WEST SIDE STORY (Steven Spielberg)

C’est moi, ou les accents semblent forcés ?

Tori.

MV5BNTlhMDRkNTQtZjAzOS00NGZhLWExM2YtM2UwODUzMDhjOWZkXkEyXkFqcGdeQXVyMTEyMjM2NDc2.V1_FMjpg_UX1000

Bon.
La musique est bien.
Voilà.

Non, je plaisante.
Y a pas que ça.

Le film (que je ne peux comparer qu’à la version de Robert Wise, n’ayant jamais vu la comédie musicale et ne sachant pas grand-chose du livret d’Arthur Laurents… même si la vérification de quelques infos me donne à penser que Robert Wise colle davantage au matériau de base…) commence dans les pas de la première version cinématographique, avant de s’éloigner petit à petit, notamment en rajoutant du matériel, des informations sur de nombreux personnages, de Tony à Chino.
Et ça, c’est pas mal. Parce que ça participe à l’épaississement d’un discours politique assez fort : en donnant un passé, un vécu et des ambitions aux personnages, le film rajoute une dimension psychologique et sociale à des protagonistes qui avaient une valeur d’allégorie. Là, on est, sans doute plus que dans la version de Wise, dans un discours sur l’Amérique, pays construit sur l’immigration, mais aussi sur une lutte des classes que les pouvoirs en place font tout pour désamorcer en jouant la carte d’un communautarisme exacerbé : en gros, ce dont la police, la municipalité, les puissants, ont le plus peur, c’est que les Jets et les Sharks s’entendent. Tout est donc fait pour les séparer, les entreprises (sociales et autres) visant à les rassembler étant vouées à l’échec dès le départ. C’est le sens dont se charge le morceau Gee, Officer Krupke. C’est une dimension présente dans la comédie musicale, je crois (notamment dans la scène du bal), mais qui était un peu gommée dans la version de Wise. Et elle revient en force dans cette version, parce qu’elle correspond aussi à une vision sociale d’aujourd’hui.
Le film s’ouvre sur une double note d’intention : d’abord le plan séquence sur les ruines, le chantier visant à déblayer le quartier (pour le chantier du Lincoln Center, bien vu…), qui nous dit que le film parlera de la manière dont l’Amérique se modernise à marche forcée sans trop s’attendrir sur les communautés qu’elles laissent en chemin ; et ensuite le dessin à la craie du gamin, que les Jets piétinent là où, dans la version de Wise, ils la contournent, annonçant un durcissement de ton. Et ce durcissement, il est général. Le lieutenant Shrank, assez paternaliste dans la version de Wise, est nettement plus teigneux, donneur de leçon, et donne l’impression qu’il déteste un peu tout le monde (il est d’ailleurs incarné par un Corey Stoll que je crois n’avoir jamais vu aussi convaincant). Et la scène de l’arrivée d’Anita dans la boutique de Doc (ici remplacé par Valentina) est clairement nettement plus dure, à la fois dans son déroulement, dans son commentaire par Valentina, et dans ses conséquences psychologiques, sérieux effritement des convictions basées sur du vide.
Et là, tout le matos accumulé entre-temps, grâce auquel on découvre plus de choses sur les personnages, porte ses fruits. Le drame (que je ne résumerai pas, on le connaît tous…) détruit tout le monde, pas seulement le couple central et ses proches, puis les amis, etc. La construction du personnage de Chino est vraiment très chouette, à cet égard.
Après, si effectivement le film décide de parler de l’Amérique au prisme d’aujourd’hui (faire de Maria non plus une petite main d’un atelier de couture mais une femme de ménage, c’est clairement proposer une lecture « lutte des classes », et ce n’est pas moins qui vais m’en plaindre), il est teinté de « prises de conscience » actuelles. Dans des entretiens, Spielberg explique qu’il cherchait à ce que les acteurs qui interprètent les Sharks, dont des portoricains, soient latinos. Fort bien : si Rachel Zegler est très mignonne, elle est loin d’être aussi rayonnante que Natalie Wood, mais on avait effectivement du mal à croire que Natalie Wood vienne de Porto-Rico. Donc, d’accord, ouais. Et prendre, pour incarner Anybody, la garçonne qui veut à tout prix rejoindre les Jets, Iris Menas, une actrice (un acteur ? un acteurice ?) qui se définit comme non-binaire lesbienne (vous pardonnerez, j’espère, à l’infâme suppôt de la domination mâle blanche hétérosexuelle que je suis s’il y voit une contradiction dans les termes) et qui a une réelle présence palpable à l’écran, c’est une très bonne idée. Là encore, les dialogues et la mise en situation modernise le personnage et les problématiques qui l’entourent. Donc ouais, banco. Bravo même. Cependant, je ne peux qu’y voir une reddition devant les pressions woke. Qui conduit, comme souvent dans ces cas, à des glissements maladroits : pourquoi le seul adulte noir qui ait de l’importance dans l’histoire, c’est l’un des deux hommes qui vendent une arme aux Jets ? Le casting aurait pu donner à un acteur noir les rôles de Shrank ou Krupke, malgré ces patronymes déjà connotés. Mais le film se drape dans le prétexte du réalisme. Donc, si on le suit, les adultes noirs sont des trafiquants d’armes ?
Malgré ce bémol, le film est splendide. Certaines des plus belles chansons du monde, filmées par un maître qui n’a rien perdu de son art. Spielberg est réputé pour son art du contraste, sa capacité à amener des situations tendues grâce à des champs / contre-champs ou des ellipses fortes, tout un arsenal dont certains ne se sont pas remis (Roland Emmerich, genre…). Mais il est reconnu aussi pour ses surcadrages, ces plans où il place un personnage derrière un objet dont la forme encadre l’acteur. Et là, c’est le festival, jusqu’au plan final, quand la musique s’éteint avec les lumières. Il y a notamment un plan qui m’a tétanisé, au moment de sa mise en scène du morceau America, formidable passage féministe, au demeurant.
Bref, un moment formidable, personnellement.
Et je trouve assez étourdissant qu’un film qui parle à ce point d’Amérique soit aussi le produit des grands mouvements de pensée actuelle, ce qui lui permet de manière méta de causer de ce pays également.

Jim

2 « J'aime »

Dans mon cinéma, le film était déjà dans la salle 8, l’une des plus petites. J’y suis allé un dimanche matin, donc pas le créneau le plus fréquenté, mais j’ai vu des films un dimanche matin qui attiraient plus de monde.
Devant moi, il y avait des nanas qui rigolaient sur Gee, Officier Krupke. J’ai pas l’impression que c’était pour se moquer, je crois qu’elles étaient plus réceptives à la dimension humoristique et moqueuse du morceau et de sa mise en scène, mais ça m’a quand même étonné, comme si elles attendaient les parties amusantes. Du coup, je me suis un peu gratté la tête en pensant à cette réaction.

Jim

Tu étais vachement concentré sur le film, dis donc.

Distrait, surtout.

Jim

En tout cas, ce film fait découvrir West Side Story à des gens qui ne connaissaient pas celui de Robert Wise.

Tori.

Moi, je ne connais que les Duchesnay.

Et les archéologues connaissent l’East side story.

Tori.

Il a fallu que je cherche pour retrouver de qui il s’agit.
Forcément, c’est le camembert du sport : celui qui me faisait perdre les parties de Trivial Pursuit.

Jim

Ouais, cette référence, c’est la seule que j’ai sur WSS.
Mais j’ai adoré cette musique grâce à eux. Parce que le film ne m’attire pas du tout.

Il me semble que c’est demain que repasse la version de Wise en deuxième partie de soirée, sur chaipukelle chaîne.
Occasion de rattraper cette lacune.

Jim

Je saurai l’éviter.

Allergique aux comédies musicales ?

Jim

Idem de mon côté (enfin, il ne me les faisait pas perdre, mais me faisait perdre beaucoup de tours).

Tori.

Non pas forcément. J’aime bien Starmania. J’ai vu au théâtre la comédie musicale sur Queen.
Mais l’histoire de WWS ne m’intéresse pas (dans mon souvenir, faudrait peut être que je retourne voir de quoi ça parle).

Après, ça dépend comment tu joues, si tu pratiques, par exemple, la règle qui veut que tu perdes tout si tu réponds mal alors que ton fromage est sur une case de croisement (voire sur le centre). Là, c’est clair que pour rattraper le retard, hein… J’ai perdu des parties comme ça. En général, quand je chopais le camembert du sport, j’étais à peu près tranquille.
Qu’est-ce que j’ai joué à ça, un temps. Tellement que, si l’on jouait avec mon édition, je connaissais tellement le jeu, au point de me souvenir des erreurs (genre, deux réponses imprimées dans le désordre), j’arrivais à gagner quand même.
Mais ça fait des années que je n’y ai pas joué. Genre, sans doute au moins quinze ans. Voire plus.

Jim

Pareil. Mais ça doit bien remonter à 25 ans au moins.