ULTIMATE SPIDER-MAN t.1-12 (Bendis / collectif) : DELUXE + OMNIBUS + POCHE

Le noir et blanc, ça doit aussi aider pour le prix j’imagine.

J’ai survolé le sujet, car j’adore Ultimate Spider-Man, et j’ai quelques réflexions à partager avec vous.

Totalement d’accord, par rapport à Ultimate X-Men et surtout Ultimates, dans le premier arc on est davantage dans un remake qu’un reboot, dans le sens où il essaie de coller aux grandes lignes, il ne bouscule les événements et les caractérisations des personnages. Pour ces derniers on retrouve les mêmes que dans les premiers Amazing Spider-Man, avec tout de même les ajouts notables étant MJ, Norman Osborn (je ne sais plus si Harry est déjà là) et Otto Octavius (davantage dans la figuration) afin de très vite amener les fils rouges principaux : la romance sur le long court, les archenemis, la relation compliquée de Peter avec la famille Osborn et les manipulations génétiques liées autour de la formule OZ. En fait, Bendis semble appliquer la logique d’une interprétation du personnage comme s’il écrivait un film ou une série TV sur un perso qui n’a pas encore eu droit aux honneurs de l’adaptation audiovisuelle : elle est à la fois fidèle dans les éléments généraux constitutifs des premiers récuts classiques de Lee et Ditko(le cadre familial de Peter, la mort de l’oncle, le Buggle…), tout en puisannt déjà dans les éléments un peu ultérieurs pour créer des fils rouges et permettre une plus grande cohérence de l’univers, le tout avec une écriture très moderne dans la forme (l’écriture des persos comme du récit, on est sur le début de la normalisation de l’écriture à la fois en arc de 4 à 6 épisodes et (malheureusement) décompressée).

Au final on reste quand même dans terrains assez connus, et même l’arc autour du OZ responsable de la création de la plupart des superhumains de la galerie de vilains est un peu la continuité de ce qu’on pouvait voir dans le dessin animé des 90’s avec la « néogénétique », les manipulations d’Osborn à outrance qui devenait responsable de tous les malheurs dans la vie de Peter (on n’aurait pas été étonné qu’il avait en fait été responsable du vol de ses gouters à la maternelle) ou (peut-être surtout) de l’ignoble Chapter One qui est un peu el brouillon de l’univers Ultimate (avec les titres Heroes Reborn), mais du terrain connu quatre étoiles.

Par rapport aux voies prises par les titres Ultimate suivants dès leurs lancements cette familiarité avec l’univers classique peut détonner, mais il faut remettre les choses dans leur contexte :

  • C’est le tout premier comic-book de la gamme, Marvel ne sait pas encore jusqu’à quel point le public est capable d’accepter/à envie de lire chaque mois des versions remaniées de ses personnages-phares de la maison, tout comme Bendis non plus n’a pas encore le recule nécessaire pour savoir jusqu’où il peut aller avec une telle icône.
  • Nous sommes deux ans avant la sortie du premier film de Sam Raimi, les néophytes ne connaissent pas forcément encore sur le bout des doigts le chemin qui mène Peter à comprendre quelles responsabilités accompagnent ses pouvoirs (il y a bien eu des séries animées, mais tout le monde ne les a pas vu, et mis à part celle des 90’s à l’époque je ne sais pas si les précédentes abordent ouvertement la mort de l’oncle Ben), donc tout reprendre depuis le début avec beaucoup de fidélité n’est pas incohérent - alors qu’aujourd’hui Disney nous sort des films où on en prend même plus la peine d’évoquer les origines des pouvoirs !

Il y a en a plein des petits éléments de ce genre, ou on ne sait pas si Bendis fait juste un clin d’oeil à l’univers Marvel (on voit deux filles en Cloak et Dagger menottée à un moment donné aussi) ou s’il place discrètement une petite graine à faire germer ensuite. Et quand on est dans le premier cas, ça me gonfle car Bendis à ce moment-là bloque potentiellement une réinterprétation plus différente du personnage, ou alors entrainera un bug dans la continuité si quelqu’un décidé d’introduire le personnage en ignorant ce cameo. Bendis et Marvel vont d’ailleurs rapidement se tirer une balle dans le pied tout seuls avec l’univers Ultimate en voulant introduire trop vite plusieurs des superstars du catalogue de la Maison des Idées.

Si Ultimate X-Men est le deuxième titre à être lancé en février 2001 par Mark Millar et Adam Kubert (Bendis devait initialement diriger le titre, il avait écrit un script que l’on peut retrouver dans certaines éditions reliées), le troisième n’est pas Ultimates comme beaucoup pourraient le penser mais… Ultimate Marvel Team-Up lancé en avril de la même année par Bendis accompagnés de différents artistes suivant les histoires, qui ne durent d’ailleurs qu’un ou deux numéros. L’idée est ici d’introduire rapidement les grands héros - et aussi certains vilains au passage - de la maison, et ainsi étendre rapidement l’univers Ultimate. Malgré des numéros sympathiques, cela se révèle être une fausse bonne idée : Bendis et ses compagnons artistes restes très souvent sur des caractérisations et des apparences très proches des versions classiques, si bien que lorsque Millar et Brian Hitch reprennent une grande partie de ces personnages dans Ultimates il vont se permettre un droit d’inventaire tant au niveau des caractères, des backgrounds ou des designs ! Et ça ne s’arrête pas là, puisque Bendis lui-même va ignorer une partie de ces épisodes dans USM ou lorsqu’il lance Ultimate Fantastic Four avec Millar.

Ultimate Team-Up est donc une série bizarre à lire rétroactivement, car on y trouve des épisodes qui s’insèrent parfaitement dans la continuité (et sont même référencés ensuite, Millar gardant canonique la première apparition dévastatrice de Hulk ou Bendis reprenant les Doc Strange et Shang-Chi qu’il introduits ici), le sont à moitié (la première apparition de Black Widow par exemple qui compte toujours, mais toute la sous-intrigue sur la Latverie est elle décanonifiée) ou plus du tout (les introductions des FF ou d’Iron Man). Le titre laisse donc un sentiment de gâchis, surtout qu’il introduisait en filigrane une intrigue sur la Latverie qui devait sans doute déboucher sur une grosse histoire avec Doctor Doom en son centre dont nous ne sauront jamais rien.
L’univers Ultimate compte un autre loupé de ce genre avec les deux mini-séries sur les origines d’Iron Man par Orson Scott Card qui ne sont plus valides mais intégrer à l’univers via une pirouette : les deux mini-séries relatent en fait une adaptation romancée en animé japonais de la vie de Tony Stark diffusée dans cette univers !

L’univers Ultimate s’est donc cherché pendant un temps, tant au niveau du ton que de sa propre continuité, mais a débouché au moins dans ses premières années dans des réinterprétations marquantes et brillantes des figures historiques de l’univers Marvel.