Je viens de voir les trois premiers épisodes de Transferts, une série de SF française diffusée sur ARTE.
L’ensemble fait six épisodes, donc j’en suis à la moitié, le reste sera diffusé jeudi prochain.
L’action se situe dans un monde futuriste où la technologie permet de transférer la personnalité d’un corps à l’autre. Au départ, c’est utilisé de manière thérapeutique, la loi sur le don d’organe s’étendant bientôt au corps entier afin d’offrir une seconde vie aux accidentés, aux mutilés (de guerre notamment), aux amputés. Sauf que les dérives (trafics en tout genre) et les effets secondaires (le « contre-transfert », une sorte de rejet qui fait tomber le transféré dans la folie homicide) ont fait basculer le législateur, qui a fini par interdire la pratique. Les transférés légaux sont donc parqués dans des centres (qui ont l’air de camps de vacances mais semblent dissimuler une face obscure), et les transférés illégaux sont traqués par une branche de la police, la BATI.
L’histoire suit Florian, mort de noyade, congelé depuis lors et transféré cinq ans plus tard dans le corps de Sylvain. Première surprise, pour lui et les spectateurs, il est « mort » avant l’avènement de cette technologie et transféré après la mise hors-la-loi de la pratique. Deuxième surprise, il est transféré dans le corps de Sylvain, un flic de la BATI. Troisième surprise (qui intervient un brin plus tard), ce dernier est une belle ordure.
L’ensemble est plutôt bien troussé, pas trop mal joué, avec une prise de son correcte (on entend les acteurs, même les marmonnes, et dans la télé française, des marmonnes, y en a des pelletées), c’est bien monté, avec des plans intéressants, un rythme travaillé, bref, y a un véritable effort. Au jeu de la comparaison, bien entendu, la série est toujours perdante : l’impact d’une technologie mettant en balance l’identité renvoie bien entendu à Real Humans, le générique ne manquera pas d’évoquer Westworld, et chaque fois en moins bien, mais la série est clairement inscrite dans la science-fiction, et la science-fiction à la télé française, c’est une rareté (ou alors, c’est traité sous l’angle de la comédie).
Là, au contraire, c’est sérieux, bien écrit, avec un vrai sens du rythme et de la coupure de scène, les dialogues sont pas mal du tout (y a de très beaux morceaux dans le premier et le troisième épisode) et ça balance du concept sur l’identité, la redécouverte de soi, tout ça. Le petit budget est très bien géré, la SF apparaissant par des extensions technologiques (des écrans, des interfaces) et quelques scènes de labos aussi futuristes qu’angoissantes.
Bref, une série intéressante, qui pousse assez loin son postulat, qui entretient un certain suspense (là, j’ai envie de savoir ce qui va arriver la semaine prochaine), qui ne recule pas devant la noirceur (le pessimisme de la fin de troisième épisode est fort bien amené), et qui se paie le luxe d’un gentil pied-de-nez à l’adage selon lequel la science-fiction en France, c’est pas possible. Pourtant si, c’est possible, la preuve. Il suffit de se servir de son cerveau, plutôt que de logiciel de CGI.
Jim