ça va, c’est plutôt lui qui prend cher dans le film. 
Je ressors satisfait par le spectacle offert par cette production, qui lorgne vers les films d’action des années 1980 avec son mélange de polar musclé et d’humour. L’intérêt n’est clairement pas à chercher du côté du scénario: le déroulement de l’histoire se suit sans déplaisir mais n’est pas exempt de facilités (Cartier retrouve les braqueurs avec un indic bien tombé par exemple), et il n’y a pas de péripéties qu’on ne pourrait pas retrouver dans d’autres films policiers du même genre. Contrairement à ce que pourrait laisser penser la bande-annonce, le ton du film est globalement sérieux et l’humour est plutôt utilisé à bon escient, que ce soit dans les moments intimes pour renforcer les liens entre les personnages ou pour relâcher la pression pendant un bref instant lors de scènes tendues. Alban Lenoir qui brise sa batte en cognant un gros dur et pousse un râle de lamentation parce qu’il sait qu’il va salement déguster, ça rappelle le John McLane des débuts et ça passe bien.
Là où le film impressionne, c’est dans sa réalisation d’une grande nervosité soutenue par un montage au diapason, qui reste très fluide. Je ne connaissais pas le travail de Benjamin Rocher avant de voir Antigang mais il est visiblement doué quand il s’agit d’instiller une ambiance et une tension palpables. Et ce dès la séquence d’ouverture qui, en peu de plans, combine une vue d’ensemble aérienne avec des inserts de buildings de Paris de nuit pour planter le décor avant de basculer sur des plans serrés pour introduire les protagonistes à l’intérieur d’une voiture. Les visages sont tendus, tout le monde est silencieux, un flic vérifie son arme, un autre dans la deuxième voiture sort une batte, et on comprend qu’il va y avoir du grabuge avant qu’Alban Lenoir ouvre la bouche et enclenche les échanges explicatifs qui vont suivre. Cette phase de préparation et d’appréhension pour les personnages avant de se lancer dans l’action va se retrouver tout au long du film, avec à la clé des affrontements et des fusillades bien emballés, souvent pensés pour tirer profit du décor environnant.
Il y a notamment la très belle poursuite des braqueurs par les flics de jour en plein Paris (qui n’est pas sans rappeler celle de Heat), qui commence par des échanges de coups de feux obligeant les policiers à progresser à couvert derrière des piliers métalliques avant d’atteindre l’esplanade de la BNF, dont la topologie vaste et ouverte permet de séparer l’action en deux. D’un côté, le personnage d’Alban Lenoir est obligé de courser un braqueur en partant des escaliers pour terminer sur le pont, et de l’autre côté, Jean-Reno colle au train des fuyards restants pour finir dans un parking souterrain. L’opposition extérieur/intérieur entre les deux séquences en parallèle fonctionne bien puisque la fuite des braqueurs dans chaque cas met à profit des solutions adaptées (bateau pour l’un, voiture pour les autres). Même quand la configuration des lieux est minimaliste, comme la course-poursuite en voiture sur un chemin de campagne, la réalisation arrive à dynamiter la séquence en mêlant des plans intérieurs serrés avec des plans extérieurs larges puis serrés sur les voitures, couplés avec des plans filmés au ras du bitume et en vue subjective pour renforcer l’immersion.
L’autre gros atout du film, c’est l’implication du casting dans les scènes de baston, très bien chorégraphiées, qui n’en sont que plus percutantes. Si Alban Lenoir donne beaucoup de sa personne et de sa présence (les deux combats successifs dans le garage sont jubilatoires, ça tape dur), les autres acteurs moins malmenés physiquement n’en ont pas moins leurs moments, comme Caterina Murino et Sébastien Lalanne (sa façon de latter un truand avec son bélier customisé est aussi drôle qu’elle fait mal).
Pour finir, un petit mot pour souligner le boulot opéré sur la photographie et la lumière, très soigné tout au long du film et en particulier dans les scènes nocturnes. La vision de Paris de nuit est superbement rendue et les combats éclairés par des néons et des lampes dans le garage offrent de beaux moments. C’est quelque chose qu’on ne voit pas souvent dans les films français j’ai l’impression, et ça donne un vrai cachet au film comme le faisait remarquer Caterina Murino en interview.