UNDERTAKER t.1-7 (Xavier Dorison / Ralph Meyer)

Quel album qui tabasse !
Je pensais l’avoir acheté, et avant-hier j’ai pris le temps de fouiller dans mes piles diverses qui encombrent à peu près tout (y compris l’escalier), et je ne l’ai pas trouvé (mais ça m’a permis de rassembler Miss Pas Touche ou New Cherbourg Stories, qui étaient disséminés un brin partout). Donc hier, après le marché, hop, détour par la librairie !

Et donc, l’album s’ouvre sur une idée toute bête, sur laquelle est bâtie la communication, à savoir les retrouvailles de Jonas Crow avec Rose Prairie, est construite en partie. Les premières séquences montrent donc notre croque-mort réagir en amoureux transi, négocier une bague, s’empresser de retrouver la femme qui occupe ses pensées et, surtout, sourire bêtement. Sauf que, bien sûr, le « R. Prairie » du télégramme qu’il a reçu, ce n’est pas pour « Rose », mais pour l’époux de celle-ci.

La déception du héros contribue à nourrir quelques scènes décalées où son cynisme habituel disparaît. Dans le même temps, l’album se durcit. Et pour cause, on voit apparaître un nouveau personnage, la méchante de l’histoire, Sister Oz, une folle de dieu bien décidée à combattre la corruption, la décadence et le mal qui gangrènent la petite ville texane. Les auteurs ont le bon goût, en plus de nourrir son discours catastrophiste de prédicatrice, de la représenter sous les traits d’une jeune femme séduisante, créant ainsi un méchant charismatique.

Que vient faire Sister Oz dans ce bled hanté par la défaite après la Sécession et par les contraintes imposées en vue de l’intégration à l’union ? Restaurer l’ordre moral. Car la double mission du croque-mort est simple : enterrer un prêtre décédé récemment (dans des circonstances qui ne sont dévoilées qu’au lecteur), mais aussi enterrer un bébé dont la mère veut avorter. Sujet brûlant, pour les protagonistes de l’époque, mais encore aujourd’hui, on le sait bien. Et les auteurs traitent leur matière avec délicatesse, à mes yeux, parvenant à éviter de prononcer les mots qui fâchent en faveur de non-dits pourtant explicites, mais ils n’hésitent pas à proposer des personnages modernes servant à projeter dans le récit des considérations modernes. Comme Jonas Crow, ils ne jugent pas (le portrait en creux de la mère, croyante pourtant, qui chercher à avorter, est discret mais sensible). Ils profitent de l’occasion aussi pour évoquer l’homosexualité (ici, masculine, ce qui est nettement plus difficile que son pendant féminin) et pour dresser le portrait de personnages qui sont dans l’acceptation (et qui finissent, bien entendu, par devenir victime de l’intolérance).

Bref, album choc, servi par un dessin magnifique. Et sujet intense, résolument moderne, totalement d’actualité, universel et atemporel. Avec le troisième Champignac, voilà deux albums mainstream, à fort tirage, qui tiennent un discours sain sur le sujet. Bravo.

Jim

1 « J'aime »