Je crois qu’il y a un excellent livre sur Stan Lee qui parle de tout ça.
Hahahahahaha
Oui, c’est une méthode qui ne convient pas à tous les dessinateurs.
Cela dit, quand tu dis : « Lee se contentait de dialoguer », le verbe « se contenter » n’est pas forcément bien choisi, car ce n’est pas une tâche annexe et les histoires n’ont pas la même saveur, pas le même style quand on en change les dialogues (et Lee était un très bon dialoguiste).
Tori.
Comme lorsqu’il apporte sa touche de dérision et d’humour entre deux scènes plus sérieuses, par exemple quand Tana Tile débarque sur Terre et se met à discuter avec un flic (dans ce cas-là le mix du « bigger-than-life » de Kirby avec l’aspect plus « terre-à-terre » donne lieu à un contraste savoureux).
Je suis d’accord, mais dans l’esprit de certains dessinateurs, c’était secondaire.
(Bon, dans l’esprit du grand public, je le sais d’expérience, le scénariste, c’est « celui qui écrit les mots dans les bulles ». Donc hein, chacun sa vision…)
Jim
Tu as entendu ça sur un salon ?
Ah, vu comme ça, je comprends mieux ce que tu veux dire.
Tori.
Sans que ce soit secondaire, difficile de ne pas voir un abus dans le fait qu il soit non seulement crédité du scénario mais en plus le seul à l être.
Il est parfois crédité au « plot » plutôt qu’au scénario (en gros, à l’intrigue, à l’idée principale)…
Tori.
Ah non, on me l’a dit à moi.
Des gens que je connais dans « la vraie vie », pas des fans de BD, plutôt des voisins, des parents ou grands-parents de copains, ce genre de choses. Sans doute comme la nana du café où je suis allé une ou deux semaines après être passé sur TF1 pour causer de mon bouquin sur Frank Miller, et qui m’a demandé ce que je faisais dans la vie. Des gens normaux, pas des lecteurs, si je peux me permettre cette tournure. Mais tu vois l’idée.
J’en avais parlé à ma mère, à la hauteur d’Omnopolis, donc il y a une quinzaine d’années. Et elle me disait que, franchement, c’était pas possible, les gens sont vraiment stupides, tout ça. Ça lui semblait tellement gros que, à la limite, elle pensait que j’exagérais. Et puis un jour, on s’est retrouvé chez des amis qui m’avaient vu gamin, ne m’avaient pas vu depuis des années, et qui prenaient des nouvelles, et tout et tout. Et donc je leur dis que j’écris des BD. Et j’ai encore eu droit à « c’est donc toi qui écris les mots dans les bulles ». Et là, ma mère a explosé de rire.
Il a donc fallu que je réexplique.
Il y a une méconnaissance des métiers de la BD qui est frappante. Je ne sais pas, je me trompe peut-être, mais je n’ai pas l’impression que cette méconnaissance soit aussi grande si on dit « je suis scénariste de cinéma / de film ».
C’est super compliqué, je crois. Surtout dans son cas. On sait qu’il a écrit des scénarios. Le simple fait que la série Rawhide Kid contiennent des histoires qui se répètent (pas simplement dans la trame, mais aussi dans le découpage et dans les dialogues) témoigne du fait qu’il y a un scénario à la base, surtout si l’histoire a été confiée à plusieurs dessinateurs différents. C’est bête, mais le fait que Stan Lee recycle, pour ne pas dire photocopie, ses histoires, ça prouve que les histoires sont là.
Ensuite, on sait tous de quelle manière un dialogue peut orienter une histoire, et donc dialoguer, c’est écrire, c’est scénariser.
Enfin, dans le cas de Stan Lee, les différents témoignages des dessinateurs montrent surtout qu’il se reposait sur les locomotives de l’écurie (Kirby, Ditko, Wood) et qu’il fournissait davantage aux autres, qui étaient plus demandeurs.
Ce qui est tout à son honneur.
Ce qui ne l’est pas, et tu le soulignes, c’est de ne pas avoir partagé les crédits. Au fil des numéros, on voit qu’il rédige des crédits moins précis, genre « une épopée signée Stan Lee et Jack Kirby, dialogues de Stan Lee… », ce genre de choses. C’était un moyen de tricher, de calmer le jeu à court terme. Mais il n’a jamais « partagé » le crédit du scénario. Je soupçonne qu’il ne voulait pas attirer l’attention de Goodman, dans un premier temps. Et dans un deuxième temps, il a compris que les gens qui achetaient Marvel l’achetaient lui aussi, avec les meubles. Donc il n’a jamais démenti ni rectifié le tir.
Après, moi, personnellement, je renvoie aux Daredevil qu’il a faits avec Romita puis Colan, qui sont clairement du soap, mais très proches de ce qu’il cherchait à faire. Voire aux Amazing Spider-Man avec Romita. Il est là, le Stan Lee scénariste, je pense. Je renvoie aussi à ses Silver Surfer avec Buscema. Ça me semble des réponses aux gens qui disent qu’il n’a jamais rien écrit.
Je pense enfin qu’on n’aura jamais le fin mot. Et qu’on est parti pour des décennies d’exégèse.
Jim
T’es sûr que Tori n’avait pas tenté un jeu de mot ?
Tu sais bien que je n’ai pas d’humour.
Jim
Oui, j’ai bien remarqué ça dans tes bulles !
Chic, un lecteur.
Jim
Oui, ça, j’avais compris… Mais je pensais que c’était à l’occasion de ta présence sur un salon… Mais en lisant ton anecdote, j’ai l’impression que tu en avais déjà parlé.
Je pense que, pour beaucoup de gens, les différences entre le scénariste, le réalisateur, le monteur et même le producteur sont floues…
Voilà. La vérité est, à mon avis, à mi-chemin entre celle de ses partisans et celle de ses détracteurs.
Tori.
Certains oublient que c’est un métier de mettre des mots dans des bulles (au-delà du lettreur, j’entends bien)
Non.
Et c’est assez logique, somme toute : les salons sont fréquentés par des gens qui ont une connaissance, même superficielle, du métier des gens qu’ils viennent rencontrer.
Dis carrément que je radote.
Mais ouais, j’ai déjà dû en parler, tellement ça m’a surpris.
Jim
Aussi grande je ne crois pas. Même dans le lectorat BD c’est assez dingue le nombre de gens qui sont surpris qu’un scénariste dessine ou que ses scénar puisse avoir des indication de mise en page.
Pour le cinéma t’a du floue et de la méconnaissance aussi. Combien t’entends ou lis que le scénario est mal foutue alors que personne ne l’a lu mais juge sur le film en lui-même
Pour ma part, j’ai été surpris quand j’ai découvert, grâce à des copains dans le milieu, qu’un scénario de film ne contient pas d’indications de cadrage (ou alors, très bien cachées). Ce qui, d’une certaine manière, me rend ce genre de scénarios assez peu lisible, dans le sens où c’est trop sec pour moi, pas assez évocateur.
Sans doute parce que les gens n’ont pas conscience du fait qu’il y a énormément d’étapes entre le scénario et l’image finale… et d’intervenants.
Jim
Oui c’est exactement cela. Après c’est assez normal de ne pas savoir cela quand tu n’es pas passionné ou plus intéressé que cela. Je serais incapable de connaître toutes les étapes dans un conception d’une automobile par exemple.
(ou même dans ce qui nous intéresse, il m’a fallu longtemps avant de mieux percevoir l’importance de l’encreur)
De notre coté (ciné donc) on essaye de faire découvrir l’envers du décor aux enfants, collégien et lycéen. Faire découvrir les salles de projos quand ils viennent voir un film dans le cadre scolaire mais aussi leur montrer le montage etc. Ca les passionne généralement.
Il y a des années, à l’occasion d’un petit festival consacré aux films de super-héros (ou d’adaptations de BD, sais plus), je suis allé pour la première fois en salle de projo. Et c’était super. J’ai même assisté en direct à un incident, à savoir une pellicule qui fond sous la chaleur de la lampe. J’ai adoré.
Jim