THE NEON DEMON (Nicolas Winding Refn)

Artie te dirait que l’objectivité ça n’existe pas, donc…
Et Nemo te dirait que tout est affaire de noeuds borroméens. :mrgreen:

Vendu ! :wink:
Laisse-moi une semaine.

Hmmm. I respectfully disagree (ou disons qu’on n’y voit pas tout à fait la même chose). Les « collègues » ont un peu trop abusé du bistouri. Si elles sont « belles », c’est d’une façon totalement froide, artificielle, qui pour le coup me semble assez différente de celle d’Elle Fanning - et par contrecoup du personnage qu’elle incarne. En tout cas c’est le propos tenu explicitement tout au long du film et je m’y retrouve : Fanning a effectivement ce « truc », cette capacité à voler la scène dès qu’elle paraît… et à sortir victorieuse des pires naufrages cinématographiques.

Ce qui me semble plus intéressant, c’est qu’au moment où un personnage formule une explication, dans le restaurant après le défilé (l’idée de l’innocence, de la beauté spontanée, etc.), cette explication ne colle plus du tout (le personnage a clairement commencé à se transformer, si ce n’est physiquement, du moins il n’a plus rien d’ « innocent »). Et c’est plutôt là que je vois l’enjeu (« retors », pour te citer) du film : le rapport entre Jesse et le monde artificiel de la mode redoublé dans le rapport entre Elle Fanning et l’esthétique maniériste de Refn. Rapport pervers dans les deux cas.

Dès la première scène très « peeping tom » assez troublante dans sa façon d’annoncer l’issue du voyage, un mélange de malaise et d’envoûtement se met en place et cela jusqu’à sa fin. Comme souvent les personnages du réalisateurs sont des outsiders férocement attachés à leur individualité, qui doivent rester sur leur garde, sous peine de devenir la brebis jetée en pâture aux loups, et Jesse ne fait pas exception.

L’esthétique joue sciemment sur l’aspect publicitaire, intégrant de fait cette vacuité, où plutôt cette superficialité du milieu de la mode, où les créatifs sont obnubilés par cela (« beauty isn’t everything. It’s the only thing »).
Sur ce plan-là effectivement le fond et raccord avec la forme.
L’expérience plastique est affaire de ressenti, ce qui explique pourquoi le film est si clivant. La scène du défilé avec Jesse qui tombe en pâmoison devant sa propre image me donne l’impression de scinder le film en deux, à partir de là son rite de passage est effectif, et elle se montre ainsi plus assurée, confiante voire hautaine. Cette quête insatiable de la beauté de la part des autres top models prend vite une tournure inquiétante, pour finir par prendre une tournure carnassière impitoyable (« tout ce qui vaut le coup fait mal », Gigi ne croyait pas si bien dire).

Après l’influence manifeste du film « Le Solitaire » de Mann (autre grand réalisateur maniériste) Refn convoque de nouveau tout un pan su cinéma des années 70/80, une impression accentuée par la BO de Cliff Martinez qui rappelle fugacement quelques sonorités façon Vangelis.
En raison d’un casting presque intégralement féminin, plongé dans une univers onirique et horrifique, l’ombre d’Argento n’est jamais loin forcément, et le réalisateur fait preuve une nouvelle fois de sa maîtrise de la mise en scène avec ses travellings, et ses plans hypnotiques dans cette façon d’être étirés au maximum dans leur durée.
Que ce soit la prépondérance de la forme, le caractère violent de ses oeuvres, ou encore cette atmosphère à la lisière du fantastique, Refn semble décidément taillé pour s’occuper d’un néo-giallo un jour ou l’autre.
Refn termine le film en y apposant sa signature, signe d’une prétention qui peut agacer, ses films ont au moins le mérite de ne laisser personne indifférent, provocant des réactions fortes de rejet ou d’adhésion.

C’est là que je trouve Refn tordu : à mon avis on nous le répète précisément à longueur de film mais rien ne se dégage en fait de visible. Le « truc » de Fanning, c’est presque un truc qu’on nous met de force dans la tête. C’est en effet à mettre en rapport avec le thème de l’innocence : à mon sens, le personnage de fanning n’a jamais été innocente. La « corruption » était là d’emblée.

Refn en tire des effets intéressants, parfois aux frontières du comique ; je m’en suis fait la réflexion au moment de la scène où la tête du directeur de casting se décompose à la simple vue de Fanning. C’est drôle, je trouve.

On peut le voir comme ça, mais on peut aussi le voir comme un commentaire de Refn sur sa propre place dans le cinéma, ou son rapport au cinéma mainstream (disons même : hollywoodien ; c’est pas pour rien qu’il tourne le film à L.A.).
La scène de l’oeil le laisse fortement entendre en tout cas.

Il ne faudrait pas qu’on fasse croire, ceci dit, que le film n’est QUE auto-réflexif parce que ce n’est pas le cas : il y a des tas d’autres choses dans ce film.
S’il est ultra-stylisé, on peut aussi le voir comme un documentaire ou une méditation sur la ville de Los Angeles, avec une représentation cryptée de sa face sombre période contre-culturelle (avec la référence constante à Kenneth Anger chez Refn). On peut aussi le voir comme un exercice de style « argentien », ou un film d’horreur « lo-fi ». On peut aussi le voir comme un conte de fées moderne et tordu…
Bref, le film est très riche, sous ses dehors un peu austères et secs, presque minimalistes.

L’influence de Mann est encore très présente, ce qui est logique vu que Mann a beaucoup filmé cette ville. C’est vraiment une des influences qui comptent le plus dans sa filmo, aux côtés d’Argento et De Palma, Jodorowsky ou Tobe Hooper. Et Kenneth Anger, donc.

Je remarque d’ailleurs que Mann, dont la réputation ne cesse d’enfler (à raison) à l’approche de la fin de sa carrière, ne fait pas l’objet, lui, de ces accusations de sus-stylisation et de « vacuité » dont Refn fait l’objet, alors que ça relève du même ressort.
Peut-être que l’attachement persistant de Mann aux récits à l’ancienne, dans les thématiques et le déroulé, permet de pallier cet écueil auprès des réfractaires au « style qui attire l’attention sur le style », comme dirait Scorcese.

La constance de Mann a dû jouer effectivement, notamment avec ses personnages récurrents de professionnels rigoureux qui ponctuent sa filmographie, à quelques exceptions près du genre « The Keep » qui marque sa seule incursion dans le genre fantastique.

Oui mais Mann, au moins pour *The Thief, Le Sixième Sens et The Keep *puisque ce sont ceux évoqués ici, ses films étaient ancrés dans leur époque, les 80’s et tout ce que ça implique de kitsch aujourd’hui niveau effets visuels et style musicaux abâtardis, rejetons du psychédélisme des 70’s et de la new wawe naissante.

Vrai, et en 2016 (enfin depuis 2011 dans notre cas et le pénible Drive) faire un film « hommage » bourré de clins d’oeil et de références aux films d’ une époque aussi révolue que trop datée (bien plus en tout cas, niveau style, musique et cinéma) que bien des oeuvres des décennies précédentes, est je trouve aussi vain que faute de goût.

Comme le* 6° Sens et The Keep* sont des films à mon sens aujourd’hui inregardables à cause de leurs B.O, les films de Refn se tirent une balle dans le pied d’entrée de jeu à ce niveau là.

Dans un autre domaine mais avec une démarche similaire d’un point de vue « influences non digérées » la filmographie de Tarantino m’hérisse presque autant le poil que celle de Refn, sauf qu’avec Tarantino y a un (tout petit) peu moins de prétention et de maniérisme clinquant.

Pas forcément quand on est friand de cette période cinématographique et que son esthétique ne nous rebute pas :wink: (enfin tant qu’il ne s’agit pas de Flashdance ou Top Gun :mrgreen: ). Mais je comprend tout à fait que la partie « hommage » puisse agacer (Stranger Things pousse le bouchon très loin dans ce domaine 80’s).

Ah ouais à ce point-là. :open_mouth:
Je ne suis pas de cet avis pour Manhunter, exception faite du morceau final « Heartbeat » avec lequel j’ai un peu de mal, trop proche d’un style à la Phil Collins à mon goût.
À l’inverse, j’adore l’utilisation qui est faite de la BO dans la scène du tigre et dans tout le reste du film.

Sinon as-tu le même avis sur la BO de Police Fédérale Los Angeles ?
C 'est un film où à mon sens l’esthétique (et la BO) d’une partie de la production des années 80 fait partie intégrante du projet. C’est pour ainsi dire de l’ordre du détournement du style de la période avec Friedkin qui s’inspire de la série Miami Vice de Mann (qui l’a accusé de plagiat) et des buddy movies pour les agrémenter à sa sauce si pessimiste.

Mais complètement… mais sur énormément de film de cette période là (et pas mal du début des années 90)en fait, et pourtant c’est avec ces films que j’ai grandi, et je ne les renie pas mais, comme tu t’en doutes, vu que la musique est un élément capital pour moi dans un film, il suffit qu’elle soit trop « en phase » avec son époque pour que, une fois la dite époque passée, j’ai beaucoup de mal à les revoir.

Et je suis certain que dans 10 ans je penserais la même chose de films sortis au début des années 2000 avec des B.O trop « in » (je pense à tout ces effets de drones que l’on a pu entendre dans des films d’action/thriller de ces dernières années par exemple).

Alors t’imagines un film qui sort aujourd’hui avec une musique d’il y à 30 ans! :unamused: (et, qui plus, est, dont l’action se déroule aujourd’hui).

Enfin, quand même, venant de Photonik, l’avis contraire aurait été surprenant ! :wink:

Attends donc l’avis de Jim, ça te conviendra sûrement mieux ! :mrgreen:

J’suis pas certain qu’il se donnera la peine de voir le film. :wink:

Même par curiosité morbide ?

Un premier synopsis du prochain film que prépare Nicolas Winding Refn pour un budget estimé à 15 millions de dollars, intitulé The avenging silence, vient d’être dévoilé:

A ce stade, c’est plus un synopsis, c’est un véritable résumé.

Putain, un héros muet (pas Gosling, pitié pas Gosling!) un scenar hautement nawesque… Je suis pas sûr que ce soit encore ce film là qui me réconcilie avec Refn!

Parallèlement au projet The Avenging Silence (voir le post de Benoît ci-dessus), Nicolas Winding Refn travaille aussi sur une série télévisée qu’il développe avec le scénariste Ed Brubaker (qui s’investit de plus en plus sur le petit écran après Westworld).

Nicolas Winding Refn envisage de réaliser les 10 épisodes de cette série qui sera co-financée par Amazon Studios.

Je rigole un peu en lisant la note d’intention postée ici : je me souviens d’une interview de Refn il y a quelques années où il avouait vendre tous ses projets en mettant la trilogie « Pusher » dans l’équation (« Pusher » chez les Vikings, « Pusher » à Hollywood, « Pusher » en Thaïlande, « Pusher » en prison, etc…) pour appâter les producteurs ; il finit toujours par faire autre chose au bout du compte…

Brubaker/Refn, c’est un combo fort alléchant ceci dit.

Je rigole beaucoup en lisant la dernière phrase de la note en question !