Comme je le disais dans un autre message, j’ai fait une petite commande, et dans le lot, j’ai inclus les deux tomes de l’intégrale Wampus (et là, je me dis qu’il faut que j’en parle à quelques vieux fans, parce que Wampus, ça leur cause, et depuis le temps qu’ils attendent une réédition…).
L’intégrale se divise de la sorte : dans le premier tome, la série de 1969 (je crois) par Frescura et Bernasconi, suivie de la reprise par Lofficier et Bernasconi ; dans le second volume, la série L’Autre qui paraissait dans Futura au milieu des années 1970, ainsi que des épisodes complémentaires, parmi lesquels un récit consacré à l’héroïne Futura et expliquant les liens (complexes voire compliqués) entre les deux méchants et leurs univers respectifs, mais aussi un récit opposant d’un côté Jaleb et Futura à deux tenants du Grand Mental de l’autre, et dessiné par un Fernando Pasarin débutant, et déjà excellent.
Hier soir, j’ai relu la « saison 2 » de Wampus, celle que j’ai eu la chance de voir naître en direct du temps de Semic. J’avais beaucoup aimé à l’époque, et à la relecture, je continue à penser que c’est l’une des meilleures contributions à ce qu’on appelait à l’époque le « Semicverse », qui est devenu désormais « l’univers Hexagon ». Le fait que ce soit Bernasconi qui dessine contribue à faire rentrer cette reprise dans les pas de l’ancienne version, mais ce qui me semble très intéressant, c’est que Jean-Marc Lofficier parvienne à raconter un récit de quête / récit initiatique, avec tous les écueils qu’on sait (d’abord et avant tout : c’est chiant, en général), mâtiné de galerie de portraits de l’univers en question (se suivent dans le désordre Sibilla, Bob Lance, le Comte de Saint-Germain, Dragut, Kabur, la Brigade temporelle, Silver Shadow, Futura et plein d’autres…). Tout pour enquiquiner. Et bizarrement, ça passe très bien. Sans doute parce que, à l’image de Jean Sten qui n’en peut plus de ne rien comprendre, le lecteur est comme étourdi et emporté par l’intrigue.
Bon, pour résumer…
On connaît tous Wampus, sorte de suppôt du mal cosmique, d’agent du chaos, de Nyarlathotep baveux, descendu des cieux pour embraser la Terre entière dans les flammes du désordre et de la haine. La série de Frescura, c’est un peu David Vincent contre un terroriste galactique, si vous voulez : personne ne le croit (et pour cause, Wampus peut changer de forme) et il se retrouve toujours à l’endroit où ça pète, attirant les soupçons des autorités. Et ça pète partout, la série de Frescura et Bernasconi emportant le héros à New York, au Japon, à Londres, à Venise… Et ça pète tellement que Londres disparaît dans l’explosion d’une bombe atomique.
Quand Lofficier relance la série (une trentaine d’années après, donc), Wampus décide de s’en prendre au Vatican. De son côté, Jean Sten est retrouvé par Mister Song et Miss Kiss, deux agents du CLASH, qui l’invitent à écouter ce qu’ils ont à dire. À Rome, Wampus se heurte au cardinal Faria, qui est en fait un personnage (immortel) venu d’une autre série et ayant entre-temps adopté une autre identité. Se saisissant d’un artefact lui aussi en provenance d’une autre série, Faria renvoie Wampus dans le passé.
L’intrigue dès lors s’articule autour de deux séries de révélations : d’une part Wampus fait des bonds dans un passé de plus en plus lointain (du monde des pirates de Dragut à l’univers hyperboréen de Kabur en passant par la Chute de Camelot(*)…), d’autre part Jean Sten a droit à des révélations sur le devenir de son adversaire. On a donc droit à une boucle temporelle assez bien rendue (et facile à suivre, ce qui n’est pas toujours le cas), une explication de la destruction de Londres à laquelle personne n’a assisté, puis à un duel final, à la fin des temps, afin de déterminer la survie ou non de deux univers parallèles.
Lofficier parvient à intégrer les péripéties imaginées par Frescura (et qui, dans une perspective d’univers partagé, deviennent des incohérences), ainsi qu’à raccorder dans la grande trame des séries telles que Waki (le Kamandi local, pour faire court).
C’est plutôt bien joué. Et Bernasconi livre, sur les derniers épisodes, des planches assez étonnantes : la pleine page sur les habitants de Zothaqa ou la présentation de Labyrinthe, ça impressionne.
Bref, je suis enchanté de ma relecture.
Le second tome me semble un poil moins intéressant. D’une part parce que la série L’Autre a toujours été un ersatz édulcoré de Wampus : le personnage est nettement plus humanoïde, la trame et les péripéties sont calquées sur le premier modèle, et la perspective d’un univers partagé rend bancale la coexistence de deux intrigues si semblables (avec deux héros si ressemblants : Jean Vlad est lui aussi un clone de Jean Sten). Relire L’Autre, c’est agréable, et cette intégrale fait son boulot. Mais Lofficier déploie des trésors d’inventivité afin de raccorder et de justifier la présence des deux malfaisants sur Terre, et ça peine à convaincre : non pas que les idées soient mauvaises (l’Autre vient d’une Terre parallèle déjà sous l’emprise du Grand Mental), mais il n’a pas assez de place pour ses explications, ce qui fait que son épisode d’origines de Futura, qui constitue le lien entre les deux séries, est trop sec, trop laconique (et pas bien lettré, contrairement à sa reprise de Wampus). L’épisode de Pasarin est assez anecdotique, quoique très beau, la rencontre avec Nexus l’est tout autant…
Bref, si le premier tome de l’intégrale est un réel plaisir (nostalgique pour la partie Frescura, plus geekesque pour la partie Lofficier), le second volume est plus désordonné, moins bien tenu, constitué d’une suite d’épisodes qui n’ont pas le caractère épique du premier recueil.
Jim
(*) À ce sujet, Lofficier développe une idée intéressante : la Chute de Camelot n’est pas le drame qu’on imagine, ce n’est pas une parabole de la faillite des civilisations. Au contraire, c’est présenté comme une bénédiction pour l’humanité, car le règne de ce régime éclairé et trop efficace, s’il avait perduré, aurait freiné tout évolution, tout progrès technologique ou intellectuel, alors que la chute a obligé les parties présentes à se remuer le derrière tout en rêvant d’un paradis perdu. Idée d’ailleurs que le scénariste a reprise, aux côtés de Roy Thomas, à l’occasion d’un one-shot chez Marvel consacré au Black Knight, dans le cadre d’une série de numéros dédiés aux personnages magiques et au tarot, « machinchose arcana », sais plus trop…