WHALIGOË t.1-2 (Yann / Virginie Augustin)

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La critique de Whaligoë T.2 (Simple - Casterman BD) par vedge est disponible sur le site!

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Whaligoë est une petite bourgade perdue au cœur de l’Écosse. C’est là que Douglas, un dandy écrivain en manque de succès et d’inspiration, et sa muse doivent s’arrêter un soir de 1815. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ils prennent une chambre minable à l’hôtel miteux du coin.

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Les diverses réparations nécessaires à la reprise de leur voyage prenant du temps, Doug sombre dans ses élans mélancoliques et songe à un suicide retentissant, tandis que Lady Speranza découvre qu’un fameux écrivain, Ellis Bell, vit dans les environs, et parvient même à obtenir un rendez-vous. Les deux aristocrates découvrent que l’auteur est en réalité un rustaud rouquin avec qui ils ont eu une discussion houleuse à l’auberge, et ne sont guère convaincus de sa capacité à écrire. Peu à peu, il va s’avérer qu’Ellis Bell est en réalité Emily, la sœur dudit rustaud, mais là encore, Doug et sa compagne se méfient. La tension monte, et quand leur cocher est égorgé, les deux voyageurs s’enferment dans leur chambre, laissant le lecteur en pleine tension à la fin du premier tome.

Le second volume est consacré au duel entre Doug et le frère d’Emily, aux obsessions morbides du premier, persuadé d’avoir vue le fantôme d’une charmante jouvencelle hanter le cimetière jouxtant l’auberge, et à tout un discours sur la création littéraire, faisant du diptyque un vif hommage à la littérature gothique.

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Si Yann déploie des trésors d’ironie à l’occasion de dialogues cinglants et bien senti, on pourra lui reprocher de remplir les répliques d’expressions anglophones qui alourdissent l’ensemble. Les clins d’œil aux coulisses de la BD (des noms comme Riff Reb’s ou Bocquet servant à désigner des lieux ou des personnages) ajoutent un peu à l’arsenal de plomb dont il se munit. Si l’on arrive à faire abstraction de cela, on a une intrigue rondement menée, des dialogues percutants et assez drôles, une situation tendue de bout en bout, et une réflexion intéressante sur l’acte de création.

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Graphiquement, Virginie Augustin laisse s’exprimer une veine cartoony qui rappelle un peu le trait de Pierre Alary (connu pour Belladone, Sinbad ou Silas Corey, par exemple). Ce n’est pas étonnant quand on sait que tous deux sont passés par le dessin animé, métier formateur s’il en est. Les personnages qu’elle dessine sont très expressifs, bougent avec naturel, sans jamais que le trait soit encombré. L’ensemble est léger et fluide.

La série, publiée en 2013-2014, montre que son style s’est libéré, depuis Alim le Tanneur, et que son trait, tout en s’épurant, s’est émancipée pour aller vers plus de souplesse.

Jim

Aujourd’hui, entre le repas, la vaisselle et le café, je zappe sur l’épisode du jour de L’Inspecteur Barnaby (j’aime beaucoup les romans de Caroline Graham, en qui je vois une héritière d’Agatha Christie dans la description des microcosme de la bourgeoisie provinciale anglaise, et la série télé parvient, surtout dans les saisons avec John Nettles, à retranscrire ce qui se trouve dans les bouquins). Et donc là, l’intrigue concerne une famille de notables d’une bourgade voisine dont le benjamin, devenu producteur de cinéma, entame le chantier de La Maison de Satan 2, la suite d’un de ses gros succès. Or, dans le récit, le film est adapté d’un roman signé par un auteur local, mort en 1930, et nommé Ellis Bell.
Du coup, je lève un sourcil : un Ellis Bell aurait-il existé, inspirant Yann en France et le scénariste Alan Plater en Angleterre ? Moi qui croyais que c’était une création de Yann dans le cadre d’un hommage plus large à la littérature du XIXe siècle.
Or, il se trouve qu’Ellis Bell est en réalité un pseudonyme adopté par Emily Brontë dans les pages d’un recueil intitulé The Poems et contenant des poésies écrites par les sœurs. Le recueil est sorti en 1846. Et au final, j’aurais dû m’en douter : derrière le pseudonyme, dans le récit de Yann et Augustin, se cachent un frère et une sœur, Branwell et Emily. Or, Emily Brontë avait un frère (peintre) prénommé Branwell.
Faisant face à ma propre inculture, je note dûment que Yann, dans son scénario, mêle les références sans souci de les rendre explicites. Ce que je trouve tout à fait louable : après tout, le lecteur (en l’occurrence ici : moi) n’a qu’à faire preuve de curiosité. Qui plus est, le récit est suffisamment bien écrit pour que j’aie pu le lire sans me perdre en interrogations.

Jim

Pas tout à fait au coeur : C’est plutôt vers l’extrême Nord-Est. Il ne doit pas y faire très chaud, et c’est complètement perdu… Ce petit port est connu pour son escalier, les Whaligoe steps (330 ou 365 marches, selon les versions), qui date du XVIIIème siècle.

Tori.