Le scénariste et dessinateur vétéran Howard Chaykin (Satellite Sam, Buck Rogers) n’arrête plus de faire parler de lui. On le retrouvera, dans le courant de l’année 2013, sur le personnage du Shadow dont il a contribué à la renommée avec le mythique The Shadow: Blood & Judgement.
Dans cette nouvelle mini-série intitulée Midnight in Moscow, l’artiste raconte la disparition du personnage en 1949, trente ans avant son retour à Chicago raconté dans Blood & Judgement.
Alors c’est pas mal du tout, ce truc…
Narration au poil (on s’en doute), grande sobriété dans la représentation de la violence et du sexe, beaucoup d’ironie (l’avalanche d’or).
Une première chose frappe : la transparence. Quand on regarde les planches en noir et blanc, on voit beaucoup de traits, de trames, de matières. Une fois mis en couleur, tout ceci brille, lui, le trait est colorisé. Pour rester dans le ton, le lettrage de Bruzenak (toujours aussi virtuose), joue aussi sur les transparences, s’émancipant du filet noir. Là, je suis moins fan, mais je comprends la logique.
Quant au dessin de Chaykin, ça y est, il touche à la caricature. Depuis son retour au dessin (il y a une dizaine d’années, grosso modo, non ?), il naviguait dans les eaux du réalisme crispé qu’on lui connaît, ce qui donnait un trait tendu, craquant, peut-être raide. Là, il pousse davantage l’exagération : les jambes s’allongent, amaigries, les visages se déforment, il dessine des trognes incroyables. Sa tendance récente à tracer des gros mentons prend ici du sens, s’associant à des lèvres pincés, réduites à leur plus simple expression, à des dentitions alignées et presque clownesque. Cette tendance au cartoony se retrouve aussi dans les mains, dans ces doigts potelés et arrondis qui confinent au semi-réalisme.
C’est sans doute le résultat d’une évolution, mais c’est la première fois que ça me frappe (et pourtant, je regarde ce qu’il fait, j’ai même zieuté ses Buck Rogers récents, ça ne m’avait pas sauté aux yeux). Le résultat, à mon goût, serait plus savoureux si les couleurs et le lettrage étaient moins clinquant, mais c’est quand même pas mal du tout.
Je sais, objectivement, que Howard Chaykin est un auteur qui a grandement influencé les comics et qui a un vrai impact sur ce média que j’aime tant.
Mais, quand même, je ne peux m’empêcher de dire que son trait est super moche.
Merci pour cette précision. C’est clair que cette scène n’est pas si simple à comprendre. Bizarrement, j’ai trouvé les références à Tarzan, deux trois épisodes plus loin (et cantonnées au dialogues) plus facilement identifiables.
Car oui, j’ai enfin trouvé le temps de lire la mini. Et c’est très sympa. Sans réellement contredire sa version d’il y a trente ans, Chaykin nous donne à voir un héros vieillissant, décidé à raccrocher, mais toujours hanté par l’idée de reprendre le collier. La tentation de la mission est plutôt bien illustrée ici.
L’intrigue en elle-même, qui associe paranoïa de la guerre froide, espionnage industrielle, équilibre de la terreur et idée de SF rétro, est sympa mais repose peut-être trop sur les destins croisés : de manière éclairante, on voit beaucoup de personnages marcher et se croiser au gré de leur mission, jusqu’à des retrouvailles finales, qui marquent le vrai retour du héros dans son célèbre costume. Le procédé peut lasser à la longue, mais ça illustre clairement les errances d’un justicier en quête de lui-même.
La reproduction, dans le TPB, des dessins noir & blanc servant aux couvertures, démontrent à mon goût que le trait de Chaykin est plutôt desservi par les couleurs de Jesus Aburto, qui rajoutent des volumes et des modelés là où il n’y en a pas. C’est dommage.