[quote=« Jim Lainé »]
Il y a de fortes chances que je ne comprenne rien à son cinéma et que je passe à côté de quelque chose, [/quote]
Oui. 
Non, franchement, je pourrais dire ça de beaucoup de cinéastes que j’aime, mais c’est encore plus vrai pour celui-ci : Malick, c’est à prendre ou à laisser. Il n’y a pas de demi-mesures, on adhère sans réserves ou on rejette en bloc, pas le choix. Et ce n’est pas une affaire purement esthétique, puisqu’on trouve dans le lot de ceux qui n’aiment pas des gens qui reconnaissent son talent plastique et le caractère « ouvragé » de ses films (5 ans de montage pour « Tree of Life »…).
Non, ça se joue à un autre niveau, c’est une question de sensibilité : il y a une sorte de « mièvrerie » fondamentale dans le cinéma de Malick que l’on supporte ou pas (moi je trouve ça très beau). Et il trouve des moyens de cinéma inouïs pour l’exprimer, c’est un vrai inventeur.
C’est un peu un lieu commun de dire que Malick baigne dans le transcendatalisme américain, des penseurs comme Emerson, Thoreau, des auteurs éminemment américains, avec ce lien si particulier à la nature, et il a d’ailleurs étudié et traduit de la philo…
Il y a un concept de Emerson très beau, l’Oversoul, qui est en quelque sorte un principe qui est la somme des émanations de toutes les créatures vivantes, une sorte d’esprit collectif (on peut trouver ça un pas baba sur les bords, à certains égards ça l’est). Malick trouve des moyens d’exprimer ce concept, avec sa voix off par exemple, ou plutôt ses multiples voix off, car depuis les Moissons du Ciel, les voix off sont collectives chez lui. Le montage accumule des points de vue multiples, parfois inhumains (les plans de coupe sur les animaux), toujours irréconciliables (les faux raccords volontaires, les directions du regard non respectées à dessein, c’est une spécialité de Malick, qui connaît parfaitement les règles de la grammaire cinématographique mais pour mieux les détourner) et évoque un espèce d’objet à multiples facettes, un effet « oeil de mouche ».
Cette façon unique d’animer des micro-univers entiers dans leurs moindres détails s’accompagne d’une saisissante anonymisation des personnages « humains », presque interchangeables, partageant tous un destin commun, un sens de l’émerveillement commun aussi, à ne pas confondre (surtout pas) avec un désintérêt pour les personnages. En termes de production, concrètement, ça s’exprime par des castings pléthoriques où les stars disparaissent au montage ou font des caméos de 30 s (c’est très raccord avec sa démarche globale).
Et j’ai l’impression que Malick fait office d’émulateur pour ses collaborateurs : je n’aime pas Zimmer en temps normal, mais j’adore la BO de « La Ligne Rouge » ; je ne suis pas fou de Brad Pitt, mais il est impressionnant dans « Tree Of Life ».
Je vois mal le lien habituellement établi avec Kubrick par contre, mise à part leur attitude de vieux reclus misanthropes. Leurs méthodes et le rendu qui en découle sont très différents, je trouve.
Et puis bon, il faut voir dans une salle ces plans hallucinants des « Moissons du Ciel » : les scènes de travaux dans les champs sont tournés à la fameuse « heure bleue » (le mec ne pouvait tourner que 20 mn par jour !! kamikaze…), et le rendu tire des larmes de bonheur (je suis une chialeuse, je précise).