RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Je viens de me replonger dans le TPB Thor Corps, rassemblant la mini-série homonyme ainsi que divers épisodes de la série Thor. Ces derniers, je les connais, mais je n’avais jamais réussi à compléter la mini, et l’achat de ce TPB a été une occasion de jouer au larron.

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Alors bon, moi, j’aime bien les Thor de DeFalco. C’est enlevé, au long cours, avec des mystères que ce dernier sait réellement bien développer (on pourra dire la même chose de ses Fantastic Four : il a l’art de distiller les fausses pistes). Et franchement, une réédition de l’intégrale ne me déplairait pas (d’autant que j’ai une partie en VF, une partie en VO, c’est le bazar…).

En attendant, ce volume rassemble les Thor #438 à 441, parus à l’été 1991 je crois, selon un rythme bimensuel, et qui marquent la première union de trois Thor face à Zarrko, le maître du temps. C’est sympa comme tout, Ron Frenz est en mode Sal Buscema, donc c’est musclé sans génie, mais ça a une sacrée patate.

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Vient ensuite le gros du menu, à savoir la mini-série Thor Corps elle-même, écrite par Tom DeFalco là encore, avec l’aide de Frenz, et dessinée par Pat Oliffe. Alors Olliffe, j’aime bien, mais c’est quand même très brouillon. Son encrage montre qu’il tente des choses à la Kyle Baker ou à la Klaus Janson, mais il ne maîtrise pas. En revanche, la reproduction d’originaux à la fin du recueil démontre que ses planches en noir & blanc sont nettement plus lisibles que leur version couleur.

George Roussos a dû être bien enquiquiné avec les originaux, vu qu’il semble régulièrement en difficulté quand il s’agit de faire ressortir tel élément du décor ou de distinguer telle partie d’un costume. Ralph Macchio a la bonne idée de confier, dans les troisième et quatrième épisode de la mini, l’encrage à Romeo Tanghal, un vétéran qui donne de la clarté aux planches. Y a un petit plus, qui se ressent même au niveau des couleurs, c’est dire.

La grosse qualité visuelles provient du somptueux lettrage de John Workman, le lettreur attitré de Simonson, qui signe là un chouette festival : bulles ouvertes sur les marges, onomatopées délirantes, titres et crédits utilisant des polices surprenantes, vraiment, c’est un régal.
La mini est construite sur un postulat classique : l’ennemi du Thor du futur (Drago Ktor), alias Demonstaff, fait pression sur ce dernier pour qu’il lui obéisse. Le futur Thor contacte donc Beta Ray Bill et Eric Masterson (alias Thor / Thunderstrike), dans l’espoir de jouer la montre. Mais bien entendu, ça part en quenouille, les héros sont baladés entre différentes époques (car oui, Demonstaff a trouvé le moyen de trouer l’espace-temps et d’y faire passer des choses, et on découvre bientôt qu’il est sur le point de tout faire péter, parce que gniark gniark gniark tout ça tout ça…). Les trois héros croisent donc le chemin des Invaders période Seconde Guerre mondiale, du Spider-Man 2099, des Guardians of the Galaxy (période Valentino), des héros du western, etc etc. Mais ils sont fortiches, donc à la fin ils parviendront à invoquer le Thor de base, le seul l’unique, et à déjouer les plans de Demonstaff. Intrigue vu mille fois, d’un petit commando de héros errant d’époque en époque dans l’espoir de retricoter l’espace-temps.
Mais là où ça vaut le détour, c’est dans le portrait du méchant. Le héros, apparu au détour d’une séquence dans la saga précédente publiée dans Thor, est creusé. De vilain spectaculaire au look très nineties, il devient une véritable menace car son pouvoir est immense. Mais il n’est pas dupe justement de sa capacité de nuisance et l’exprime. L’ironie est double car DeFalco prend soin de lui mettre dans la bouche des propos ronflants à base d’allitération, qui le font sonner comme un vilain à la Stan Lee, voire comme Stan Lee lui-même. Le vilain médiocre devenu vilain cosmique sait qu’il est un vilain médiocre devenant vilain cosmique, et ne s’en cache pas. Ses origines sont racontées à plusieurs reprises, selon plusieurs points de vue, et la vérité à chaque fois est déformée, ce qui est assez intéressant là aussi. Et ça renforce le tragique de l’affaire, car Demonstaff, dans la grande tradition Stan Lee, est un de ces méchants devenus maléfiques à cause d’un coup du sort, alors que le destin aurait dû faire de lui sinon un héros, du moins un homme normal. Et si à la fin il prend conscience de ses errements, son châtiment s’accompagne d’une véritable rédemption, chose rare pour les vilains (s’ils sont épisodiques, ils sont sacrifiables, et s’ils sont de premier plan, ils restent des méchants). DeFalco semble vouloir offrir à Demonstaff un parcours complet, et l’ironie expliquée plus haut se marie à une réflexion complexe sur les vilains à la Marvel. C’est plutôt finaud.
Le reste du sommaire est complété par la réédition des premières apparitions des trois Thor alternatifs occupant la vedette dans le recueil.

Le Thor #337, apparition de Beta Ray Bill et premier chapitre de la légendaire prestation de Walt Simonson, est proposé ici dans sa recolorisation par Steve Oliff. Belle, maîtrisée, matiérée, elle tranche avec celle d’époque (George Roussos pour les premiers épisodes), et si elle rajoute des volumes, elle fait des choix de sources de lumière qui sont bien différents de celle de Roussos. Oliff, si j’ai bien compris, s’est chargé de la nouvelle colo à l’occasion de l’édition Omnibus, repassant donc sur les travaux de Roussos, mais aussi de Christie Scheele, qui a colorisé les derniers épisodes (donc le fameux Thor #380, dessiné par Simonson en splash-pages).

Un très bon papier se penche sur les apports (ou pas) d’Oliff, et c’est à lire ici.
Si le boulot d’Oliff reste de grande qualité, il y a quelque chose qui est perdu, des choix moins tranchés, et peut-être une force amoindrie.

Jim