WAYNE SHELTON t.1-13 (Jean Van Hamme, Thierry Cailleteau / Christian Denayer)

Je ne m’étais jamais lancé dans la série, pour des raisons obscures qui allaient du trop-plein de Van Hamme (dont j’ai été un consommateur frénétique) au peu d’intérêt que m’évoquent des balades en camion. Et puis fort récemment, j’ai déniché les trois premiers tomes à vil prix (en plus, ce sont des éditions originales, quelqu’un l’a noté dessus, ce qui veut dire que ces albums ont été achetés chez un bouquiniste puis refourgués à une solderie : personnellement, je m’en fous un peu, des éditions originales, mais bon, à trois euros, voilà qui flatte ma pingrerie…), et bon, l’occasion, le larron, tout ça…

Or donc, c’est franchement pas mal.
Tout commence avec un accident de la route dans le Caucase, qui occasionne la mort d’un ponte militaire local, l’arrestation d’un camionneur, un casus belli diplomatique et des emmerdements pour des industriels bien décidés à exploiter un filon mirifique sans rien partager. L’un de ces requins de la finance recourt aux services de Wayne Shelton afin de faire évader le routier, ce qui permettra de « supprimer » le problème diplomatique afin de faire disparaître l’obstacle au pillage industriel. Ce premier tome voit donc le héros assembler son équipe hétéroclite, au sein de laquelle on retrouve une prestidigitatrice consciente de ses charmes, un acteur sur le retour ou un avocat en rupture de ban.

On retrouve ce qui fait le charme (ou l’agacement, selon l’avis qu’on peut avoir sur le travail du scénariste) des histoires de Jean Van Hamme : un personnage professionnel et sûr de lui, une mécanique particulièrement bien huilée, des considérations géopolitiques et financières qui contrebalancent l’aventure humaine et individuelle. C’est efficace, propre, carré, avec quelques moments d’émotion et beaucoup d’ironie. Van Hamme sait utiliser les cases muettes, que ce soit pour montrer des décors grandioses ou pour insister sur la solitude ou la tension entre protagonistes.

Question dessin, Denayer s’éclate à montrer des véhicules, des poursuites, des accidents. Il aime toujours autant la mécanique que du temps des Casseurs. Cela dit, ce premier tome manque un peu de cascades (malgré la présence d’un… cascadeur, justement). On notera aussi que son trait, plus rond dans le passé, devient au début des années 2000 plus anguleux. Est-ce une influence du travail de Philippe Francq sur Largo Winch, dont l’ombre plane sur la série (haute finance, industrie, aventures exotiques et voyages lointains…) ? Ce n’est pas impossible.

Reste un premier album bien troussé, efficace, qui laisse nos équipiers au pied du mur, juste avant la mission, alors que la révélation est faite sur l’un d’entre eux, qui change radicalement la donne. Bien joué, ça donne envie de connaître la suite.

Jim