UTOPIES FÉMINISTES SUR NOS ÉCRANS (Pauline Le Gall)

Utopies féministes sur nos écrans: Les amitiés féminines en action

Qu’est-ce qui rend uniques, intéressantes et politiques les amitiés féminines ? Pauline Le Gall, journaliste & autrice, donne un écho aux expériences d’amitié féminine en fiction. Car, dans la vie comme à l’écran, elles n’existent jamais en dehors du système patriarcal. Basé sur un corpus de films & séries allant de Thelma & Louise à la série PEN15, elle explore la pop culture et ce qui se joue sur nos écrans, en passant des lieux où se déroule l’action aux personnes qui créent ces histoires, des représentations du genre aux bases d’une nouvelle société. Nous pouvons tout à la fois nous réjouir et analyser les changements à l’oeuvre, car il reste non seulement beaucoup à dire, mais aussi beaucoup à montrer à l’écran.

  • Éditeur ‏ : ‎ Editions Daronnes (26 mai 2022)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 240 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2492312046
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2492312045
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 263 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 13 x 1.9 x 19.5 cm

Pauline Le Gall est une autrice et journaliste indépendante née en 1986. Dans ses articles, elle s’intéresse particulièrement aux liens entre culture et société. Elle écrit sur le cinéma, les séries, la littérature et aime par-dessus tout partager sa passion pour les œuvres portées par des femmes. Sur son temps libre, elle est membre de l’association féministe Women Who Do Stuff et publie des zines culturels indépendants depuis sa Bretagne natale.

Le mâle hétéro blanc quarantenaire peut donner un avis ?

Jamais ? Vraiment ?

Je sais pas. Mais le mâle hétéro blanc quinquagénaire va bientôt le faire.

J’en sais rien, moi : tu m’as cité, mais c’est pas moi qui ai dit ça, m’sieur l’juge !

Jim

Disons que le reste de la présentation donne envie. Mais cette phrase très généraliste me dérange un peu.

Déjà, cette formule lapidaire ne me semble pas claire : ce système patriarcal, il est intra-diégétique (dans l’histoire) ou extra-diégétique (dans les intentions et les coulisses de la production) ? Ensuite, il recouvre quoi ? J’ai toujours peur qu’il s’agisse d’une nouvelle formulation du « regard de l’homme dominant ». En soit, pourquoi pas, d’ailleurs. Et même, c’est peut-être moi qui comprends de travers, hein. Et ces choses-là devraient pouvoir s’éclairer à la lecture du bouquin.

Après, il y a une question que j’aimerais voir posée par des gens qui ont des arguments et un bagage (et un avis, aussi). Une question pas réellement formulée, encore diffuse dans mon esprit, mais qui en gros s’articule de la manière suivante : dans une série récente dont j’ai vu quelques épisodes (un truc genre NCIS Hawaii, je crois), il y a un couple lesbien. Et je ne sais pas si c’est moi qui ne tombe que sur ces séquences ou si c’est tout le temps comme ça, mais les deux nanas s’engueulent tout le temps : le couple en formation, qui doute, tout ça. Très bien, pourquoi pas, je comprends le semblant de logique derrière, genre « on va donner au couple lesbien les mêmes soucis que pour les couples hétérosexuels ». Ouais ouais. Mais pourquoi, en fait ? Pourquoi ne pas faire le portrait d’un couple lesbien épanoui, heureux, satisfait, apaisé ? Qui potentiellement pourrait même être l’ancre, le repère dans la série ? Ou alors l’intention narrative est de montrer la difficulté pour un couple lesbien, surtout dans un milieu professionnel précis, à s’établir et se stabiliser sous le regard des autres ? Afin d’évoquer les tourments vécus par les homosexuels dans la « vraie vie » ? Mais, euh, en fait, en montrant un couple tranquille, est-ce qu’on ne parviendrait pas justement à pointer dans une direction plus constructive ?

Je ne sais pas du tout si ça entre dans les interrogations et le cadre de réflexion de Pauline Le Gall, et je suis curieux de voir ce qu’elle peut dire de tels cas, mais je trouve qu’il y a une différence entre les fictions américaines et les fictions anglaises à ce niveau. Les Anglais sont capables de montrer des couples homos qui fonctionnent, qui sont épanouis. Et je trouve ça nettement plus constructifs.
Mais bon, je m’égare quand même.
J’y reviendrai quand j’aurai attaqué le bouquin.

Jim

Bon, je continue à lire ce bouquin, et mes deux agacements de base, à savoir l’écriture à la première personne très nombriliste et l’usage de tics inclusifs dans la langue, continuent à me tarabuster.
Dommage, parce que le raisonnement est pas mal, les exemples sont pertinents. Il manque une véritable mise en contexte historique, avec davantage de dates (parce que citer la chaîne d’origine ou le nom du showrunner ou de la showrunneuse, c’est bien, mais pour qui n’est pas au fait, c’est flou), mais il y a en germe une remise en perspective de choses qui ont marqué à l’époque (Friends ou Sex and the City me viennent à l’esprit) qui est bien vue.

Cependant, cette absence de perspective historique interdit tout commentaire du genre « c’est dépassé aujourd’hui par des choses qui sont entre-temps allées plus loin, mais à l’époque c’était fort ». Et c’est lié à une autre obsession, celle de l’invisibilisation.
Et là, l’agacement confine à l’urticant. Parce que le raisonnement, mais aussi les sources sur lesquelles il s’appuie, convergent pour finalement arriver à la conclusion que le monde homosexuel, et lesbien en particulier, a été invisibilisé par l’hétéropatriarcat dont il faut savoir s’émanciper des règles imposées. OK, en soi je suis d’accord, mais cette vision monolithique empêche toute vision historique, là encore. Tout est au même niveau : la création hors-norme est invisibilisé par la norme. Sans détail, sans subtilité. Et l’autrice ne semble pas vraiment être consciente de ce défaut de raisonnement, au point de railler des personnages (dans une série ou un film, je ne sais plus) qui « refont l’histoire » en dressant la liste des femmes qui sont des lesbiennes qui s’ignorent (et ça commence à Ève). En gros, on voit de l’invisibilisation partout, et des invisibilisés partout (et je ne parle pas de son emploi de l’adjectif « racisé », qui me semble sinon problématique du moins exagéré), ce qui est quand même un comble. Cela revient à relire l’évolution des genres littéraires en en déformant la portée (tout ce qui est « romantic friendship » au XIXe siècle, par exemple),la tonalité, la note d’intention.

Il y a à ce sujet une interrogation intéressante sur le « couple » de Thelma et Louise, qui conduit à quelques paragraphes sur les personnages féminins qui s’émancipent de l’homme sans pour autant aller vers une relation amoureuse. Mais cette interrogation n’est pas creusée. Dans les fictions qui ne disent rien explicitement, l’autrice voit de l’implicite (ou de l’invisibilisé). A contrario, elle cite l’exemple d’un film qui met en gros plan un baiser lesbien, citant l’auteur (scénariste ou réalisatrice, je ne sais plus) qui affirme que, si le film avait été réalisé plus tard, le sous-texte lesbien n’aurait pas eu besoin d’être soutenu par une image aussi explicite. L’explicite ne serait donc là que pour lutter contre l’invisibilisation ? Et donc, s’il n’y a pas besoin de s’opposer à l’invisibilisation, on peut rester implicite ? Donc si l’on est implicite, ça devient explicite ? Donc tout couple d’amies femmes est obligatoirement et implicitement un couple lesbien, même s’il s’ignore ? Il y a là un raccourci de penser que Wertham aurait pu jalouser.

Jim

Alors, je ne sais pas puisque pas lu mais pourquoi attacher ensemble, les amitiés de femmes, le feminisme et l homosexualité ?

Surtout qu à te lire, c est l homosexualité feminine qui interesse l auteur.

J avais déjà noté, au sujet de kitty pride, que son coming out bi transformait ses amitiés feminines adolescentes, pourtant un trait important et très répandu côté feminin, en relation homo cryptée.

Dit en termes inclusifs, c est une invisibilisation de l amitié feminine qui s opére au nom de la représentation de l homosexualité.

On ne le redira jamais assez, l ideal inclusif des représentations suppose qu aucune représentation ne se chevauche. C est un ideal de séparation des représentations, notez le paradoxe, qui ne tient pas compte d un fait simple : une même représentation peut renvoyer à des représentés differents, une invisibilisation est des lors structurelle et conséquence de la représentation elle même.

Et in fine, ce sont toujours les femmes qui s effacent, l ideal inclusif ne derogeant pas à la règle.

L eglise efface les femmes sous la représentation de la mère, l ideal inclusif multiplie juste le nombre de représentation pouvant les effacer : homosexualité, racisé, trans, etc.

Je n’ai pas encore fini (et sérieux, je peine, pour les deux points soulevés au début), mais j’ai l’impression justement que l’autrice ne veut pas passer par une phase de discrimination de ces trois domaines, et qu’elle est bien embêtée dès lors qu’elle se confronte à un personnage qui ne sait pas et qui goûte à tout (j’ai aussi l’impression que ses usages de « bisexuel » et « pansexuel » se font un peu au petit bonheur la chance).
Je crois surtout que pour elle, tout ceci recouvre une même réalité (à des dosages différents, on va dire), ce qui lui permet de brandir l’épouvantail de l’invisibilisation dès qu’elle croise un personnage qui goûte à l’homosexualité avant de retourner dans les bras d’un homme. Elle ne peut y voir qu’une reddition devant les normes hétéropatriarcale. Je caricature à peine.
Et ce qui m’ennuie, à nouveau, c’est cette absence de contexte historique : ce qui vaut pour aujourd’hui vaut pour hier, avec les mêmes causes et les mêmes conséquences, et ça, je trouve que c’est un relais supplémentaire de confusion.

Jim

Autre point qui me vient à l’esprit : rien sur les représentations de couples homosexuels (et notamment lesbiens) sans problème. Dans les fictions anglaises (allez, en vrac, Jekyll ou Doctor Who me viennent en tête), on a des couples homosexuels normaux, épanouis et intégrés. Qui, fatalement, ne sont pas des moteurs de drame puisque tout se passe bien. Mais justement, cela mérite commentaire. Or, rien.

Ce qui me fait penser également que son corpus est éminemment américo-américain. Peut-être une tele novella ici ou là, mais en gros, c’est surtout des séries ou des films américains. Est-ce le signe qu’il n’y a rien ou presque dans les écrans étrangers (français, par exemple, à par Portrait d’une jeune fille en feu) ? Ça aussi, ça aurait mérité un commentaire et, de mémoire, il n’y en a pas.

Jim

En même temps, elle est journaliste donc bon…

Rhoooooo

N’est-ce pas.

C etait pour faire plaisir à Jim.

Je suis gentil, moi.

Ou faillot.

Jim est le prof ?

Non. Tu vas dans son sens.

Je suis connu pour etre toujours d accord avec tout le monde.

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