Je l’ai vu finalement, et je dois dire que je ne le regrette pas. Il y a matière à gloser.
Déjà, je dois dire que le complotisme / conspirationnisme a plutôt tendance à me faire marrer, et j’ai vraiment du mal à prendre au sérieux les délires les plus « avancés » (le coup du faux alunissage ? Allons…). De ce point de vue-là, le docu est drôle, vraiment, à sa manière très particulière (son humour fonctionnant à différents niveaux, il résulte aussi des associations d’images avec les voix, même si c’est vrai que le procédé finit par tourner en rond).
Un autre groupe de témoignages me semblent intéressants pour les spectateurs les moins perspicaces, ce sont ceux qui enfoncent des portes ouvertes : le coup du génocide indien, tout le monde l’aura repéré dès qu’il est fait mention du cimetière, ça a été largement relevé à droite à gauche. Le mec qui s’extasie sur les fondus enchaînés / surimpressions faisant apparaître des géants dans des décors miniatures, en quelque sorte, semble ignorer que ce type d’effets était déjà l’apanage des cinéastes des années 20 (c’est quand même le propre du cinéma de mettre en rapport des objets aux dimensions « normalement » incommensurables).
Quant aux étonnants et parfois mêmes bluffants points de concordance quand on superpose les photogrammes du film passé simultanément « à l’envers à l’endroit » (les lèvres des persos qui cadrent pile dans l’écran télé, ce genre de trucs), c’est oublier un peu vite que tout bon réalisateur (donc Kubrick) connaît les « points de force » attirant l’oeil dans un cadre, déterminés par la règle des trois tiers par exemple. Ce qui signifie qu’il est tout à fait logique que des détails signifiants de deux plans n’ayant en fait aucun rapport entre eux occupent le même espace à l’écran…
Et puis il y a les trucs qui font vraiment gamberger. Et les trucs épatants dont on aimerait tant que Kubrick l’ai fait exprès (et c’est sûrement le cas 99 % du temps, mais j’y reviens) : l’exemple parfait, c’est la fameuse fenêtre impossible dans le bureau du gérant de l’hôtel…
Le film est également passionnant (notamment dans ses divagations les plus extravagantes) comme illustration du « biais de confirmation » appliqué à la critique de films : on est tellement convaincu de sa propre thèse qu’on ne voit plus que les indices qui la confortent. Mais comme on le sait, mêmes les paranoïaques ont parfois raison. Et Kubrick avec sa réputation de « control freak » démiurgique a tendance par son aura à encourager ce type de délires.
Alors qui croire ? L’interrogation reste en suspens à la fin, mais l’aura du film (« Shining » je veux dire) s’en trouve à mon sens renforcé. Ce qui est déjà à mettre au crédit d’Ascher.
Enfin, j’ai apprécié la forme du film ) proprement parler : je suis plutôt partisan d’une certaine neutralité dans le docu, pas de voix off de l’auteur, et une large place à la parole libérée, pas trop de cuts dans le montage son. Ici, la paroles est tellement libérée, que de manière intéressante, ce sont les voix qui commandent aux images. C’est assez raccord avec un des préceptes de base du cinéma de Kubrick : méfiez-vous des images.
Un précepte que certains des intervenants les plus allumés feraient bien de se remémorer !!