet de brosser une large galerie de personnages sans en abandonner en cours de route.
Les scènes d’action sur le bateau en perdition profitent d’une narration plus énervée, mais là encore, sans esbroufe. La caméra tourne dans les décors et met en valeur le contraste entre l’étroitesse des escaliers et des passerelles et la largeur des différents compartiments, ce qui induit un constant rapport d’échelles entre les personnages et les décors dans lesquels ils évoluent. Ça rappellera aux connaisseurs certains plans de L’Aventure du Poseidon, celui de Ronald Neame en 1972.
Il y a même quelques images saisissantes, comme ce moment de répit, dans les coursives du bateau, où Casey Affleck, épaules voûtées, fait les cent pas, lumières éteintes, les pieds dans l’eau. Une image assez rare dans ce type de récit catastrophe.
Les bons sentiments du film sont transcendés par plusieurs choses. Déjà, l’interprétation. Chris Pine tire très bien son épingle du jeu, en jouant un personnage à l’antithèse du héros blasé qu’il a façonné dans Star Trek et d’autres trucs. Et là, on prend la pleine mesure de son talent, il est épatant. Casey Affleck, Ben Foster ou Eric Bana, on sait déjà qu’ils sont très bons, et comme ils sont tous un peu en décalage par rapport à leur registre habituel, c’est intéressant.
L’autre truc qui est très bien vu, c’est l’écriture des personnages. Tout le récit, suivant deux actions séparées destinées à se croiser, s’articule autour de deux personnages, d’un côté un timide et de l’autre un taiseux, deux personnages solitaires éclipsés par leur hiérarchie et les conventions sociales de leur époque. Mais deux têtes de bois obstinées qui continuent à faire ce qu’ils pensent être la solution.
On est donc, bien entendu, récit américain oblige, dans la logique de l’homme providentiel, si convoité dans la fiction outre-Atlantique. Mais plutôt que d’imposer des figures de chefs, le scénario choisit de montrer des personnages qui prennent des décisions et montrent l’exemple, partant en premier. C’est leurs initiatives et non leurs discours qui vont avancer l’action. À ce titre, le seul discours « moralisateur », le seul passage obligé de ce genre de fiction intervient à la fin, quand tout est joué, grosso modo, donc quand il devient plus ou moins inutile de galvaniser les foules. C’est plutôt bien vu. De même, l’astuce finale (entrevue dans une des bandes-annonces), qui marque l’unité de la communauté autour d’un drame, est là encore une affaire d’exemple à suivre, pas de discours et de leçon.
Tout cela est donc plutôt bien ficelé, ça fait passer la pilule, le film évitant copieusement de tomber dans une mièvrerie qu’une écriture moins soignée n’aurait fait qu’enfler.
Bref, petit film sympa, porté par des acteurs excellents et une écriture finaude, qui semble arriver à un moment de l’année où tout le monde parle d’autres productions (françaises ou étrangères). Si ça vous chante, n’hésitez pas : le film semble passer inaperçu, donc ne tardez pas trop, mais en tout cas, vous risquez d’avoir des salles un peu vides (on était deux dans la salle quand je l’ai vu) et ça me semble immérité. Selon moi, un film qui mérite le coup d’œil.
Jim